Porter le taux de cotisation de 11,89% à 15% devrait maintenir l'équilibre du régime CNSS au-delà de 2060. A ce jour, 18 conventions internationales en matière de sécurité sociale ont été signées et d'autres projets de conventions sont en cours de négociation. La Caisse bataille pour que le plafond des cotisations ne soit plus fixé en valeur nominale, mais indexé sur l'évolution des salaires. Saïd Ahmidouch, Directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), passe en revue la situation de la Caisse, avec un focus sur les systèmes de retraite. Finances News Hebdo : La CNSS a fourni beaucoup d'efforts, durant les 8 dernières années, afin d'améliorer la qualité de ses services ainsi que sa relation avec les employeurs et les employés. Il reste tout de même quelques lacunes, notamment les retards de paiement pour l'AMO... Comment comptez-vous améliorer davantage la qualité de vos services ? Saïd Ahmidouch : La poursuite de l'amélioration de la qualité des services fournis constitue pour la CNSS un axe stratégique majeur. Pour atteindre cet objectif, nous avons mis en place durant les huit dernières années plusieurs actions dont on peut citer essentiellement : La mise en place et le développement de la couverture médicale de base qui constitue une empreinte majeure dans le développement de la couverture sociale au Maroc. Ce dispositif a permis de couvrir pour la première fois une population de plus de 4,4 millions de personnes. L'amélioration du niveau des prestations servies, et ce à travers la revalorisation des pensions servies en 2007, de la pension minimale qui est passée de 600 dirhams à 1.000 dirhams en 2011 et des allocations familiales dont le montant est passé de 150 à 200 dirhams par enfant pour les trois premiers enfants. Parallèlement, les allocations familiales ont été généralisées aux salariés du secteur agricole à partir de 2008. La modernisation des outils de travail à travers l'utilisation des nouvelles technologies d'information et de communication, ce qui a permis d'améliorer les délais de paiement des prestations notamment pour les pensions, dont le délai de paiement est passé de plus de 3 mois à moins d'un mois. Aussi, nous avons mis en place et développé le portail Damancom qui offre des services de télédéclaration et de télépaiement, ce qui a permis de simplifier la procédure de déclaration des salaires et de paiement des cotisations (actuellement 47% des entreprises déclarantes à la CNSS, soit 72.725 adhérents, utilisent ce portail, ce qui représente 80% des salariés déclarés à la CNSS). L'amélioration de la proximité avec nos clients et ce, à travers la mise en place du centre d'appel «Allo Damane», l'extension du réseau des agences qui est passé de 61 agences en 2005 à 87 actuellement, parallèlement à la mise en place de 10 agences mobiles pour accéder aux sites éloignés où la CNSS ne dispose pas de représentations fixes. Par ailleurs, nous avons mis en place un portail «Assuré» qui met à la disposition de nos assurés toute l'information sur leur situation administrative et l'état d'avancement de liquidation de leurs dossiers de prestations. La refonte du système d'inspection et du contrôle afin de le rendre plus efficace et plus transparent de manière à contribuer au développement de la couverture sociale. Ainsi, l'ensemble des actions précitées a permis de porter le taux de couverture de la population salariée du secteur privé qui relève du champ de couverture de la CNSS à 77% (contre 43% en 2005), et nous prévoyons pour fin 2013 atteindre près de 3 millions de salariés couverts. Il y a lieu de rappeler que la CNSS gère le régime de couverture sociale qui a été créé par le législateur pour les salariés du secteur privé. Néanmoins, il faut noter que pour les travailleurs non salariés, qui ne rentrent pas dans le champ de couverture de la CNSS et qui représentent plus de 57% de la population active occupée, ils restent à ce jour dépourvus de toute couverture sociale. Pour ce qui est de l'AMO, elle a connu d'une manière progressive plusieurs améliorations, dont l'extension du panier de couverture aux soins ambulatoires, ce qui s'est traduit