* La forte croissance des cours et des volumes a eu des effets pervers sur le marché. * Le CDVM régit le marché dans une perspective de convergence avec les normes et pratiques internationales. * Tour dhorizon avec le DG du CDVM. * Finances News Hebdo : Entre 1998 et 2008, la Bourse de Casablanca a connu de profondes mutations dont l'un des acteurs majeurs a été justement le CDVM. Avec le recul, quelle appréciation faites-vous de l'évolution du marché et des actions entreprises par votre institution ? * Dounia Taarji : En 10 ans, le marché a évolué dans plusieurs directions : - le recours des entreprises au marché boursier est devenu plus fréquent, et les capitaux levés par les entreprises permettent à présent de démontrer que la Bourse peut effectivement devenir un outil pour le développement de l'entreprise. C'est un bon début qu'il faut renforcer; il y a tellement de besoins d'investissement qui restent à financer dans notre pays ! Je pense notamment aux projets d'infrastructure; - la base des investisseurs s'est élargie, notamment les particuliers marocains; mais trop peu utilisent réellement la Bourse comme un instrument de placement à long terme. Tout reste à faire en matière de formation financière des épargnants; - les volumes d'épargne collectés par les OPCVM positionnent désormais ces intervenants comme des acteurs professionnels et importants sur le marché, au même titre que les autres investisseurs institutionnels; - les intervenants se sont professionnalisés, mais restent généralement des petites structures spécialisées, trop dépendantes de l'activité de l'intermédiation boursière; - la qualité de l'information financière s'est améliorée, mais les analyses financières sont encore peu utilisées par les épargnants pour leurs décisions. De façon plus générale, la forte croissance des cours et des volumes enregistrée depuis 5 ans (et à laquelle ce dernier trimestre apporte une correction attendue) a certes attiré beaucoup d'intérêt sur le marché, mais a eu des effets pervers en favorisant des comportements néfastes à moyen terme (niveaux de valorisation excessifs, comportements spéculatifs à court terme, oubli de l'analyse fondamentale, etc). Dans ce contexte, le CDVM a agi depuis 10 ans en gardant le souci permanent d'inscrire notre évolution dans une perspective de convergence avec les normes et pratiques internationales. Il n'y a pas de recette miracle pour développer un marché financier, il y a des étapes d'évolution par lesquelles nous passons, mais en nous référant systématiquement aux meilleures pratiques internationales. Cela nous permet de bénéficier des expériences des autres pour essayer de raccourcir le processus d'apprentissage. * F. N. H. : A ce titre, ne pensez-vous pas, à la lecture de tous les évènements qui se sont passés sur le marché, que le cadre réglementaire a évolué beaucoup moins vite que le processus de modernisation de la Bourse ? * D. T. : Le cadre réglementaire évolue régulièrement, avec ses contraintes : changer une loi nécessite au moins un an (sinon 2 ou 3), un arrêté nécessite plusieurs mois, et une circulaire au moins 3 mois. Avec les circulaires, nous essayons d'accompagner de façon dynamique les évolutions du marché. Mais, par définition, les pratiques de marché changent beaucoup plus vite que les textes; et c'est normal, ce ne sont pas par les textes que l'on crée un marché ! Maintenant, ce qui est le plus long à changer, ce sont les mentalités et les idées reçues : ainsi, en terme de formation financière des épargnants, il faudra de nombreuses années avant de faire comprendre que la manière la plus rentable à terme pour investir en Bourse est de le faire sérieusement, sur la base d'analyses fondamentales, et non de compter sur les «tuyaux» pour «faire des coups»... * F. N. H. : A la lumière des dernières mesures annoncées par le ministre des Finances concernant notamment le renforcement de votre pouvoir de contrôle, pensez-vous que vous disposerez, dès lors, de tous les outils devant vous permettre d'assurer pleinement votre mission ? Sinon, quelles sont les prérogatives que vous souhaiteriez avoir afin de mener votre mission de manière beaucoup plus efficace ? * D. T. : Vous savez, il n'existe pas de modèle parfait d'autorité auquel il faudrait se référer pour réclamer une liste de prérogatives nécessaires. Il y a des insuffisances qui sont apparues dans les textes qui nous régissent; c'est au regard de ces insuffisances que nous proposons de faire évoluer notre statut. Mais c'est en pratiquant une prérogative que l'on peut en vérifier l'efficacité; difficile de le faire de façon théorique à l'avance. Quand on regarde nos confrères étrangers, on se rend bien compte qu'ils se remettent en cause régulièrement pour s'adapter aux évolutions de leur marché et aux difficultés vécues dans la pratique de leur mission. * F. N. H. : Aujourd'hui, les indices boursiers sont toujours dans le rouge, malgré le plan de relance annoncé par le département de tutelle. En tant qu'experte, que vous inspire la phase actuelle que traverse le marché ? * D. T. : La correction était attendue. Elle nous permettra de redémarrer ultérieurement avec des niveaux de valorisation qui redeviendront très attractifs. Globalement, les entreprises cotées sont saines et ont de belles perspectives de croissance, même si l'environnement international reste morose. C'est pendant ces périodes daccalmie que l'on peut se recentrer sur les chantiers stratégiques pour consolider les acquis de la période de forte croissance dont nous venons de sortir, et préparer l'avenir. * F. N. H. : Quelles sont les priorités du CDVM pour l'année 2009 ? * D. T. : Consolider les acquis, renforcer la proximité avec les opérateurs à travers de nombreux chantiers de développement engagés, et maintenir une grande vigilance pour s'assurer du bon fonctionnement du marché et du respect des règles.