Pour honorer ses engagements climatiques, le Maroc a besoin d'un investissement de 45 milliards de dollars (dont 35 milliards de dollars via des mécanismes internationaux). Il n'y a toujours pas de visibilité quant à l'alimentation du Fonds vert pour le climat (100 milliards de dollars). Ces financements ne représentent que 10 à 15% des besoins des pays en voie de développement. Depuis le début de l'année, le Maroc vit aux rythmes des préparatifs pour l'organisation de la COP22, le rendez-vous le plus attendu de 2016 par la communauté internationale. A cinq mois du jour J, l'effervescence autour de cet évènement et de la problématique climatique ne fait que croître. La question du climat est aujourd'hui au centre de tous les débats politiques, économiques et sociétaux. Toutes les composantes de la société, sensibilisées aux enjeux du changement climatique, s'accordent sur la nécessité d'entreprendre des actions pour faire face à ce fléau du XXIème siècle. Toutefois, toute action d'atténuation ou d'adaptation requiert des moyens techniques, humains et surtout financiers. Et c'est là où le bât blesse. «L'un des enjeux les plus importants, si non le plus important, est celui du financement des actions qui seront retenues en termes d'atténuation, d'adaptation, de lutte contre les catastrophes naturelles...», tient à préciser Abdelhadi Bennis, président du Club environnement. En effet, la question du financement a toujours été le nerf de la guerre des négociations climatiques. C'est dire que la tâche ne sera pas facile lors de la COP22, surtout pour les négociateurs des pays en voie de développement en quête de financement climatique. La réussite de la COP22 à Marrakech dépend largement de la capacité des pays pollueurs à faire des efforts en matière d'atténuation, et de mettre la main à la poche pour l'adaptation des pays en voie de développement. Pour le Maroc, pays qui a donné l'exemple en matière d'engagement en faveur de la lutte contre les changements climatiques en étant le deuxième pays en développement à annoncer son INDC (Intended Nationally Determined Contributions), la COP22 est le rendez-vous à ne pas rater pour drainer les financements nécessaires en vue d'honorer ses engagements climatiques. Des financements nécessaires pour atteindre les objectifs que le Royaume s'est fixés dans le cadre de son INDC, à savoir réduire de 32% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 (dont 19% conditionnés par des financements internationaux et l'implication de tous les acteurs). Des engagements conditionnés qui nécessitent un investissement de 45 milliards de dollars (dont 35 milliards de dollars via des mécanismes internationaux). Pour bénéficier de cette manne financière, le Maroc doit convaincre lors de la COP22 que sa politique de changement climatique est en phase, en présentant des projets viables, réalisables et bancables. Encore faut-il que les pays industrialisés jouent le jeu et débloquent les 100 milliards de dollars promis annuellement à partir de 2020. Mieux vaut peu que rien A ce jour, il n'y a toujours pas de visibilité quant à l'alimentation de ce Fonds, ce qui est de mauvais augure, car si les négociateurs n'arrivent pas à alimenter le Fonds vert pour le climat, l'aboutissement de l'Accord de Paris sera compromis. Ceci dit, cette enveloppe dédiée par les pollueurs au climat reste insuffusante par rapport aux besoins réels d'adaptation et d'atténuation. «Qu'on ne se trompe pas. Contrairement au tapage médiatique, les 100 Mds de dollars promis annuellement à partir de 2020 par les pays développés (PD) aux pays en voie de développement (PED) ne représentent que 10 à 15% de leurs besoins. De plus, leur mobilisation est fortement entachée de complexités et d'incertitudes. Jusqu'en 2010, il existait près d'une trentaine de Fonds climat, différents selon l'origine (Fonds publics, Fonds privés etc..), la nature (Investissements, prêts, dons etc..) et l'objet (Atténuation, adaptation etc..)», rappelle Abdelhadi Bennis. En effet, plusieurs questions restent en suspens : Quelle est la contribution de chaque pays ? Comment cette manne va-t-elle être dépensée ? Qui va en profiter ? Pour quel projet ? La société civile reste sceptique quant à la mobilisation de ces fonds sur lesquels repose l'avenir de l'humanité. Selon Abdelhadi Bennis, à sa création, le Fonds vert climat visait la simplification des procédures et la canalisation de tous ces fonds dans un cadre plus cohérent. Or, le résultat est décevant car les montants mobilisés ne semblent pas dépasser les 10 Md de $ en 2015. En attendant que les pays développés se mettent d'accord sur comment financer ce Fonds, les pays en voie de développement, quant à eux, doivent se livrer à un autre exercice, celui du renforcement des capacités. C'est même une condition sine qua non pour bénéficier des financements climatiques. «On ne peut parler de finance sans parler de renforcement des capacités pour la construction des projets, la création des institutions qui permettront de financer ces projets ainsi que pour la mise en place des INDC», a récemment souligné Aziz Mekouar, Ambassadeur pour la négociation multilatérale. Une composante que le Maroc a bien assimilée et pour laquelle un effort considérable est en phase d'être réalisé aussi bien au niveau du secteur public que privé. Car, le Royaume, à l'instar des pays en voie de développement, a tant besoin des mécanismes financiers internationaux pour faire face aux effets du changement climatique qui s'accentuent de plus en plus et pour mettre en oeuvre sa politique de changement climatique. Les questions que se pose la société civile Toutefois, à quelques mois du grand rendez-vous, la société civile se pose plusieurs questions, notamment en relation avec ces mécanismes de financement. Quel ajustement apporter à notre modèle économique pour sauvegarder notre souveraineté nationale et défendre nos intérêts ? Quelle gouvernance pour améliorer l'efficacité de l'utilisation de ce financement et son impact pour corriger les inégalités existantes et assurer une meilleure justice sociale et climatique ? A-t-on une vision claire par rapport à la nature de ces fonds extérieurs ? A-t-on les capacités de les lever ? A-t-on la capacité d'endettement requise ? Quelle est la part réservée à la société civile pour lui permettre de s'acquitter de ses responsabilités constitutionnelles ? Comment financer les risques liés aux catastrophes naturelles ?. Autant de questions que les pouvoirs publics ainsi que les négociateurs sont tenus d'apporter des réponses et donner plus de visibilité du Maroc pour la gestion de cette manne, selon le président du Club environnement.