La contribution libératoire sur les avoirs détenus à l'étranger par les résidents marocains vise le transfert vers le Maroc d'un montant conséquent. La poursuite de la libéralisation des opérations de change constitue l'une des principales préoccupations de l'Office des changes. g Jaouad Hamri, directeur de l'Office des changes, éclaire sur la manière de concilier entre le rôle de facilitateur de la réglementation des changes et la fonction d'organe de contrôle, chargé de la préservation des devises du pays. Finances News Hebdo : Dans la Loi de Finances 2014, le gouvernement a introduit un dispositif pour lutter contre l'évasion des capitaux étrangers. Au cas où ce dispositif ne donne pas les résultats escomptés, quelles seront les voies alternatives pour faire rapatrier les avoirs détenus à l'étranger par des résidents marocains ? Jaouad Hamri : La fuite des capitaux vers l'étranger est un véritable fléau qui exige que les actions des différentes administrations chargées du contrôle soient coordonnées afin de réduire au maximum les effets néfastes de ce phénomène. Le dispositif portant sur la contribution libératoire vise un tout autre objectif qui consiste en le renforcement du climat général de confiance et de transparence. A travers ce dispositif, notre pays peut bénéficier d'un flux important de rapatriement de devises qui permettra non seulement, de revitaliser notre économie mais aussi d'améliorer le niveau de nos réserves de change. Il faut préciser également que la comptabilisation des actifs immobiliers ou de participation détenus à l'étranger viendra renforcer notre «Position extérieure globale» et par conséquent améliorer l'image du Maroc et son attractivité pour les investisseurs. F.N.H. : Cette opération n'est pas la première du genre dans la mesure où un dispositif similaire a été initié dans les années 60, mais à titre gratuit. Aujourd'hui, face à une détérioration des finances publiques, quel pourrait être l'impact d'une telle mesure sur l'amélioration du déficit budgétaire ? J. H. : Il est difficile à notre niveau de se prononcer sur l'impact direct de cette disposition sur le déficit budgétaire. Il est néanmoins clair que nous en attendons une dynamisation de l'économie nationale car, en termes d'objectifs chiffrés, la contribution libératoire sur les avoirs à l'étranger vise le rapatriement vers le Maroc d'un montant conséquent. Ces fonds, une fois rapatriés pourront être injectés dans des investissements productifs qui serviront à créer de la richesse et de la valeur ainsi que des emplois. F.N.H. : Face à la fuite de capitaux, l'Office des changes a-t-il prévu un contrôle plus draconien afin de lutter de manière efficace contre ces sorties illégales ? J. H. : L'Office des changes est un acteur important du dispositif national mis en place pour lutter contre ce phénomène et ce, au même titre que plusieurs autres institutions nationales. Nous avons développé depuis plusieurs années des techniques qui nous permettent d'avoir une bonne traçabilité des opérations à risque et nous disposons de bases de données exhaustives pour les opérations commerciales et financières dont les dénouements font l'objet d'un suivi particulier. Ce suivi nous permet de vérifier que les recettes sont rapatriées dans leur totalité et que les transferts correspondent à des opérations réelles et effectives, et sont rémunérées à leur juste valeur. F.N.H. : En se référant à la politique actuelle du gouvernement, quel sera le profil des comptes extérieurs en 2014 ? J. H. : Aujourd'hui, il n'y a pas de raison pour ne pas être optimiste. Le Maroc est un pays à économie libérale qui a très vite fait le choix de l'ouverture et de l'intégration dans l'économie mondiale. Ce choix judicieux, couplé à une capacité d'anticipation, a permis à l'économie de notre pays d'être un modèle à suivre pour les pays de la région et ceux à économie similaire. Ce constat est d'autant confirmé par des institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale. D'ailleurs les dernières statistiques publiées par l'Office des changes au titre de l'exercice 2013, confortent cette position. Le Royaume a pu ainsi enregistrer de très bonnes performances en termes d'attraction des IDE avec des recettes de 40,2 milliards de DH, un record historique, soit une augmentation de +25,2% par rapport à l'exercice 2012. En