Selon un rapport publié par Thomson Reuters, la finance islamique au Maroc aurait un potentiel estimé à 70 milliards de dirhams en 2018. Le Maroc dispose d'atouts indéniables de par sa position géographique, la résilience de son économie, sa stabilité économique et sa stratégie de servir de plateforme financière vers l'Afrique subsaharienne. Malgré ces avantages et l'intérêt des investisseurs, le Royaume a fait le choix de la modération et de l'approche progressive. «L'industrie de la finance islamique pourrait atteindre entre 3 et 5% du total des actifs bancaires au Maroc d'ici 2018, soit un potentiel estimé à 70 milliards de dirhams». Telle est l'une des conclusions du 1er rapport sur la finance islamique au Maroc. Ce rapport très fourni intitulé «la finance islamique, une réelle opportunité pour le Maroc» a été réalisé à l'initiative de Thomson Reuters, en partenariat avec Al Maali consulting group. Selon ce même rapport, l'essor de la finance islamique constitue une opportunité unique à saisir pour le Maroc. Il faut rappeler que le Maroc a mis en place les premiers produits financiers alternatifs en 2007, mais à petite échelle, accusant alors un retard certain sur la majorité des pays de la région MENA. Mais depuis, l'Etat marocain a mis en oeuvre le cadre législatif nécessaire qui permettra la création de banques participatives, comme le prévoit la nouvelle loi bancaire. Selon un dirigeant de Thomson Reuters, «les investisseurs se bousculent pour participer à la croissance imminente d'un secteur relativement vierge et à l'immense potentiel». D'autant, ajoute-t-il, que «le pays a particulièrement faim de financement et d'investissement, en particulier pour les infrastructures et pour assurer une prospérité inclusive à sa population». L'optimisme est donc de mise et le Maroc, fort de ses nombreux atouts économiques, politiques et géographiques, a indéniablement une carte à jouer. Des atouts indéniables Tous les analystes de ce rapport finissent invariablement par renvoyer à la position géostratégique unique du Royaume, au carrefour entre l'Europe, le monde musulman et l'Afrique. Associée à une stabilité politique appréciée des investisseurs et à une croissance économique de 4,7% en moyenne depuis 2000, ils estiment que le Maroc dispose d'atouts indéniables pour se faire une place dans l'énorme marché des services financiers islamiques. Celui-ci totalise un total actifs estimé à près de 1,6 trillion de dollars en 2012, et devrait atteindre 6,5 trillions de dollars en 2020, selon les projections. Attirer une partie de ces actifs est bien entendu l'une des missions de Casablanca Finance City (CFC). Pour les auteurs du rapport, ces investissements et ces bailleurs de fonds sont en mesure de constituer l'un des moteurs qui peut favoriser l'accélération du développement de CFC, à condition que l'industrie soit bien ancrée dans le pays. Pour qu'une telle industrie puisse connaître un essor remarquable au Maroc, trois conditions majeures doivent être remplies : premièrement, un appui solide du gouvernement pour le développement de la finance islamique (le rapport à ce propos se félicite des nouvelles dispositions du cadre juridique liées à la finance participative). Deuxièmement, un tel essor requiert l'intérêt de la population, notamment celle qui est non bancarisée, pour les produits participatifs proposés. Ce qui semble être le cas, d'après les résultats d'une enquête publiée dans ce rapport et qui estime à 79% le nombre de sondés qui ont répondu être très intéressés par les produits qui seront offerts par les banques participatives. Et troisièmement, il faut que les banques conventionnelles aient un intérêt pour l'ouverture de banques proposant des produits alternatifs. Ce qui est déjà acté puisque plusieurs filliales de la place ont déjà affirmé leur volonté de lancer des filiales qui opéreront dans la finance islamique. La finance participative pourrait être également d'un grand secours pour les PME marocaines. Selon les auteurs du rapport, presque la moitié des PME sondées au cours de l'enquête n'a pas eu recours au moindre service financier au cours de ces 5 dernières années ! L'un des objectifs avoués de la finance participative et des banques islamiques est donc de contribuer de manière plus grande au financement des PME et leur permettre un meilleur accès au capital. Une stratégie sur 5 à 10 ans Pour autant, cet optimisme ne doit pas se muer en précipitation. Pour Mohamed Boulif, Managing Partner à Al Maali consulting group, l'approche prudente choisie par le Maroc est la bonne : «Le Maroc est un nouveau venu dans l'industrie de la finance islamique, et il a fait le choix de suivre un chemin modéré et progressif. Nous croyons que cette stratégie est à même de maintenir la stabilité du secteur financier du pays». Pour autant, il ne faut pas rester les bras croisés et il plaide au contraire pour l'élaboration «d'une stratégie sur 5 à 10 ans motivée par une vision claire». C'est, selon lui, le meilleur moyen de donner des signaux forts au marché et notamment aux investisseurs. Mais pour y parvenir, il appelle toutes les parties prenantes (Banque centrale, banques, régulateur, universitaires, etc.) à tirer dans la même direction pour ne pas reproduire les hésitations de 2007. Si tout le monde s'accorde sur le fort potentiel de la finance participative dans le marché marocain, le rapport n'omet pas cependant de mentionner certaines faiblesses qui pourraient entraver son décollage. Parmi celles-ci, citons le manque de capital humain formé et spécialisé dans la finance islamique et le manque de connaissance de la part du public des services et des produits de financement islamique. Enfin, le rapport n'omet pas d'évoquer la position des trois plus grandes banques de la place marocaine qui, à elles seules, contrôlent près de 70% du marché. Difficile dans ces conditions d'imaginer que la finance islamique pourra damer le pion à ces mastodontes. Il y aura certes de la place pour tout le monde, mais la concurrence sera rude pour les nouveaux venus.