En attendant la grande réforme des retraites, dite systémique, FNH rouvre le débat sur les choix stratégiques futurs du Maroc en matière de protection sociale. Depuis que Benkirane a annoncé les détails des projets de loi relatifs à la réforme des retraites, qui concernent essentiellement le segment «civil» de la Caisse marocaine des retraites (CMR), les gestionnaires des différents systèmes de pensions, public et privé, se terrent dans un silence assourdissant, laissant le terrain vacant aux politiques. Les paramètres techniques, le déséquilibre démographique et financier, le choix entre la capitalisation et la répartition, l'extension de la couverture à l'ensemble de la population, tout ce débat est relégué aujourd'hui au second plan. Les syndicats et les partis de l'opposition représentés au sein de la Chambre des conseillers ont décidé de reporter sine die les discussions. La session d'automne a clos ses débats, il va falloir attendre l'ouverture de celle du printemps pour espérer une accélération du processus d'adoption de ce plan de sauvetage concocté pour la CMR. Entre-temps, quelques timides manifestations surgissent par-ci par-là, exposant sur la voie publique un simple petit avant-goût de ce qui attend le gouvernement Benkirane avant que ce dernier tente son passage en force à l'aide de la majorité des voix à son actif au niveau de la Chambre des députés. A moins de neuf mois des élections législatives, il ne sera pas facile de dégager un consensus autour de la réforme des retraites. La suspension du dialogue social ne fait que compliquer les choses. Mais rien ne justifie de sacrifier l'avenir des retraites au Maroc sur l'autel des intérêts politiques. On peut reprocher à Benkirane d'avoir mis du temps avant de franchir le pas. Généralement, une réforme sociale d'une telle ampleur passe plus facilement quand elle est décrétée en début de mandat et non pas à sa fin. Benkirane reconnaît son retard et ne prétend pas non plus avoir entre les mains la potion magique à tous les maux de l'ensemble des systèmes de retraites au Maroc. Le gouvernement a, certes, voulu laisser son empreinte en s'attaquant aux signes avant-coureurs de l'effondrement de la CMR. Mais ce n'est que partie remise. Actionner les trois leviers d'une réforme paramétrique (cotisation, prestation, âge) ne peut que repousser dans le temps l'horizon de la viabilité. Sur ce point, le gouvernement a clairement failli à sa promesse électorale. La grande réforme tant espérée et recommandée, dite systémique, ne sera pas pour demain. En attendant, FNH rouvre le débat sur l'avenir des retraites au Maroc en recueillant l'avis d'un expert de renommée et spécialiste en droit comparé de la sécurité sociale, pour ne pas nommer Wahid Khouja, actuel Secrétaire général de la Chambre des conseillers (voir P.10). Son regard est intéressant à plusieurs égards, dans la mesure où il situe à nouveau le débat dans un cadre global, au-delà des mandats électoraux, érigeant la retraite au rang de droit fondamental garanti par la Constitution. Il plaide tout simplement pour un système national de protection sociale, ouvert à tous, assurant un minimum de flexibilité, d'équité et de cohérence entre le public et le privé. L'ancien Secrétaire général du ministère de l'Emploi n'hésite pas à remettre en cause le schéma de pilotage des régimes de retraites, actuellement sous l'égide du ministère des Finances. Pour lui, les grandes réformes sont du ressort soit du Chef de gouvernement, soit du ministère des Affaires sociales (sic). Les aberrations du système actuel des retraites sont nombreuses. Ce dossier met en lumière les tenants et aboutissants d'un dysfonctionnement marquant la vie du Régime collectif d'allocation de retraite (RCAR), dédié naturellement aux agents des établissements publics et aux agents temporaires de l'Etat et des collectivités locales. Or, comme l'a si bien soulevé et recensé la Cour des comptes, près de 80 établissements publics échappent à l'obligation d'adhérer au RCAR. Salah-Eddine Benjelloun, économiste chercheur, spécialiste de la protection sociale apporte à FNH un éclairage nouveau sur cette situation.