par l'augmentation du nombre de dossiers déposés par jour qui est passé de 1.000 dossiers en 2006 à 8.000 dossiers en 2012. Malgré cette évolution importante, le délai de remboursement a été maîtrisé et ne dépassait pas un mois. En 2013, la CNSS a noté une montée en flèche des dossiers, des pics de 10.000 à 11.000 ont été enregistrés, ce qui explique que le délai moyen de remboursement se soit un peu allongé. Nous avons pris des dispositions particulières pour ramener ce délai à trois semaines en 2014. F. N. H. : Qu'est-ce qui explique le plafond de cotisation de la CNSS qui n'a pas évolué depuis 2002 ? S. A. : En ce qui concerne le plafond de cotisation qui a été fixé à 6.000 DH, nous considérons qu'il est anormal que ce plafond arrêté depuis une dizaine d'années n'évolue pas car il ne reflète plus la réalité. C'est pourquoi nous continuons à militer pour son relèvement et, normalement, il ne doit plus être fixé en valeur nominale mais indexé sur l'évolution des salaires, comme c'est le cas pour le RCAR et les régimes de la plupart des autres pays, notamment la Jordanie, la Tunisie et la Turquie. Bien sûr, toute révision de ce paramètre doit passer obligatoirement par le Conseil d'administration. F. N. H. : Contrairement aux autres régimes, la CNSS s'en tire plutôt bien. Preuve en est que le premier déficit (branche des pensions) n'interviendra qu'en 2026. Quelles sont les éléments ayant contribué à ce résultat ? S. A. : Ce qu'il faut retenir pour la CNSS, c'est que les différentes études actuarielles menées, soit en interne ou au sein de la commission technique chargée de la réforme de la retraite, ont abouti à un constat important : le maintien de l'équilibre du régime CNSS, avec les mêmes types de prestations à un horizon au-delà de 2060, nécessiterait d'augmenter le taux de cotisation actuel de 2 à 3 points. Il faudrait qu'il passe à 14 ou 15% contre 11,89% actuellement. Ces augmentations du taux de cotisation pourraient s'effectuer de manière progressive sur plusieurs années. L'élément important ayant contribué à cette situation est l'évolution enregistrée au niveau du nombre des cotisants qui est passé de 1,6 million en 2005 à près de 3 millions en 2013, suite aux efforts fournis par la CNSS dans ce sens durant la dernière décennie. En effet, la CNSS gère un régime de retraite basé sur le principe de la répartition qui consiste à financer les pensions des retraités de l'année par les cotisations des actifs de la même année. De ce fait, toute évolution importante des cotisants par rapport à celle des pensionnés ne peut qu'impacter positivement la situation financière du régime. Ainsi, en 2012, le rapport démographique (nombre de cotisants/nombre de retraités) de la CNSS s'est établi à 8,5. F. N. H. : Le chantier de la réforme de la retraite a été retardé sans cesse malgré l'urgence de la situation. Selon vous, quel est le frein majeur qui bloque les pouvoirs publics à se lancer enfin sur ce chantier ? S. A. : Le diagnostic a été effectué de manière complète durant les dernières années. Aujourd'hui, toutes les parties prenantes, Etat, employeurs (Privé & Public), centrales syndicales partagent assez largement ce diagnostic. Il reste à passer à la phase la plus difficile qui est l'accord sur les mesures à entreprendre. Nous pensions qu'au lieu d'attendre le jour de la réforme définitive acceptée par tous, il y a lieu d'implémenter pour chaque Caisse les réformes paramétriques nécessaires et s'assurer aussi qu'elles soient en cohérence avec les objectifs souhaités à terme. F. N. H. : Parmi les scénarios retenus, il y a le régime de base unifié qui prévoit, entre autres, la fusion entre les pôles public et privé. En tant que Directeur général d'une Caisse qui gère le régime de retraite de base pour les salariés du secteur privé, quelle appréciation faites-vous de ce scénario ? S. A. : Ce scénario a été préconisé par le cabinet d'études dans le cadre des travaux de la commission technique chargée de la réforme des retraites et a été écarté par la suite. La fusion entre les pôles public et privé a certes l'avantage d'harmoniser les droits aux prestations en faveur