La lettre de cadrage 2015 ne rompt pas avec celle de 2014, essentiellement en ce qui concerne la maîtrise des dépenses publiques. Atténuation du déficit budgétaire oblige ! Un vrai dilemme : s'attaquer au déficit sans s'imposer une austérité. Or, un tour de vis budgétaire risque de mettre en péril une croissance déjà vacillante. A quelques mois de l'achèvement de l'exercice 2014, on ne peut que s'interroger sur comment sera clôturée cette année, et ce dans un environnement très chaotique aussi bien sur le plan politique qu'économique. Les derniers chiffres dévoilés par certains organismes internationaux font montre que la croissance mondiale marque un renforcement, et ce après un premier trimestre alimenté par des facteurs défavorables. Sur le plan national, les préparatifs vont bon train pour l'élaboration du projet de Loi de Finances 2015 et une lettre de cadrage compilant les principales orientations est fin prête. Toujours est-il que 2014 reste déterminante pour la fixation des objectifs chiffrés pour l'exercice qui suit. Les fondamentaux macro-économiques revêtent une grande importance pour pouvoir arrêter les principales tendances de l'économie. Les derniers indicateurs des échanges extérieurs et des finances publiques affichent une légère amélioration par rapport aux tendances passées. Aussi, faut-il noter que la composante non agricole est en ligne avec la prévision du FMI qui retient une croissance de 3,5% au titre de 2014. Dans le même sillage, la production céréalière a atteint un niveau encourageant de 68 millions de quintaux au titre de la campagne agricole 2013/2014, en phase avec les objectifs du Plan Maroc Vert de 70 MQX, et ce malgré des niveaux de précipitations limitées. Ce sont les propos du ministre de l'Agriculture et de la Pêche, A. Akhannouch, il y a un mois. Le déficit commercial a légèrement baissé de près de 750 MDH à fin juillet 2014 pour s'établir à 116,7 Mds de DH. Et du coup, le taux de couverture des importations par les exportations des biens s'est amélioré de 2,1 points pour s'établir à 50,2%, après 48,1% en juillet 2013. Cette évolution s'explique par la hausse de la valeur des exportations (+8%) à un rythme plus important que celui des importations (+3,5%). On assiste par ailleurs durant la même période à un allègement du déficit budgétaire de 3,9 Mds de DH. Cette évolution a résulté de l'amélioration des recettes ordinaires qui a été plus importante que la hausse des dépenses globales à cause d'une maîtrise volontaire. En ligne avec les prévisions initiales de la Loi de Finances, les recettes ordinaires ont été réalisées à hauteur de 53,1%, totalisant 110,2 Mds de DH, en hausse de 10,4% par rapport à juin 2013. La hausse a été enregistrée aussi bien au niveau des recettes fiscales que non fiscales. Les recettes fiscales ont augmenté de 4,8% à 91,9 Mds de DH. Ce résultat a découlé principalement de la hausse des recettes de l'IS de 7,8%, des TIC de 12,2%, de la TVA à l'importation de 4,1% et des droits d'enregistrement et de timbre de 22,9%. «Les recettes non fiscales se sont accrues de 54,7% à 17,1 Mds de DH, en relation notamment avec l'encaissement d'une recette de privatisation de 2 Mds de DH et des dons CCG de 6,8 Mds de DH», apprend-on dans une note récente de la DEPF. Une hausse que l'on peut également attribuer aux recettes provenant de la cession par l'Etat de sa part dans le capital de la Banque Centrale Populaire, et à la hausse des recettes en atténuation des dépenses de la dette, passant de 317 MDH à 1,1 milliard. Pour ce qui est du volet dépenses, celles-ci ont été exécutées à hauteur de 51,7%, avec une légère augmentation de 1,6% pour atteindre 111,4 milliards de DH. Cette hausse s'explique surtout par l'accroissement des dépenses de biens et services de 4,9% à 79,3% Mds de DH. Les chiffres avancés ci-dessus augurent d'un exercice conforme, avec quelques écarts, aux prévisions de la LF 2014. Pas de changement dans la continuité... La question qui se pose d'emblée est : la situation, telle qu'elle prévaut actuellement, conforte-t-elle les tendances de la lettre de cadrage 2015 ? D'aucuns estiment que cette dernière diffère très peu de celle de 2014. Pour ceux qui espèrent un changement dans la continuité, ils doivent s'armer de patience. Dans un même souci de poursuivre la maîtrise des équilibres macroéconomiques, le gouvernement veille à maîtriser certaines dépenses tout en améliorant les recettes. Le leitmotiv est de ramener le déficit budgétaire à 4,3% du PIB. Or, une maîtrise des dépenses risque de se traduire par une austérité qui risque d'impacter négativement la croissance économique. Sachant que sur le plan des recettes fiscales, l'équipe d'Abdelillah Benkirane compte s'inscrire dans la continuité à travers la concrétisation des recommandations issues des Assises nationales de la fiscalité de 2013. Des recommandations qui sont pleines de promesses, si le gouvernement arrive à élargir l'assiette fiscale par le biais de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Nous ne pouvons faire fi de la réforme de la TVA visant à réduire le nombre de taux à deux. Un objectif qui ne date certes pas d'aujourd'hui et qui reste difficile à atteindre. Par ricochet, la principale carte du gouvernement est celle des dépenses. Ce qui augure d'un régime de croissance lent par rapport aux prévisions. D'après les prévisions du HCP, en 2015, le PIB devrait augmenter de 3,7%, après 2,5% estimé pour 2014. Or, une croissance faible ne peut générer que des recettes du même ordre. Elles ne pourraient pas progresser de manière significative. Réduire le déficit budgétaire à 4,3% du PIB demeure un voeu pieux si le gouvernement campe sur une maîtrise des dépenses. Surtout, si on prend en considération les perspectives de croissance de la zone euro, principal partenaire, menacée par les risques déflationnistes ainsi que par les effets possibles d'une intensification de la crise ukrainienne. Le gouvernement peut améliorer sa crédibilité financière sans sabrer dans les dépenses publiques, mais à condition d'imposer les plus aisés. Une audace politique est donc nécessaire. Parce qu'il faut admettre qu'un tour de vis budgétaire risque de mettre en péril une croissance déjà vacillante