* Le secteur avicole, malgré son développement considérable depuis deux décennies, demeure néanmoins fragile et déstructuré. * Labsence dintégration verticale entre les différents maillons (accouvage, élevage) rend inefficaces ses capacités de régulation. Ainsi, le secteur est connu pour les fluctuations amplifiées et en dents de scie de sa production, et par conséquent, de ses prix. * Tour dhorizon avec Ahmed Addioui, président de lAssociation nationale des producteurs de viandes de volailles (APV). - Finances News Hebdo :Quel a été limpact de la dernière grève des transports sur votre activité ? - Ahmed Addioui : Limpact de la grève est important mais on na pas encore de chiffres exacts. Les producteurs font dhabitude des stocks daliments mais la grève a tellement duré (près de 10 jours), à tel point quune majorité déleveurs a commencé à sentir son effet, et cela est valable pour toutes les régions. Dans certaines zones, des convois daliments ont été escortés par les forces de lordre. Dans lOriental, les producteurs qui étaient à court dapprovisionnement, ont opté pour les pick-up et les véhicules utilitaires de moins de 2 tonnes pour se ravitailler. - F. N. H. : Est-ce que cela explique la hausse des prix des produits avicoles ? - A. A. : Leffet de la grève est limité sur les prix. Il y a 4 ou 5 mois, il y a eu une surproduction de poussins. Les accouveurs ont bradé le poussin de 50 centimes à 1 DH. Les éleveurs ont vendu pendant un long moment à perte (7 à 8 DH). Ce qui les a dissuadés de mettre en élevage dautres lots ou, au moins, de les reporter. Ayant été contraints désormais de brader leurs poussins, les accouveurs ont réagi en réduisant la production. Cela a logiquement entraîné un redressement des cours du poulet, observé à partir du début du mois de mars. Pour profiter de ce redressement de conjoncture, et comme toujours, les éleveurs ont massivement décidé de reprendre leurs activités ; ce qui a provoqué une forte demande en poussins et un renchérissement de leur prix. Le problème de laviculture marocaine est un problème de régulation. - F. N. H. : Ny a-t-il donc pas un mécanisme de régulation ? - A. A. : La régulation peut se faire soit au niveau des éleveurs, soit au niveau des accouveurs. Comme on est 6.200 éleveurs on ne peut se mettre daccord sur une stratégie. En tant quAPV, nous avons demandé à maintes reprises à lANAM (Association Nationale des Accouveurs Marocains) sous légide de la FISA, la mise en place dun système de régulation pour surveiller lévolution de loffre et de la demande du marché ainsi que la mise en place de mécanismes de régulation de la production. Après plusieurs rounds de négociations, aucune de nos propositions na été retenue par lANAM. Le fait que les opérateurs en accouvage soient beaucoup moins nombreux (une quarantaine) ne les a pas incités à opter pour une méthode de régulation au sein de leur association. - F. N. H. : Quel est alors leffet de ce manque de régulation ? - A. A. : Il y a des pertes énormes pour tous : aussi bien pour les accouveurs, les éleveurs, pour le consommateur que pour lEtat. Les actions de réduction de la production de poussins, soit en réformant précocement les troupeaux de reproducteurs , soit en détruisant des poussins ou des ufs à couver, de même que la vente de poulets en dessous du prix de revient, sont excessivement coûteuses pour le pays en terme de devises dont-il a tant besoin (parentaux et matières premières importés et payés en devises) Pour le consommateur, le fait de payer à certains moments le poulet entre 18 et 20 DH le kg, faute de production suffisante, constitue une perte de son revenu parfaitement évitable avec une meilleure adaptation de loffre à la demande. - F. N. H. : Quest-ce que vous proposez ? - A. A. : Notre association a fait des recommandations à ladministration. Les accouveurs ont des agréments et sont tenus par un cahier des charges. Cest au niveau de limportation quil faut réguler le nombre de reproducteurs dont le pays a besoin. Une régulation permettra une fourchette des prix à la consommation entre 13 et 14 DH/kg, alors que parfois le poulet est payé tantôt à plus de 18 DH/kg et tantôt à moins de 8 DH le Kg. Ce qui est inacceptable. ! Le développement serein de la filière avicole ne peut se faire avec les fluctuations actuelles des prix et de la production de poussins. En effet, pendant plusieurs mois, le poussin a été bradé à moins de 1 DH lunité voire détruit, alors que depuis le début de mars 2009, le prix de ce même poussin a atteint le sommet de 5,00 DH départ couvoir jusquà 6,50 DH chez le revendeur. Cette situation ne peut perdurer indéfiniment sans conséquences négatives sur le développement de la filière tel que planifié dans le plan national de développement de lagriculture (Maroc Vert). Les droits de douane (34%) trop élevés nont aucune raison de continuer à exister étant donné que les unités délevage en exercice sont agréées au même titre que les élevages de dinde et de reproducteurs qui paient pour leurs importations 2,5% de droits de douane. Je voudrais enfin signaler que limportation de poussins dun jour ne devra pas constituer une menace pour le secteur daccouvage national, bien au contraire, elle permettra de satisfaire des demandes élevées mais ponctuelles en poussins (saison estivale) qui ne nécessitent pas dextensions inutiles de la production locale.