de l'ensemble des citoyens. Cependant, dans un contexte d'hétérogénéité des situations financières, cette fusion représente un risque de transfert du coût de la réforme du secteur public vers le secteur privé. En effet, il a été établi qu'une partie importante des engagements passés non couverts des caisses gérant les salariés du public est issue de la sous-tarification, notamment de la part patronale. La solution qui consiste à financer une partie importante de ces engagements par un régime fusionné revient à faire supporter par les entreprises et salariés du secteur privé, qui demeurent une minorité de la population active, la charge d'une dette publique qui devrait être supportée par l'ensemble des citoyens. C'est ainsi que la commission nationale, et suite aux recommandations de la commission technique, a adopté un cadre général de la réforme basé, dans une première étape, sur un système de deux pôles (pôle privé et pôle public). F. N. H. : Parmi les projets tant attendus, il y a l'entrée en vigueur de l'indemnité pour perte d'emploi en 2014. Quelles sont les mesures mises en place par votre institution pour le démarrage de ce chantier ? Peut-on avoir plus de détails sur le mode de remboursement ? S. A. : L'indemnité pour perte d'emploi (IPE) n'est pas une allocation de chômage. Il s'agit d'une mesure d'accompagnement qui doit s'inscrire dans un processus de retour à l'emploi. Elle a pour objet d'assurer une indemnité, pendant une très courte période (6 mois maximum), pour les salariés qui ont travaillé de façon relativement durable et continue. Elle concerne ceux qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ont perdu leur emploi. Le salarié bénéficiaire sera ainsi accompagné pendant une période de 6 mois durant laquelle il devra également être dans une logique de recherche active d'emploi, y être accompagné et le cas échéant par une formation. La durée de l'indemnité étant fixée à 6 mois, elle serait équivalente à 70% du salaire de référence (salaire mensuel moyen déclaré des 36 derniers mois) sans excéder le montant du SMIG. Pour la mise en place de cette nouvelle prestation prévue pour 2014, nous avons participé activement à l'élaboration des textes de loi dans le cadre d'une commission présidée par le ministère de l'Emploi et des Affaires sociales. Parallèlement, nous sommes en train de finaliser les procédures à mettre en place pour sa liquidation, les adaptations du système d'information, la formation des équipes et l'élaboration du plan de communication. F. N. H. : La CNSS a signé des conventions internationales avec la France, l'Espagne et les Pays-Bas pour assurer les prestations aussi bien pour les travailleurs marocains que français, assujettis aux régimes de sécurité sociale. Pouvez-vous nous apporter plus de détails sur ces conventions ? S. A. : Le Maroc a conclu, depuis son indépendance, plusieurs conventions internationales en matière de sécurité sociale et ce, en vue de maintenir les droits acquis de ses ressortissants dans ce domaine. A ce jour, 18 conventions ont été signées, dont 15 ratifiées et entrées en vigueur. D'autres projets de conventions sont en cours de négociation avec la Turquie, la Bulgarie et la Mauritanie. Pour l'ensemble de ces conventions, la CNSS est désignée comme organisme gestionnaire. Ces conventions garantissent aux ressortissants marocains l'égalité de traitement dans les pays d'accueil, la totalité des droits accomplis au Maroc et au niveau de ces pays et leur permettent de transférer certaines prestations sociales en espèce et en nature en cas de séjours temporaires ou de transfert de résidence au Maroc. C'est ainsi que dans ce cadre, certaines conventions comme celles conclues avec la Tunisie, la France, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne donnent la possibilité, à nos travailleurs ressortissons marocains qui ont transféré leur résidence au Maroc, soit de manière provisoire (séjour temporaire) ou d'une manière définitive, notamment pour le cas des pensionnés, de bénéficier, pour le compte des caisses étrangères, d'une couverture médicale auprès de la CNSS au même titre que pour les assurés AMO.