La profession qui a accueilli favorablement la création du Conseil national de la presse et l'instauration du statut de journalistes professionnels, est très sceptique quant au projet de Code de la presse et de l'édition. Malgré ce train de réformes engagé, le Maroc accuse des scores médiocres en matière de liberté d'expression. La célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse a coïncidé cette année au Maroc avec l'organisation d'un important événement par l'UNESCO Maghreb, qu'a accueilli la capitale économique du 2 au 4 mai. Des journalistes de différents pays ont ainsi été en conclave autour du thème «Accès à l'information et aux libertés fondamentales : c'est votre droit». Mais entre les voeux pieux et la réalité du terrain, il existe un sérieux gap qui est plus ou moins important selon les pays, notamment ceux ayant surfé sur la vague du Printemps arabe. Au Maroc, s'il faut se féliciter que l'article 27 de la Constitution a instauré le droit des citoyens à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis de mission de service public, dans la pratique, les journalistes, qui sont les vrais relais de l'information et les leaders de l'opinion publique éprouvent toute la peine du monde à accéder aux informations, et ce d'autant plus que la loi instaurant ce droit, n°31.13, est toujours au stade de projet. Pour Michael Millward, le représentant de l'UNESCO au Maghreb, il n'en demeure pas moins que son organisation prend bien acte de cet article 27 et, surtout, du projet de loi 31.13 relatif au droit à l'accès à l'information, comme éléments devant concourir aux libertés fondamentales. Le responsable a par ailleurs rappelé que la Finlande et la Suède disposent depuis 250 ans d'une loi garantissant le droit d'accéder aux informations. Le Maroc, entre textes et pratiques Ces deux dernières années, la scène médiatique a été riche en évènements, notamment la récente adoption par la Commission de l'enseignement, de la culture et de la communication, des deux projets de lois N° 89.13 et 90.13 respectivement relatifs au statut de journalistes professionnels et à la création du Conseil national de la presse. De même qu'on a déterré le Code de la presse et de l'édition pour amorcer de nouveaux rounds de dialogue devant permettre d'aboutir à un texte qui soit moderne et en phase avec les ambitions du Royaume de devenir un Etat de droit. De l'avis des professionnels, la poursuite de l'adoption de lois en faveur de la liberté d'expression est un point positif au tableau, bien que cela ne reflète pas toute l'ambition des professionnels de recouvrir une plus large liberté pour l'exercice indépendant et libre du métier, comme l'a souligné Abdellah Bakkali, le président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM). Mais il ne saurait y avoir une rupture par rapport aux pratiques révolues de l'administration avec le projet de Code de la presse et de l'édition, tel qu'il a été présenté, sans prendre en considération une trentaine d'amendements formulés par le SNPM. Le président du SNPM s'est également empressé à l'occasion de cette Journée mondiale de la presse de condamner les agressions physiques courantes par les autorités contre les journalistes en plein exercice de leur métier, malgré tous les recours entrepris par le syndicat. Autre point noir au tableau est la ségrégation économique entre femmes/hommes, des inégalités qu'Abdellah Bakkali a vivement condamnées et qui sont l'oeuvre des professionnels eux-mêmes face à une gente féminine qui a fait ses preuves en portant haut l'étendard de la profession. Le ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi, présent à cette cérémonie, s'est empressé d'assurer le syndicat que la majorité des modifications formulées seront prises en considération dans la mouture finale du Code de la presse et de l'édition. Fervent défenseur de la liberté d'expression et de la presse, Jamal Eddine Naji, le Directeur général de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), attire l'attention sur le fait qu'il faut lire l'article 27 de la Constitution en concomitance avec l'article 28 qui dispose que «la liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable». En attendant que ces réformes aboutissent et apportent leurs fruits, le Maroc continue de recueillir des scores très peu reluisants, comme en 2016, où le Royaume s'est retrouvé en 131ème position sur 180 pays que compte l'Indice de la liberté de la presse élaboré par Reporters sans frontières (RSF). Irina Bokova, Directrice générale de l'UNESCO «Il y a vingt-cinq ans, dans la Namibie nouvellement indépendante, était adoptée la Déclaration de Windhoek sur la liberté de la presse, qui ouvrait la voie à la création par l'ONU de la Journée mondiale de la liberté de la presse. En célébrant ces anniversaires, la Journée mondiale de la liberté de la presse souligne l'importance d'un journalisme libre et indépendant pour la mise en oeuvre du Programme 2030. À cet égard, il faut également insister sur la sécurité des journalistes quand malheureusement un professionnel des médias est tué tous les cinq jours. Cela ne peut plus durer et, s'appuyant sur le Plan d'action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l'impunité, l'UNESCO travaille avec les gouvernements du monde entier dans le but de créer un environnement libre et sûr pour les journalistes».