terme de flux nets, les résultats sont aussi en nette progression, puisqu'ils enregistrent une croissance de +23,1%, atteignant un montant de près de 29 milliards de DH. Sachant que l'année 2012 avait, elle aussi, connu une progression de 23,1% par rapport à 2011 en termes de recettes. Ce sont donc deux années consécutives de très bons résultats qui viennent confirmer la confiance et l'attractivité de notre pays. Les métiers mondiaux du Maroc affichent de très bonnes performances pour l'année 2013, qui s'expliquent essentiellement par le dynamisme des secteurs de la construction automobile avec une progression de +69,7%, soit +5,1 milliards de dirhams, de l'aéronautique avec une progression de +14,7% soit +1milliard de DH, ou encore l'électronique avec une amélioration des ventes de près de 12% par rapport à l'année 2012. F.N.H. : Certains opérateurs se plaignent de la politique de change qu'ils considèrent comme étant rigide et pesante sur la compétitivité du tissu économique et, partant, sur le déficit budgétaire. D'après-vous, les conditions sont-elles réunies pour adopter une politique de change flexible ? J. H. : La poursuite de la libéralisation des opérations de change constitue l'une des principales préoccupations de l'Office des changes. Nous nous attelons à mettre en place un système basé sur la simplicité, la transparence et la rigueur. Pour réussir ce projet, nous essayons de concilier entre le rôle de facilitateur de la réglementation des changes et la fonction d'organe de contrôle, chargé de la préservation des devises du pays. C'est dans ce cadre qu'un travail de fond a été accompli et consistant en la modernisation du cadre réglementaire qui était en déphasage total avec l'environnement économique national et international. Ainsi, en plus de la circulaire relative à la contribution libératoire, l'Office des changes vient de publier deux autres circulaires visant l'assouplissement de la règlementation des changes, notamment pour les Marocains résidents à l'étranger qui décideraient de s'installer définitivement. Ils pourront en effet continuer à détenir et disposer librement de leurs avoirs constitués à l'étranger. L'autre circulaire concerne, elle, tous les citoyens marocains en les autorisant à détenir des comptes en devises pour financer leurs voyages à l'étranger, que ce soit dans le cadre touristique ou professionnel. Il apparait donc clairement que la politique adoptée par notre pays en matière de libéralisation se veut irréversible, progressive et sûre, de manière à faciliter davantage l'insertion de notre pays dans l'économie mondiale sans remettre en cause les intérêts nationaux. F.N.H. : Au cours des dernières années, on assiste à une faible diversification de nos débouchés à l'export. Quelles sont les mesures prises à votre niveau pour atténuer la proéminence du marché européen ? J. H. : La promotion des exportations de biens ou de services constitue un axe majeur de notre stratégie. Il s'agit d'un levier capable à lui seul de permettre la reconstitution des réserves de change du pays. C'est la raison pour laquelle la promotion des exportations fait l'objet d'une action concertée entre l'ensemble des départements concernés (organismes publics et privés). Pour ce qui est de l'aspect réglementation des changes, il convient de signaler que malgré le principe de neutralité de cette réglementation, l'Office des changes a toujours été à l'écoute des opérateurs en essayant d'apporter les solutions adéquates aux difficultés qui peuvent affecter les résultats des secteurs exportateurs. Ainsi, les mesures de facilitation et d'encouragement des exportations sont destinées à tous les exportateurs quel que soit leur marché cible. Ces mesures qui viennent répondre à un besoin identifié par l'Office des changes, concernent aussi bien la possibilité de régler des commissions à l'export, des réductions de prix ou encore la possibilité de disposer de comptes en dirhams convertibles et en devises destinés à promouvoir l'activité à l'export. L'année 2014 apportera un nombre important de mesures réglementaires qui renforcent le rôle du Royaume comme plateforme et hub régional tourné vers le continent. Une fois finalisées et publiées, ces mesures seront accompagnées d'une campagne de vulgarisation et de communication afin de toucher l'ensemble des opérateurs concernés.