En 2011, la population ayant plus de 60 ans représentait plus de 8%. En 2050, cette tranche sera de plus de 25%, d'où l'existence d'une forte pression démographique sur la pérennité du système de retraite au Maroc. Le nombre d'actifs cotisants est de 3,8 millions de personnes pour un montant de 36 Mds de DH. Seuls 36% de la population d'actifs bénéficient du système de retraite. A l'iniquité du système, s'ajoute un déficit imminent de certaines caisses de retraite. Ces périls devraient hâter la cadence des réformes, selon des observateurs. "L'humanité ne se pose pas des questions qu'elle ne peut pas résoudre». Cette assertion aura marqué la rencontre organisée le 11 juin 2013, à Rabat, par l'Association des membres de l'inspection générale des finances (AMIF). Le débat portait sur l'épineux dossier des retraites au Maroc. Dans un contexte économique particulièrement difficile pour le pays, certains experts ont estimé que le pays ne pouvait plus se permettre le luxe de reporter ad vitam aeternam la réforme des retraites. A ce titre, il convient de rappeler que les premières Assises sur la retraite se sont tenues, il y a dix ans... en 2003 ! Il y a eu dix sept années de réflexion et de débats sur le sujet. Depuis lors, le bilan est en demi-teinte et, pour certains, peu d'avancées ont été réalisées sur cette thématique dont les enjeux sont économiques, financiers, sociaux et surtout démographique. Fortes pressions sur le système de retraite La science économique a souvent relégué l'importance de la démographie à l'arrière plan. Toutefois, l'économie sociale mise en place par Keynes avait commencé à prendre en considération les coûts de l'homme (vieillesse, maladie, démographie). Le Maroc a commencé à subir une pression démographique dans les années 70. Cette évolution est la conséquence d'un vieillissement de la population, provoqué, entre autres, par les progrès médicaux. En 2011, la population ayant plus de 60 ans représentait plus de 8%. En 2050, cette tranche sera de plus de 25%. Cette modification de la pyramide des âges aura inéluctablement des répercussions sur la structure économique du pays, et particulièrement sur le système de retraite. Pour le maire de Rabat, Fathallah Oualalou : «Le débat démographique a toujours été absent des débats nationaux». Ce troisième millénaire est fortement marqué pour le Maroc par les problèmes liés aux déficits des différentes caisses de retraite. Depuis des décennies, l'Etat n'a pas payé sa contribution patronale pour les prestations des fonctionnaires. Et ce n'est que récemment, dans les années 2000, qu'il a réglé les 11 milliards de DH d'arriérés concernant la retraite. Les trois millions de Marocains immigrés sont aussi un enjeu important pour les caisses de retraite. En 2012, le nombre d'actifs cotisants est de 3,8 millions de personnes pour un montant de 36 Mds de DH. Le système de retraite du pays se caractérise par son aspect disparate. Les cinq régimes de retraite à caractère général ne couvrent que 36% de la population active. Certains responsables, à l'instar de Hassan Boubrik, Directeur des Assurances et de la prévoyance sociale, estiment que le système de retraite est inéquitable. Les déficits de certaines caisses de retraite sont imminents, d'après certaines projections. Par exemple, la CNSS sera déficitaire à l'horizon 2037 et la CIMR d'ici 2021. Pour d'autres experts, les faillites annoncées doivent accélérer les cadences des réformes gouvernementales dans le domaine des retraites. La Caisse marocaine de retraite aura un déficit de plus 29 Mds de DH à terme, ce qui annihilera ses capacités d'investissement dans l'économie nationale. Ce déficit est dû à une sous-tarification. De plus, elle paye le double des prestations qu'elle doit normalement à ses cotisants. Cela témoigne d'une mauvaise gestion pour certains. Implications macroéconomiques La question de la retraite est une interrogation transversale, au carrefour des enjeux financiers, économiques, sociaux et même politiques pour certains. Le HCP, par le biais de son Directeur de planification, estime que la problématique de la retraite au Maroc reste d'abord financière. Le financement des retraites risque d'être insoutenable à moyen terme pour les raisons évoquées plus haut. Le Maroc est un pays en pleine transition démographique. Tout l'enjeu réside dans le fait de pouvoir absorber économiquement ce choc transitoire sans accentuer l'atonie de la croissance. Le taux d'emploi dans les pays développés peut avoisiner 90% dans les pays développés. Or, il est de 48% au Maroc. Cette situation a naturellement des répercussions sur la solidité du système de retraite du pays. Plusieurs voix se lèvent au niveau national réclamant l'augmentation du taux de couverture et l'intégration de l'informel dans le système de retraite. Il convient d'être pondéré sur ces deux points. Et pour cause, l'amélioration du taux de couverture impactera positivement le système de retraite, mais seulement à court terme. A long terme, l'augmentation du taux de couverture risque de grever lourdement l'épargne. De ce fait, l'investissement dans le pays en pâtira. L'élément le plus complexe reste la problématique de l'intégration de l'informel dans les régimes de retraite. A titre informatif, plus d'un million de personnes ne cotisent pas à la CNSS en recourant à la fraude. Cela représente une lourde facture sur le plan économique, et surtout social. Intégrer l'informel dans le régime de retraite suppose de mettre en place des taux qui ne soient pas prohibitifs. Pour le HCP, dans le cadre de la réforme du système de retraite, il faudrait une réflexion approfondie, du fait qu'on ne peut décompenser et, dans le même temps, augmenter les coûts de cotisation. Le péril serait d'accentuer la pauvreté de la classe la plus vulnérable socialement. Certaines recommandations pour réformer le système de retraite prônent une base de prestation nationale unifiée. Toutefois, ce qui semble se profiler, c'est un système de deux pôles (public et privé). En tout état de cause, la question de la retraite met en lumière le rôle d'un Etat qui doit être stratège et pilote, surtout dans ces temps difficiles. Il est impérieux de s'occuper des jeunes actifs en leur procurant du travail. Un taux d'emploi plus élevé permettrait de financer les retraites des personnes âgées qui ont le droit de vivre dans des conditions décentes au crépuscule de leur vie. A ce stade, la question de la solidarité intergénérationnelle fait irruption dans le débat des réformes du système de retraite. Pour Fathallah Oualalou, la balle est dans le camp du gouvernement. Gouverner, c'est agir et prendre des décisions, surtout face à une urgence comme celle des retraites au Maroc.