* La sortie de crise passe inéluctablement par la sauvegarde des institutions financières. * Si le problème de lendettement se pose désormais avec acuité pour les pays riches, il nen est pas de même pour le Maroc dont le taux dendettement reste inférieur à 60%. * Pour le Sud de la Méditerranée, lavenir nest pas très prometteur. Cette région souffre, et souffrira encore, dun revenu par habitant très faible par rapport au Nord de la Méditerranée dans une fourchette de 1 à 10. * Pour un pays comme le Maroc, la leçon quil faut tirer de cette crise est quil faut aller progressivement et prudemment dans la libéralisation de léconomie nationale, en maintenant à lEtat non seulement son rôle de régulateur et de contrôleur, mais aussi de promoteur de développement économique. * J. Kerdoudi, président de lIMRI, diagnostique la sortie de crise. - Finances News Hebdo : À loccasion du Forum de Paris, certains intervenants ont prétendu que la sortie de crise dépendait de la manière avec laquelle on raisonne (taux de croissance, niveau ). Vous, en tant quexpert, quelle appréciation faites-vous de la sortie de crise au Maroc ? - Jawad Kerdoudi : Pour la sortie de crise, que ce soit au Maroc ou dans tout autre pays, la première chose à faire est de sauver les institutions financières. En effet, le capitalisme qui a été adopté par la quasi-totalité des pays du monde, repose essentiellement sur le système financier : Bourses, banques, sociétés de financement. Sans le bon fonctionnement de ces institutions, léconomie est bloquée, parce quelle est basé essentiellement sur lapport dargent, que ce soit à travers la Bourse ou à travers le crédit bancaire. Une fois le système financier sauvé, lEtat relance léconomie en créant des emplois et en stimulant la demande. La création demplois se fait généralement par le lancement de grands travaux dinfrastructures. La stimulation de la demande peut se faire soit par laugmentation des salaires, soit par la diminution de la fiscalité sur le revenu. Dans le cas du Maroc, du fait du contrôle de lOffice des changes, notre système financier a été préservé. Mais le gouvernement a aidé certains secteurs dexposition tels que les textiles, le cuir et lautomobile. Pour créer des emplois la Loi de Finances 2010 a augmenté les investissements publics de 20%. Enfin, pour stimuler la demande des ménages, cette même loi prévoit une nouvelle baisse de limpôt sur le revenu et le maintien du soutien de la Caisse de Compensation pour les produits de base. - F.N.H. : Sous dautres cieux, linterventionnisme étatique nest pas sans séquelles pour les économies en question, essentiellement en matière dendettement. Quid de notre économie ? - J. K. : Cest vrai que les pays développés : Etats-Unis, Europe, Japon se sont beaucoup endettés en lançant des plans de relance énormes : 700 milliards de $ aux Etats-Unis et en Europe. Leur taux dendettement atteint presque 100% du PIB. Ces pays surendettés vont certainement augmenter les impôts une fois la situation rétablie, doù le risque dinflation. Quant au Maroc, son endettement total est inférieur à 60% du PIB, donc il ny a pas de crainte de ce côté-là. - F.N.H. : Tous les pronostics laissent prédire que dans lavenir, le monde deviendra instable et hétérogène. Quelle sera, daprès-vous, la position du Sud de la Méditerranée dans cette configuration ? - J. K. : Le Sud de la Méditerranée na pas été très touché par la crise financière internationale, puisquil nest pas totalement intégré à léconomie mondiale. Il a fini lannée 2009 avec une légère croissance de 1,9%, et le FMI prévoit pour la région MENA une croissance de 4% en 2010. Mais le Sud de la Méditerranée souffre, et souffrira encore, dun revenu par habitant très faible par rapport au Nord de la Méditerranée dans une fourchette de 1 à 10. Toute la problématique du Sud de la Méditerranée se résume dans la lutte contre la pauvreté. - F.N.H. : Quels sont les principaux enseignements à retenir de cette crise, surtout pour une économie et un système financier comme les nôtres? - J. K. : Sur un plan général, la récente crise financière et économique qui a frappé le monde, a démontré le danger dun libéralisme débridé, sans contrôle. Tout le monde est conscient, maintenant, quil faut revoir le système financier international, en imposant des règles strictes à observer par tous les opérateurs qui agissent dans ce secteur. Cette crise a également revalorisé le rôle de lEtat en tant que régulateur et contrôleur. La leçon à tirer pour le Maroc est quil faut aller progressivement et prudemment dans la libéralisation de léconomie nationale, en maintenant à lEtat non seulement son rôle de régulateur et de contrôleur, mais aussi de promoteur du développement économique global. - F.N.H. : Enfin, que pensez-vous de lidée de mettre en place un gendarme international pour veiller sur le système financier mondial ? Est-ce que cela vous semble réalisable ? - J. K. : Je suis tout à fait daccord pour quil y ait une organisation mondiale chargée de veiller sur le système financier international, afin déviter une nouvelle crise systémique. Je pense que le FMI, à condition quil revoit ses prérogatives et sa structure, pourra remplir ce rôle à lavenir.