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Entretien : Les vertus du «protectionnisme» marocain
Publié dans Finances news le 23 - 10 - 2008

* A partir de novembre 2008, plusieurs chefs d’Etat se réuniront pour revoir de fond en comble le système financier mondial.
* Le Fonds monétaire international jouera un grand rôle dans le système financier mondial.
* Au Maroc, c’est le retard de libéralisation qui nous a préservés de la crise financière internationale.
* Le Maroc pourrait également attirer des capitaux disponibles à la recherche de marchés plus sûrs que l’Europe et l’Amérique.
Finances News Hebdo : Pouvez-vous nous dire depuis quand exactement la crise financière internationale a éclaté et quelles en sont les principales raisons ?
Jawad Kerdoudi : La crise financière internationale a débuté aux Etats-Unis en février 2007 et a eu des effets dévastateurs sur les institutions financières, notamment les banques, les compagnies d’assurance et les Bourses. Elle a connu son paroxysme le 15 septembre 2008 avec la faillite de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers. Elle s’est étendue par la suite aux banques européennes, notamment en Angleterre, en Allemagne et en Suisse. Cette crise s’est accompagnée de la chute des Bourses mondiales dès le 30 août 2007, avec un véritable krach boursier dans la semaine du 6 au 10 octobre 2008.
Les causes de cette crise financière internationale sont dues à la déréglementation financière qui s’est développée depuis les années quatre-vingt, à la mondialisation favorisant la libre circulation des capitaux, enfin à la profusion des produits «dérivés» qui ont alimenté la non-transparence et l’irresponsabilité. Les dirigeants des institutions financières sont également responsables, dans la mesure où l’appât du gain les a poussés à prendre des risques considérables, du fait de la spéculation effrénée qui s’est développée sur le marché financier international. Les «paradis fiscaux» ont joué également un rôle néfaste dans cette crise. Cependant, le déclenchement de cette crise provient des prêts hypothécaires à risques (Subprimes) qui sont apparus aux Etats-Unis au dernier trimestre 2006, où des institutions financières américaines n’ont pas hésité à accorder des prêts immobiliers à des personnes insolvables.
F.N.H. : Quelle appréciation faites-vous des mesures prises par le gouvernement américain afin de contrecarrer la crise et qui se sont traduites par un fort interventionnisme étatique, et ce dans un contexte ultralibéral ?
J. K. : Les Américains ont été les premiers à réagir avec le plan Paulson (Secrétaire au Trésor américain) qui a prévu d’injecter 700 milliards de $ dans le système bancaire américain pour empêcher les grandes banques de faire faillite, et pour canaliser les crédits vers les entreprises et les ménages. Certes, ces mesures où l’Etat intervient massivement sont paradoxales dans un système ultralibéral comme celui des Etats-Unis, mais elles étaient indispensables pour sauver le système financier américain. Ces mesures ont permis de colmater la crise, mais sont insuffisantes pour redonner pleinement confiance au marché. Il est d’ailleurs prévu de réunir, à partir de novembre 2008, plusieurs sommets de Chefs d’Etat et de gouvernement pour revoir de fond en comble le système financier mondial, tel qu’il a été établi par les Accords de Bretton Woods en 1948.
F.N.H. : Est-ce que vous ne pensez pas que cette crise financière internationale est un enseignement à tirer de l’excès du libéralisme ?
J. K. Absolument. C’est l’excès de libéralisme et l’absence de contrôle qui sont à l’origine de cette crise. D’ailleurs, tous les responsables sont d’accord pour concevoir un nouveau système financier mondial, où des règles précises seront émises, et des contrôles stricts effectués sur le plan mondial. Il est trop tôt pour parler en détail du nouveau système financier mondial, mais il est déjà acquis que le Fonds monétaire international y jouera un grand rôle.
F.N.H. : L’impact de la crise sur le système financier marocain est, certes, limité. Mais est-ce que cet état de fait ne met pas en évidence le retard affiché par le Maroc en matière de libéralisation par rapport au reste du monde ?
J. K. : En effet, l’impact de cette crise sur le système financier marocain est faible. Ce dernier n’est pas trop engagé sur le marché mondial, et ne gère pas de produits dérivés provenant des «Subprimes ». De plus, la gestion des crédits au Maroc est très prudente et solidement encadré par Bank Al-Maghrib.
Seule la Bourse de Casablanca a été influencée par cette crise internationale, mais les fondements de cette Bourse sont solides, et je pense qu’elle reprendra son équilibre dans les prochaines semaines.
Au contraire, c’est le retard du Maroc en matière de libéralisation qui nous a préservés de la crise financière internationale. En effet, comme vous le savez, le contrôle des changes au Maroc ne permet pas d’investissements en capital dans les Bourses étrangères, et c’est ce qui nous a préservés de l’acquisition de produits dérivés dangereux. D’ailleurs, j’ai toujours préconisé une libéralisation progressive et prudente de notre système de change.
F.N.H. : La crise internationale risque, par contre, d’avoir des répercussions sur l’économie réelle, à savoir le volume des exportations vers l’UE, le tourisme et même l’immobilier via le haut standing. Quelles sont les différentes mesures à prendre afin de contrecarrer cette crise ?
J. K. : Il est certain que la crise financière internationale aura des effets sur notre économie réelle, si la récession s’installe en Europe, principal marché pour nos exportations, pour le tourisme et les investissements directs étrangers. Cette situation ouvre également des opportunités, dans la mesure où des entreprises européennes peuvent trouver intérêt à se délocaliser dans notre pays. Le Maroc pourrait également attirer des capitaux disponibles à la recherche de marchés plus sûrs que l’Europe et l’Amérique. Je pense particulièrement aux capitaux arabes du Moyen-Orient. Les mesures concrètes à prendre sont la recherche d’autres marchés pour nos exportations, notamment en Asie, des promotions incitatives pour le tourisme, et des campagnes d’information pour attirer les investissements industriels et financiers étrangers.


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