L'adoption du projet de loi 109.12 portant Code de la mutualité a suscité la grogne des médecins, dentistes et pharmaciens qui sont montés au créneau pour défendre leurs droits et intérêts. Les mutuelles seront probablement autorisées à créer et gérer leurs propres unités de soins et pharmacie. Les pharmaciens n'écartent pas la possibilité de lancer une grève générale. L'adoption en première lecture par la Chambre des conseillers du projet de loi 109.12 portant Code de la mutualité n'est pas passée inaperçue. Bien au contraire, il a suscité la grogne des médecins, dentistes et pharmaciens qui sont montés au créneau pour dénoncer ce projet de loi, qui risque de leur porter préjudice. La cause de cette effervescence, l'introduction d'un amendement autorisant les mutuelles à créer et gérer leurs propres unités de soins et pharmacie. En d'autres termes, les mutuelles seraient habilitées à exercer des métiers qui ne sont pas les leurs, ce qui ne serait pas sans conséquence sur l'activité des professions précitées. Mais pas seulement, puisque l'adoption de ce projet de loi, dans sa mouture actuelle, priverait les affiliés d'un droit fondamental, celui de pouvoir choisir leur médecin ou pharmacien, ce qui va à l'encontre du principe de la concurrence. A l'instar des médecins et des dentistes qui ont déjà exprimé leur mécontentement face à cet amendement, qui est en contradiction avec la loi 65.00 portant code de la couverture médicale, la réaction des pharmaciens ne s'est pas fait attendre. En effet, la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM) a convoqué une réunion d'urgence pour dénoncer, à son tour, ce dispositif qui risque d'avoir des conséquences non négligeables sur le système de santé ainsi que sur la politique du médicament. C'est dire que les pharmaciens ne sont pas au bout de leurs peines. Après la baise des prix des médicaments, la profession s'apprête à mener une nouvelle bataille. «Normalement, dans les pays qui se respectent, chacun fait son travail. Les mutuelles et les compagnies gèrent l'assurance, c'est-à-dire s'occupent de la gestion financière. Les cliniques soignent et opèrent. Et les pharmaciens dispensent les médicaments. Ce qui n'est pas le cas au Maroc où règne une anarchie. Les mutuelles et les assurances, qui cherchent à avoir leurs propres cliniques et pharmacies, tentent de contrecarrer la loi 65.00, notamment l'article 44, qui stipule clairement qu'un prestataire de services ne peut pas être prestataire de soins», explique Mohamed Mounir Tadlaoui, Secrétaire général de la FNSPM. Les dessous de la polémique La colère des professionnels de la santé vient de l'amendement récemment introduit dans le projet de loi. Contrairement au principe de la démocratie participative, stipulé dans la nouvelle Constitution de 2011, les différents acteurs du secteur n'ont pas été associés au réajustement apporté au texte initial. Ce nouveau dispositif laisse certaines questions en suspens. Peut-on être juge et partie ? Les intérêts financiers des mutuelles ne vont-ils pas influencer le processus de prise en charge des malades ? Cet amendement, qui figure parmi les recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en 2013, a été introduit dans le projet de loi sans en informer les différentes parties concernées. «Pour permettre aux mutuelles de participer à la politique sanitaire de l'Etat, il est recommandé de revoir les dispositions de la loi 84-12 relative aux dispositifs médicaux et de la loi 34-09 relative au système de santé et à l'offre de soins, pour permettre aux mutuelles, avec leur statut juridique spécifique, de pratiquer les activités à caractère sanitaire», avait recommandé le CESE. Le Conseil avait également préconisé la révision de l'article 44 de la loi 65-00 précitée afin de clarifier ses dispositions de manière à préciser explicitement que les mutuelles, du fait qu'elles ne sont pas gestionnaires de l'Assurance maladie obligatoire, ont la pleine légitimité et la vocation à créer, développer et gérer des unités de soins. Ce que contestent fortement les médecins, dentistes et pharmaciens qui voient dans cette recommandation une atteinte directe à leurs droits et intérêts. Ce code tant attendu est pourtant essentiel pour pallier les défaillances et dysfonctionnements qui entachent la gestion de certaines mutuelles. Le président de la Coordination des mutuelles au Maroc, Miloud Maâssid, avait récemment déclaré que ce projet de loi, dans sa version actuelle, a relativement répondu aux revendications des mutuelles, estimant toutefois qu'il souffre encore de carences, de contraintes opérationnelles et de contradictions juridiques qui ne servent nullement l'esprit mutualiste, basé sur la solidarité et le bénévolat. Affaire à suivre ! Les pharmaciens ne lâcheront pas prise «Nous allons militer par tous les moyens pour empêcher l'adoption de ce projet de loi dans la mouture actuelle. Une grève nationale avec fermeture des pharmacies pendant une période serait également envisageable. Aussi, nous constatons que les cliniques facturent les médicaments au prix public de vente, c'est-à-dire avec la marge de la pharmacie alors qu'elles sont censées appliquer le prix hôpital. Il n'y a aucun respect des articles 69, 70 et 71 de loi 17.04 portant code du médicament et de la pharmacie», précise Mohamed Mounir Tadlaoui, Secrétaire général de la FNSPM.