Lors du débat organisé en marge de la cérémonie des 500 plus grandes entreoprises au Maroc, le ministre de l'Economie et des Finances, Mohamed Boussaïd, s'est réjoui du retour à l'équilibre des agrégats macroéconomiques. Partiellement satisfaits des nouvelles mesures de la Loi de finances 2016, les opérateurs économiques regrettent l'absence de visibilité sur les réformes fiscales au Maroc. Prévu lors de la 14ème édition du classement des 500 plus grandes entreprises au Maroc, tenue lundi 26 octobre à Rabat, le face-à-face entre le ministre de l'Economie et des Finances, Mohammed Boussaïd, et la patronne des patrons, Miriem Bensalalh chaqroun, n'a finalement pas eu lieu. Le premier a dû écourter sa participation à cet événement pour aller marquer sa présence au Parlement aux côtés de ministres et élus des quatre partis de la majorité gouvernementale. Une journée d'information leur a été réservée pour discuter de la rentrée parlementaire et, surtout, des nouveautés de la Loi de Finances 2016. Mais avant de prendre le chemin de l'enceinte parlementaire, le ministre RNI-ste, Boussaïd, a passé le relais à son directeur des impôts, Omar Faraj. L'absence lors de ce débat de la présidente de la CGEM est due à son déplacement en Inde, faisant partie de la délégation accompagnant la visite du Roi Mohammed VI, et ce à l'occasion du Sommet Inde-Afrique qui se tient à New Delhi, du 26 au 29 octobre. C'est le président de la Commission fiscale qui l'a remplacé, prenant la parole au nom de la CGEM, au débat d'Economie & Entreprises, articulé autour de la thématique : «L'entreprise pénalisée au profit de l'austérité ?». Bousssaïd ne semble pas apprécier le mot face-à-face. Le gouvernement et la CGEM, dit-il, travaillent côte-à-côte au service de l'entreprise et de l'économie marocaines. Face à la très modeste croissance (0,38%) du chiffre d'affaires de plus de 350 entreprises entre 2013 et 2014, l'argentier du Royaume garde une interprétation positive, y voyant un signe de redressement, quoique le chiffre d'affaires, à ses yeux, demeure une variable non significative, ne reflétant pas fidèlement la valeur ajoutée créée par les entreprises. Depuis sa prise de fonction à la tête du ministère des Finances en 2013, la situation macroéconomique n'a cessé de s'améliorer. Le chômage a baissé à 8%, le déficit commercial à 22%, l'inflation à 1,8%. Les investissements directs étrangers ont augmenté de 20%. Les réserves de devises se sont enrichies pour atteindre l'équivalent de 6 mois et 3 jours d'importations. Voilà ce qui donne au ministre Boussaïd un motif de confiance, sachant que le pays a été menacé, il y a tout juste trois ans, d'une rupture de paiement, quand les avoirs extérieurs étaient limités à seulement 4 mois d'importations. «Un pays peu vivre avec un déficit budgétaire. Dès lors qu'il y a rupture de devises, il perd immédiatement la confiance des institutions internationales et des fournisseurs», souligne Boussaïd. Ce dernier persiste et signe : «Il n'y a pas d'austérité au Maroc dès lors que notre gouvernement n'a procédé à aucune coupe budgétaire depuis la Loi de Finances 2013. Celle de 2016, en cours d'approbation au Parlement a consolidé l'effort affecté aux programmes sociaux et a vu le montant réservé à l'investissement du Budget général de l'Etat croître de plus de 7 milliards de DH. Tout cela, sans pour autant augmenter les taux d'imposition. L'invité de marque du débat des 500 ne manquera pas de citer les mesures initiées par l'Exécutif, et qui versent, toutes, dans le sens de renforcement du climat de confiance à l'égard des opérateurs économiques: la résolution du problème du butoir (crédit TVA), le règlement d'une bonne partie des arriérés de paiement de certaines administrations, l'exonération de la TVA sur investissement, l'instauration de la TVA sur la marge au profit du secteur agro-alimentaire, le maintien d‘un niveau élevé de l'investissement public, les marchés publics réservés à hauteur de 20% aux PME, les nouveaux tranches d'imposition au titre de l'IS. Réciprocité Au moment où le ministre Boussaïd ne voit pas d'austérité dans les budgets de l'Etat, ces dernières années, le représentant de la CGEM et président de sa commission Fiscalité, Abdelkader Boukhriss, ne voit pas non plus des signaux de relance. La Loi de Finances 2016, selon lui, cherche à retrouver quelques équilibres macroéconomiques, tout en mobilisant de nouveaux moyens en vue d'atteindre de nouveaux objectifs (régionalisation, désenclavement du monde rural). Sans cacher sa satisfaction à l'égard de l‘instauration de la TVA sur la marge du secteur agroindustriel et de l'exonération de la TVA sur investissement, le fiscaliste en chef du patronat dit être déçu de voir le gouvernement rater le rendez-vous avec la progressivité de l'IS, se contentant d'un IS proportionnel suite à l'introduction de nouveaux taux (10 et 31%). A. Boukhriss regrette, par la même occasion, la volonté exprimée par le gouvernement de vouloir renforcer les sanctions pénales à l'égard des mauvais contribuables, tout en prolongeant le délai de prescription de 4 à 10 ans. «Nous souhaitons que ces mesures soient bien encadrées par l'administration fiscale. Le gouvernement ferait bien de prévoir des mesures identiques aux bons contribuables, une réduction du délai de prescription, à titre d'exemple», estime le président de la Commission fiscalité à la CGEM. De son côté, Kamal Mokdad, Mazars, pointe du doigt le manque de lisibilité et de visibilité sur les réformes fiscales. «Une bonne visibilité permet aux investisseurs de mieux planifier leurs projets et d'arbitrer entre plusieurs pays», a-t-il précisé. L'associé gérant de Mazars n'hésitera pas à faire valoir le principe de ce qu'il a appelé «la réciprocité des devoirs». Autrement dit, si l'Etat impose aux contribuables des pénalités de retard, pourquoi ne pas appliquer la même règle à l'encontre de l'Etat en cas de non-remboursement à temps des crédits de TVA? Amen.