Le Groupe de travail sur les détentions arbitraires (GTDA) adresse une réponse officielle aux victimes de Taoufik Bouachrine. Un courrier dans lequel l'organisme onusien exprime sa sympathie avec les victimes et prend ses distances avec les arguments de la défense, cinq mois après avoir émis un avis à charge contre l'autorité judiciaire et pour lequel les plaignantes n'avaient pas été entendues. Le 25 février dernier, le collectif de défense des victimes de Toufik Bouachrine n'avait pas eu de mots assez forts pour réagir à l'avis consultatif émis par le Groupe de travail sur les détentions arbitraires (GTDA) de l'ONU. Lors d'une conférence de presse, les 8 avocats des victimes avaient notamment qualifié de « mensonges », des informations contenues dans cet avis. Ils avaient également dénoncé le terme « détention abusive » utilisé par les rédacteurs du rapport qui n'avaient pas basé leur plaidoyer à charge contre les autorités marocaines sur les crimes et délits qui étaient reprochés au directeur de publication d'Akhbar Al Yaoum, se contentant de dimensionner l'affaire à une atteinte à la liberté d'expression. Aujourd'hui, Me Mohamed Karrout, l'un des avocats des plaignantes déclare que c'est " une grande victoire" pour commenter la lettre datée de ce 12 juin, adressée aux victimes. Sympathie, compassion, en tous cas, leur avocat y voit la reconnaissance de leur statut de victimes . Elles, dont la crédibilité avait été violemment attaquée par la défense du directeur de publication d'Akhbar Al Yaoum. Dans cette même lettre, le GTDA exprime « sa confiance en la justice marocaine, exerçant sa compétence en la matière dans le respect des droits de chacun ». Au GTDA d'ajouter que « l'avis rendu en faveur de M. Bouachrine ne soit pas un frein à la procédure idoine pour les allégations qui sont portées à son encontre. ».
On ne sait pas si les autorités judicaires réagiront à cette lettre adressée aux victimes. En tous cas, après l'avis émis en février dernier par le GTDA, la réaction avait été vive et la polémique qui s'en était suivie, intense. On se souvient des arguments portés par le ministre de la justice Mohamed Aujjar qui avait exprimé son étonnement quant à la démarche qualifiée d' « unilatérale » du GTDA. « Le gouvernement marocain s'étonne de l'appel qui lui a été adressé par le GTDA pour la remise en liberté de l'intéressé, sachant que cette affaire ne relève pas du ressort du pouvoir exécutif mais des compétences exclusives du pouvoir judiciaire et qu'il est interdit d'attenter à son indépendance ou même d'influencer son travail » avait alors souligné Mohamed Aujjar. * Aujjar: Le gouvernement exprime son "grand étonnement" suite à l'avis du GTDA au sujet de l'affaire Bouachrine Le ministre de la justice avait également expliqué que l'avis émis par le GTDA l'avait été sans laisser à la partie marocaine la possibilité de présenter des informations sur les observations complémentaires. En effet, il existe des mécanismes du groupe de travail qui prévoient la possibilité de demander au gouvernement des éclaircissements supplémentaires. Le GTDA ne l' a pas fait. De même que le groupe de travail onusien n'a pas respecté l'article 109 de la constitution selon lequel « est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la Justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d'injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression», avait précisé le ministre. Il faut dire que dans son avis, le Groupe de travail sur la détention arbitraire n'y était pas allé de main morte, estimant notamment que Taoufik Bouachrine avait été « injustement privé de sa liberté », « harcelé par la justice » et qu'il serait « approprié de le libérer immédiatement et de lui accorder le droit d'obtenir réparation ». Sur tous ces aspects, l'instance a fait preuve de manquements à même de remettre en question sa crédibilité, déjà fortement entachée par le fait que l'avis ait été émis sans que les victimes ou leurs avocats n'aient été entendus. Dans le courrier adressé aux victimes aujourd'hui, le groupe se défend de « toute interprétation selon laquelle il aurait été perçu comme innocentant Taoufik Bouachrine ». Le GTDA ne se serait donc jamais prononcé en faveur de l'innoncence du fondateur d'Akhbar Al Yaoum. Rétropédalage ou mise au point nécessaire ? En tous cas, l'instance onusienne ne sortira pas indemne de cette affaire. Les éléments de la discrétion, de l'objectivité et de l'indépendance nécessaires à son action, tels que définis par le Haut Commissariat des Droits de l'homme des Nations Unies n'étaient pas réunis. Ce n'est pas la première fois que le GTDA est épinglé par un pays pour ses méthodes. La France, l'Espagne ou encore l'Australie ont eu des critiques sévères à son encontre, remettant en question son mode de fonctionnement et ses méthodes de travail.