Depuis l'été, les prix du poulet de chair ont connu une nette flambée. Actuellement, ils se situent, selon les régions, dans une fourchette comprise entre 16 et 18 DH (départ ferme). A titre d'exemple, à Casablanca, ils s'affichent à 16 DH, 17 DH à Rabat et Marrakech, 18 DH à Nador, Oujda et Laâyoune. Pour les prix de gros, ils évoluent entre 17 et 20 DH. Au final, du côté des consommateurs, les prix atteignent de 18 à 22 DH, soit quasiment le double en comparaison à la période du printemps. En dépit des appels des associations de protection des consommateurs au gouvernement pour une intervention, la situation semble perdurer et il est difficile d'imaginer un retour à la normale dans les jours à venir. «L'offre est faible par rapport à la normale. Sous l'effet de la crise, de l'endettement et du renchérissement des intrants, plusieurs fermes ont cessé leurs activités. Par le passé, le secteur avait connu de tels phénomènes, mais pas de cette ampleur. La hausse semble durer dans le temps. Cela a eu un impact direct sur notre commerce, avec une baisse notoire du volume vendu», témoigne Abdallah Lahrizi, marchand de poulets au marché Jmiaâ de Derb Soltane. En effet, le secteur avicole est victime d'une fluctuation de la production. En dépit de plusieurs mesures prises dans le cadre du contrat-programme signé entre les professionnels et l'Etat, la filière n'arrive toujours pas à stabiliser l'offre. Certes, les cours du soja, du maïs et du colza (principaux produits utilisés dans les aliments composés) ont plus que doublé dans les marchés mondiaux, mais cela n'explique pas totalement cette flambée des prix. «A cause du manque de visibilité, les accouveurs n'ont pas jugé opportun d'augmenter la production de poussins. Leur offre a sensiblement baissé, générant une hausse du prix des produits. Il a atteint un pic de 7 DH/ unité, dépassant largement la moyenne de 2 DH. Etant donné que la période d'engraissement des poussins est de 45 jours au minimum, cela nécessite donc des charges importantes. Au final, le coût de production grimpe considérablement, sans qu'il y ait une garantie concernant la marge bénéficiaire. Du coup, de nombreuses exploitations, notamment celles de petites et moyennes tailles, ne voient pas d'intérêt à investir. Seuls les grands exploitants qui possèdent une assise financière solide peuvent prendre ce risque», souligne un professionnel de la filière avicole. La pénurie de poussins a mis l'accent sur une problématique structurelle du secteur avicole, marquée par de fortes fluctuations de l'offre. Un système de régulation s'impose. Car il est difficile de mettre en place une stratégie efficace en aval de la chaîne tant que la filière regroupe plus de 6.000 exploitants répartis dans toutes les régions agricoles. Les professionnels de l'activité ont demandé au département de tutelle d'intervenir auprès des accouveurs. Ces derniers, au nombre d'une quarantaine seulement, sont regroupés au sein d'une association en amont de la chaîne et sont donc plus faciles à contrôler. Pour l'intérêt des producteurs et aussi des consommateurs, ils doivent produire le poussin en fonction des besoins du pays. Malheureusement, depuis plus de 6 ans, les accouveurs n'ont jamais trouvé une formule d'entente pour réguler le marché. Parfois, ils se livrent une bataille acharnée en cassant les prix dans le seul dessein d'évincer leurs concurrents et monopoliser le marché. Les autorités refusent d'intervenir, arguant que s'agissant d'un problème interprofessionnel, il faut trouver un terrain d'entente. L'absence d'une solution pérenne crée une alternance de cycles de surproduction et d'autres de sous-production. Résultat : des pertes considérables sont à déplorer pour tous les intervenants (accouveurs, éleveurs, consommateurs ainsi que l'Etat). Reste à signaler que lors des périodes de surproduction, les accouveurs produisent beaucoup plus que les besoins du pays. Bien qu'obligés d'alimenter les poussins avec du soja et du maïs importés et payés en devises, ils sont contraints parfois de détruire les œufs dans les incubateurs.