C'est dans un contexte défavorable et imprévisible qu'il y a lieu de réfléchir à la prochaine Loi de Finances 2014. Le prochain gouvernement devra faire preuve de courage et de détermination pour prendre des mesures certes impopulaires, mais indispensables pour rétablir les finances publiques. 2014 doit être l'année de la réforme de la Caisse de compensation; sans quoi les finances publiques vont gravement se détériorer. Chaque année en cette période, le projet de Loi de Finances de l'exercice qui suit est déjà préparé et bien ficelé. Une lettre de cadrage est par la suite soumise aux différents départements ministériels pour enfin arrêter les budgets y afférents. Et la presse en a déjà fait ses choux gras. Aujourd'hui le doute plane et pour cause : les dissensions de l'Exécutif. Par la voix de son Secrétaire général S. Mezouar, le RNI confie que s'il adhère au gouvernement, il exigera de revoir les hypothèses sur lesquelles repose la préparation du projet élaboré par l'équipe Benkirane I. C'est un semblant de Loi de Finances rectificative, mais qui concerne surtout le projet. Une source du ministère de l'Economie et des Finances nous apprend également que depuis la dernière semaine du mois de mars, des réunions avec les différentes directions ont bel et bien commencé et que la lettre de cadrage est en cours de préparation. Elle sera adressée aux différents départements ministériels au début du mois d'août. Dans un contexte aussi austère, quels sont les budgets qui sont concernés en premier par la diète ? Sur quelles hypothèses le PLF 2014 va-t-il reposer ? Au moment où nous mettions sous presse, c'est le mutisme total auprès du ministère de l'Economie et des Finances. Des recettes qui baissent et des dépenses qui augmentent ! Le prochain gouvernement doit user de toutes les combinaisons possibles pour réduire le déficit budgétaire. Aussi, certains pans de l'économie, qui montraient jusqu'à une date récente un certain dynamisme, accusent-ils aujourd'hui, une baisse d'entrain assez importante. La question lancinante est celle de savoir si le gouvernement va prévoir des mesures incitatives afin que ces secteurs puissent reprendre et retrouver leurs ressorts d'antan. Comment jouer aux équilibristes ? C'est dire que le prochain gouvernement sera confronté à un nouveau dilemme : améliorer les recettes sans pour autant augmenter davantage les taux d'imposition, et réduire les dépenses sans nuire à la relance de l'activité économique. A ces éléments, s'ajoutent les effets de la suppression des barrières douanières, de la crise économique européenne, de la baisse des exportations, des revenus touristiques et des investissements étrangers. Aussi, faut-il prendre en considération des projets connexes globaux tels que celui de la réforme de la Caisse de compensation qui ont un effet important sur le plan des recettes fiscales et de la cohésion sociale. «La confection de la LF 2014 se place dans une conjoncture très difficile. Sur le plan interne, le gouvernement Benkiran II qui sera chargé de la préparer, n'est pas encore en fonction. L'année 2012 s'est terminée selon le rapport de BAM par un déficit budgétaire de 7,6% du PIB. Certes, l'année 2013 va connaître une croissance supérieure à 4% du fait de l'excellente campagne agricole, mais il n'est pas prévu d'amélioration des finances publiques», explique J. Kerdoudi, président de l'IMRI. Celui-ci reste persuadé que sur le plan externe, les prévisions sont également pessimistes à cause de l'économie européenne qui n'arrive pas à sortir de la récession. Aussi, est-il difficile de prévoir avec précision quelle sera l'évolution en 2014 des prix des matières premières sur le marché international. Une carte qui joue énormément dans l'élaboration de la politique économique. Compte tenu de ce qui précède, l'objectif de ramener le déficit budgétaire autour de 5,5% pourrait ne pas être réalisé. L'analyse des évolutions des recettes et des dépenses confirme une telle hypothèse. Celles-ci montrent, d'un côté, un accroissement des dépenses et, de l'autre côté une baisse des recettes fiscales. En effet, si les recettes ordinaires ont baissé de 0,8%, les recettes fiscales, elles, accusent une chute de 2,5% par rapport à leur niveau de mai 2012. Surtout que la baisse touche certains grands impôts comme l'impôt sur les sociétés (-15,4%, à 13,9 milliards de DH), les taxes intérieures de consommation (-5,1%, à 8,9 milliards). La TVA, qui draine la plus grosse recette fiscale, a stagné à 22,9 milliards, en raison de la baisse de la TVA à l'importation de 2,2%. Par contre, les dépenses, hormis celles de la compensation, ont toutes augmenté : +9,7% pour les intérêts de la dette, +44,7% pour les dépenses de biens et services autres que les dépenses de personnel, lesquelles ont cru de 3,9%. Au total, les dépenses ordinaires ont augmenté de 8,9% et celles d'investissement de 15,6%. Si la même tendance persiste, le gouvernement aura du mal à mettre en œuvre une politique au service de l'emploi et de la croissance. Fiscalité : Pour un élargissement de l'assiette d'impôt Sur le plan fiscal, le budget devra contenir des mesures visant à donner à la TVA son vrai rôle de neutralité. Plus précisément, l'entreprise devrait supporter des taux identiques aussi bien en amont qu'en aval. Le second point de la neutralité concerne la généralisation du remboursement ou le droit à déduction. Assurément, l'Etat a mis en place des outils financiers pour faire face à ces réformes, notamment la titrisation, mais cela n'est pas aussi évident qu'il paraît. En matière d'IS, le patronat s'attend à un calcul d'IS progressif par tranche et plus adapté au tissu économique. Il est également temps de réviser le dispositif de l'impôt sur l'IR parce qu'il n'est pas normal que les salariés continuent à constituer 75% des recettes de cet impôt. Et certainement, lorsque nous apprenons que les exonérations fiscales sont de l'ordre de 36 Mds DH, nous ne pouvons nous empêcher de penser à l'inéquité fiscale qui règne toujours. D'où l'effort à fournir en la matière pour assurer un minimum d'équité. «Face à de tels défis, le prochain gouvernement devra faire preuve de courage et de détermination pour prendre les mesures, certes impopulaires mais indispensables pour rétablir les finances publiques, condition incontournable pour la reprise de l'activité économique », précise le président de l'IMRI. Il rappelle à cet égard qu'aussi bien les agences de notation, les bailleurs de fonds que les investisseurs prennent en compte très sérieusement ces indicateurs économiques pour arrêter leurs décisions. «Pour réduire le déficit budgétaire, il y a lieu de développer les recettes par la réforme fiscale en élargissant l'assiette de l'impôt. Il faut surtout diminuer les dépenses publiques par la baisse des frais de fonctionnement et de compensation qui deviennent insoutenables pour l'équilibre budgétaire», conclut le président de l'IMRI. Mais surtout, 2014 devra être l'année de la réforme de la Caisse de compensation, sans quoi les finances publiques afficheront une grave détérioration.