Il faut avouer que toute approche de lutte contre les cultures illicites ne peut être appréhendée à l'échelle d'un seul pays. Cette problématique paraît être beaucoup plus large et concerne aussi bien les pays producteurs que les pays consommateurs où des marchés importants existent et où des flux financiers considérables sont en jeu. Cette première enquête menée par le gouvernement du Maroc et l'Office des Nations-Unies Contre la Drogue et le Crime (ONUDC) a pour but de mesurer l'ampleur de la culture du cannabis. Signalons dans ce sens que le Maroc est aujourd'hui l'une des principales sources de résine de cannabis et de haschich alimentant en particulier le marché européen. Dans son intervention, Driss Benhima, Directeur général de l'Agence pour la Promotion et le Développement Economique et social des Provinces du Nord, a tenu à rappeler les inconvénients de la culture du cannabis et son impact négatif sur le développement socio-économique de la région du Rif où se concentre cette culture. « Cette culture constitue une menace sur le Rif central. C'est un facteur d'appauvrissement à moyen terme », a-t-il affirmé. Un quart de la surface agricole utile de la région du Rif est désormais occupé par des cultures de cannabis en expansion. Deux-tiers de la population (800.000 personnes) dépendent à l'heure actuelle de cette activité. Et ce qui concerne le chiffre d'affaires annuel du marché du haschich d'origine marocaine, il est estimé à 10 milliards d'euros, soit 114 milliards de DH. Un chiffre d'affaires réalisé par les circuits de trafic dans les pays européens. Conscient de l'ampleur du phénomène du cannabis et le danger qu'il constitue pour la région du Rif, le Maroc s'est engagé à mettre en place une politique visant à trouver une alternative à la culture du cannabis. Ainsi, le gouvernement marocain a signé un accord de coopération avec l'ONDUC en février 2003 pour réaliser une enquête sur la production de drogues illicites et le crime organisé au Maroc. La première enquête sur le cannabis a donc été lancée en juillet 2003. Résultats de l'enquête L'enquête a permis d'estimer la culture du cannabis à environ 134.000 ha sur 14.000 km2 des 5 provinces couvertes par l'enquête, soit 27% de la surface agricole utile du territoire enquêté. 86% des cultures de cannabis sont concentrés dans les provinces de Chefchaouen (50%), Taounate (19%) et Al-Hoceima (17%). La production potentielle totale de cannabis brut est estimée à environ 47.000 tonnes. La province de Chefchaouen en produit 43% à elle seule. Le potentiel de conversion de la production du cannabis brut est estimé à 3.080 tonnes de résine de cannabis (haschich). Quelque 96.600 familles cultivent le cannabis. Les chiffres cités relatifs à la culture du cannabis en 2003 mettent en évidence une extension de cette culture au cours des dernières décennies. Cette extension de la culture du cannabis s'est souvent faite aux dépens des autres cultures, au point de devenir une culture de rente. Le Maroc dispose donc aujourd'hui d'une première base de données qui donne une image exacte de l'étendue de la culture du cannabis dans les provinces du Nord. La deuxième étape serait de profiter de cette analyse pour mettre en place un programme promoteur de cultures alternatives. La tâche ne sera pas facile car l'Etat n'aura pas affaire seulement à de simples villageois mais aussi à des trafiquants qui ont des mains très « longues ».