Trois mois, jour pour jour, après l'élection de ses nouvelles instances, la CGEM entend mener sa première action sur le front de la fiscalité. Dans la perspective du projet de loi de finances 2013, l'organisation patronale considère qu'une réforme fiscale d'envergure doit être engagée pour, à la fois, redonner confiance aux opérateurs économiques et renforcer la compétitivité de l'offre Maroc. Aux yeux de sa présidente Mme Miriem Bensalah Chaqroun, le temps est venu d'introduire des modifications dans le système fiscal marocain et d'inscrire le débat sur cette réforme dans le cadre plus global d'une réflexion sur le bilan des dispositions fiscales en vigueur. L'enjeu est d'éliminer les exonérations « économiquement inutiles » et de n'en garder que « les dispositions aptes à répondre réellement aux difficultés de la situation économique actuelle ». Ce débat aura lieu en début de l'année prochaine, à l'occasion des « Assises de la fiscalité ». Un moment tant attendu, après les Assises de 1999, pour procéder à une remise à plat du système fiscal en vigueur et doter le Maroc d'une fiscalité compétitive en phase avec ses aspirations de développement, devait affirmer de son côté, Abdelkader Boukhriss, président de la Commission Fiscalité. Lors du point de presse, jeudi dernier au siège de la CGEM à Casablanca, Mme Bensalah Chaqroun a souligné, en guise d'introduction, que le Maroc se trouve aujourd'hui sous les effets de la crise européenne. « L'économie nationale est dans une passe difficile », a-t-elle affirmé. La CGEM est consciente de « la pression qui s'exerce sur les finances publiques » et demeure sensible aux objectifs affichés par le gouvernement d'un déficit limité et des agrégats macroéconomiques en équilibre. Il est question de savoir « comment gérer cette période transitoire », répondait Mme. Bensalah, qui a évoqué la réunion, la veille, avec le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. Sans donner trop de détails sur cette « réunion qui a duré trois heures », la présidente de la CGEM s'est contentée de dire que « le Maroc n'a pas bénéficié des flux financiers espérés pour financer ses investissements ». Elle a salué, par ailleurs, l'initiative du FMI d'ouvrir une ligne de crédit en faveur du royaume. C'est un acte de la plus haute importance pour le pays, a-t-elle jugé. « Pourquoi voulez-vous qu'on refuse une carte atout maître pour gagner » ? s'est-elle interrogée. Reste maintenant à poursuivre l'amélioration du climat des affaires dans notre pays, et la réforme fiscale en est une condition, a-t-elle ajouté. Redonner confiance aux opérateurs Dans son rapport distribué à la presse, il est souligné que « la CGEM assume ses responsabilités et se mobilise en proposant et en soutenant les mesures à même de redresser cette situation ». En retour, elle attend du gouvernement une « politique volontariste et le respect des engagements annoncés pour retrouver la confiance et relever ensemble les défis qui attendent notre pays ». A cet effet, la CGEM propose un « nouveau pacte » pour guider la prochaine réforme fiscale en deux temps : fin 2012, discussion et adoption de la loi de finances 2013. Ce sera une occasion, explique-t-on, d'amorcer des mesures réalistes en faveur de l'essor de l'entreprise marocaine. Puis, la tenue, début 2013, des Assises de la Fiscalité, en vue de la refonte du système fiscal en vigueur pour une meilleure compétitivité des entreprises marocaines. Etant dans son rôle d'organisation patronale, la CGEM bataille pour une baisse de l'IS et une homogénéisation de la TVA à la hausse. M. Boukhriss devait souligner la nécessité d'une remise à plat du système de la TVA pour que cette taxe retrouve sa vraie mission de neutralité. « Il faut absolument réfléchir profondément et sérieusement à la réforme de la TVA », dans le sens d'une généralisation à l'ensemble des secteurs pour plus d'équité. De même, « il faudrait réfléchir à la mise en place d'un IS progressif en fonction du chiffre d'affaires », a-t-il ajouté. Dans son rapport, la CGEM -c'est important de le souligner- n'aborde pas les questions essentielles concernant, par exemple, le financement des caisses des retraites, le financement de l'entreprise et la problématique du loyer d'argent ou encore les principes fondateurs du projet de loi organique sur les lois de finances, qui se doit d'être l'expression des choix politiques fondamentaux favorisant la justice sociale et la dynamique économique. Le document de la CGEM, en cinq pages, développe trois axes pour la prochaine réforme fiscale. Pour redonner confiance et permettre aux opérateurs économiques de s'approprier les termes des véritables enjeux en la matière, la CGEM propose une série de mesures non budgétaires à même d'améliorer l'environnement de l'entreprise marocaine. Il s'agit essentiellement de (i) fixer un délai de traitement des réclamations des contribuables ; (ii) accélérer la mise en œuvre de l'administration électronique pour plus de productivité et une meilleure transparence ; (iii) améliorer la clarification des textes fiscaux pour réduire l'arbitraire et la démesure dont souffrent nombre d'opérateurs ; (iv) rendre réaliste le dispositif de sanctions en cas d'omissions d'informations déclaratives ; (v) mettre sur pied des actions volontariste pour lutter contre l'informel . La carotte fiscale seule ne suffit pas. Des avantages sociaux (CNSS, AMO) sont indispensables. Sur le volet de la compétitivité de l'offre Maroc, la CGEM préconise, en plus de l'élimination des distorsions inhérentes au système actuel de la TVA, la généralisation du remboursement du crédit de TVA structurel en vue d'atténuer la dégradation des trésoreries des entreprises. Elle souhaite aussi la possibilité d'imputation du trop versé d'impôt sur les sociétés sur les paiements exigibles futurs jusqu'à récupération totale des excédents versés. Aussi pour assurer la neutralité de cet impôt, la CGEM exige la suppression de la règle du décalage d'un mois pour la récupération de la TVA. Par rapport aux mesures incitatives et qui arrivent à échéance d'ici à la fin de l'année 2012, la CGEM souhaite qu'elles deviennent permanentes, compte tenu de leurs effets positifs sur l'entreprise et l'économie du pays. C'est le cas notamment du régime fiscal transitoire de fusion, de la transformation des personnes physiques en sociétés, et de l'avantage fiscal accordé aux sociétés qui s'introduisent en Bourse. Reste à savoir quel sort attend ce « nouveau pacte » proposé par le patronat. Le gouvernement saura-t-il être attentif et prendre en compte les mesures des milieux d'affaires pour donner du sens au partenariat public-privé ? Qu'adviendra-t-il demain si cet appel du pied de la CGEM ne trouve pas échos auprès des pouvoirs publics ? La présidente Mme. Bensalah , battante comme elle est, ne semble pas envisager ce scénario d'échec.