Le divorce entre le Parti de l'Istiqlal et le PJD a ceci de bien qu'il met fin à une longue période d'incertitude. Les opérateurs économiques et les investisseurs internationaux ont besoin de visibilité pour pouvoir développer leurs affaires. A fin mai, l'économie nationale affichait un meilleur profil, quoique les agrégats restent toujours malmenés. Après plus deux mois de tergiversations et d'atermoiements, la séparation de corps et de fait entre le Parti de l'Istiqlal et le Parti Justice et Développement semble bien définitive. Au moment où nous mettions sous presse, le Comité exécutif du PI avait pris l'option de mettre en application la décision du Conseil national de se retirer du gouvernement. Les ministres du parti devaient ainsi présenter une démission collective au Chef de gouvernement, Abdel-Ilah Benkiran. Lequel a désormais le choix entre deux possibilités: organiser des élections anticipées ou chercher une autre alliance, notamment avec le Rassemblement national des indépendants (RNI) donné par les observateurs comme sérieux prétendant pour entrer dans le gouvernement. Heureux dénouement ? Difficile de répondre par l'affirmative. Mais cette issue a au moins le mérite de mettre fin à plus de 60 jours d'incertitudes sur l'avenir politique du Royaume. Surtout, elle permet, un tant soit peu, de donner ne serait-ce qu'un peu de visibilité, tant aux opérateurs nationaux qu'aux investisseurs et bailleurs de fonds internationaux. Car, le nœud du problème est bien là : cette crise politique, au-delà des clivages et des divergences de vue entre le PI et le PJD qu'elle a permis de révéler à l'opinion publique, nuit fortement aux intérêts économiques du Royaume. Si le Maroc a réussi à mettre en branle le processus de modernisation de son économie, c'est surtout parce qu'il est cité comme modèle de stabilité politique dans une région particulièrement déchirée par les chouanneries meurtrières, au regard notamment des conséquences encore visibles du Printemps arabe. Certes, du fait de la crise internationale, les agrégats économiques du Royaume sont fortement malmenés, mais cela ne l'empêche guère de continuer à bénéficier de la confiance des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international ou encore la Banque mondiale. Encore mieux, le Maroc a réussi deux sorties sur le marché international dans un contexte économique pourtant délicat. Les réformes institutionnelles initiées par le Souverain, la stabilité politique, la pratique démocratique..., sont ainsi autant de signaux forts qui ont permis au Maroc d'être parmi les bons élèves et de susciter l'intérêt des investisseurs. Reprise des indicateurs Actuellement, on ne peut certes nier que la situation économique n'est pas des plus reluisantes, mais, en comparaison avec d'autres pays, y compris ceux qui se sont toujours érigés en donneurs de leçons, elle est loin d'être dramatique. Pour preuve, les dernières prévisions du Haut commissariat au plan tablent sur un produit intérieur brut qui s'accroîtrait de 4,6% en volume en 2013 au lieu de 2,7% en 2012. Et les statistiques actuellement disponibles montrent, en effet, que le profil de l'économie nationale affiche globalement un léger mieux durant ces premiers mois de l'année. Ainsi, le déficit commercial s'est allégé, à fin mai 2013, de 7,3% ou de 6,4 milliards de dirhams, comparativement à la même période de l'année passée, pour se chiffrer à 81,6 milliards de dirhams. Parallèlement, les flux des investissements directs étrangers continuent de se raffermir, progressant de 47,1% en glissement annuel pour totaliser 15,9 Mds de DH à fin mai 2013. De même, les recettes voyages ont augmenté de 3,1%, tandis que les recettes MRE ont marqué une quasi-stagnation par rapport à la même période de 2012, soit +0,1% à 22,4 Mds de DH. Pour autant, certains secteurs peinent toujours à voir le bout du tunnel, même si la tendance est à la reprise. C'est le cas notamment du BTP, avec notamment des ventes de ciment qui ont reculé de 14,5% pour s'établir à 6,4 millions de tonnes au terme des cinq premiers mois de l'année. Toutefois, l'amplitude de la baisse tend à diminuer au fil des mois. «En effet, les baisses enregistrées durant les mois de mai et avril se sont chiffrées, respectivement, à -6,6% et -2,6%, après des reculs importants lors des trois premiers mois de l'année, soient -25% en mars,- 10,3% en février et -25,4% en janvier 2013», note la Direction des études et des prévisions financières. Réformes urgentes Pour maintenir cette dynamique, il est nécessaire de dépasser les guéguerres politiques et d'entamer les nombreuses réformes (Caisse de compensation, retraite, marché des capitaux...) susceptibles d'inscrire durablement le Maroc sur le chemin de la croissance. Et si tant est qu'une nouvelle coalition gouvernementale voie le jour, il faudra en finir avec les tâtonnements et donner de la visibilité aux investisseurs à travers une feuille de route bien circonscrite. Le professeur Mohamed Berrada, économiste et ancien ministre des Finances, ne dit pas autre chose. Selon lui, «les opérateurs ont été sensibles aux annonces du gouvernement, ont soutenu son programme économique, mais attendent toujours sa réalisation sur le terrain. Ils se trouvent un peu aujourd'hui dans le brouillard. Les entrepreneurs n'aiment pas naviguer dans l'incertitude. Ce manque de visibilité alimente des signaux négatifs sur la situation économique». Aujourd'hui, plus que jamais, le Maroc a besoin de dirigeants forts qui portent le courage politique en bandoulière. On ne peut plus continuer à ménager la chèvre et le chou. Le Maroc de demain se construit maintenant, avec des réformes courageuses initiées au nom de l'intérêt suprême de la Nation. Quitte à être impopulaire ! Comme disait Jean-Pierre Raffarin, «la popularité n'est pas un programme politique».