* «Zizouna» est le nouveau roman édité par la maison dédition française «Les points sur les i» de lauteur marocain Jaouad El Benaissi. Nous avons recueilli les impressions de ce jeune écrivain sur son roman. - Finances News Hebdo : Tout dabord, dans quelle lignée littéraire peut-on situer ton roman «Zizouna» ? - Jaouad El Benaissi : Il mest un peu difficile de répondre à cette question avec une garantie dobjectivité. Car je narrive toujours pas à me faire une certaine distance vis-à-vis de luvre. Toutefois, les remarques ayant été formulées par certains critiques littéraires me poussent à prendre le risque de dire que « Zizouna » fait partie de cette littérature de refus qui nest absolument pas destinée aux lecteurs qui aiment lire quelque chose de doux avant de se coucher le soir. Et là, je tiens à préciser que le refus dont il sagit est loin dêtre orienté par une vision nihiliste. Au contraire, cest le refus de linjustice sociale, de lescroquerie politique, de la hogra et qui traduit une véritable volonté de contribuer à un changement positif. Non, je ne suis pas anarchiste. Et jai horreur de refuser juste pour refuser. Je crois que le message de Zizouna nest pas autre chose que cela !. - F. N. H. : Comment, à ton avis, le handicap de lhéroïne de ton roman serait il plus éloquent pour traduire ses souffrances ? - J. E. B. : Le handicap de lhéroïne est exactement celui dune société dont on a coupé la langue à coups de crainte et de contrainte. Le despotisme qui a marqué les dernières décennies de nos sociétés maghrébines, en général, a donné naissance à une majorité silencieuse qui boycotte la chose publique et vit dans une sorte dautisme, en marge de lévolution du monde. Mais cette société nest pas morte. Elle a un cur qui bat. Elle a une vie, des traditions, des aspirations légitimes de vivre dans la dignité, des rêves et surtout une envie daccéder à la citoyenneté. Mais elle nen peut plus davoir affaire à des politiques arrivistes qui ne se rendent compte de sa présence que lors des occasions électorales. Voilà donc comment jai essayé de jeter la lumière sur la rugosité de la vie quotidienne de cette « société den bas » dont je suis issu. Et ce, à travers lhistoire de «Zizouna», une femme qui se trouve être à la fois sourde et muette. Se mettre dans la peau dune personne présentant ces caractéristiques afin de faire entendre ses souffrances intérieures, était pour moi un exercice difficile. Mais agréable aussi ! - F. N. H. : Enfin, une liaison est faite entre « Zizouna» et lhistoire des Juifs au Maroc. Quest-ce que cela veut traduire à vos yeux ? - J. E. B. : Zizouna a été trouvée sur un trottoir. Et cest une famille juive du vieux quartier du Mellah qui la adoptée. Mais au bout de quelques années, cette famille a dû, comme la plupart des juifs marocains, quitter le Maroc pour Israël. Alors, à un âge très jeune, Zizouna a été happée par les réseaux de prostitution et de criminalité dont le Mellah de Sefrou était devenu le théâtre. Devrais-je rappeler quà une certaine époque, les Juifs constituaient la majorité de la population à Sefrou où ils tenaient le commerce, lagriculture, lartisanat, etc. Les rapports avec les Musulmans étaient fondés sur lamour et le respect mutuels. Ma mère ma raconté que les femmes des deux religions faisaient volontiers garder leurs enfants les unes par les autres. De tout cela il ne reste plus que des souvenirs dans la mémoire collective ainsi quun patrimoine architectural de plus en plus détérioré. En en parlant dans ce roman, je voulais rendre hommage à ces enfants du pays dont ce dernier a vraiment besoin !