Un système non soutenable La problématique des caisses des retraites est toujours là, menaçante, lancinante. A mesure que le temps passe, les caisses de retraite se vident et le sort des retraités devient incertain. C'est juste une question de temps. Le HCP tire la sonnette d'alarme et invite à un débat national responsable. Pour la deuxième fois, il revient à la charge et apporte une étude sur «l'impact du choc démographique sur la viabilité financière du système de retraite, sur l'épargne, sur l'investissement et sur la croissance économique». Les experts du HCP, en collaboration avec ceux du CEPII en France, disent avoir développé un modèle qui «fournit un cadre cohérent permettant d'analyser les impacts du choc démographique sur l'évolution de l'offre du travail et du capital, tout en différenciant les comportements des générations en termes de participation au marché du travail et en termes de consommation et d'épargne». Dans une note de synthèse distribuée à la presse, l'auteur prévient que «le problème du financement des retraites ne peut être résolu qu'en améliorant le rapport entre le nombre des cotisants et celui des retraités». Cela dit, la réforme du système de retraite devrait être repensée dans un cadre de cohérence globale, note le HCP, qui affirme avoir élaboré plusieurs scénarios qui, globalement, traitent de l'impact - à législation inchangée - de l'évolution démographique sur la situation financière du système de retraite et sur la situation macroéconomique. «Les premiers scénarios traitent, d'après les experts du HCP, de différentes hypothèses de réformes qui permettraient de maintenir, à chaque période, l'équilibre financier du système de retraite (ajustement des taux de cotisation et de la générosité du système de retraite), ou qui pourraient alléger les conséquences négatives du vieillissement (extension de la couverture pour tous les nouveaux travailleurs et augmentation de l'âge légal de départ à la retraite). Les autres étudient les effets d'une amélioration du taux d'emploi, encore faible au Maroc, sur la situation des caisses de retraite et l'opportunité d'une réorganisation institutionnelle des systèmes de retraite dans le sens d'une unification de certains d'entre eux. Ainsi, dans un premier scénario, la transition démographique se traduirait, selon le HCP, par une détérioration de la situation financière des régimes de retraite. La dégradation des rapports de dépendance serait plus accentuée pour la CNSS. Ainsi, et comparativement à l'année 2010, si le nombre des actifs affiliés à la CNSS devrait augmenter, en enregistrant un taux d'accroissement global de 58,6% à l'horizon 2050, celui des retraités serait multiplié par 4,1 fois. Ces mêmes indicateurs seraient respectivement de 2% et 2,6 fois pour la CMR et de 10,5% et 1,8 fois pour le RCAR. Dans ce contexte, la dépense totale des retraites devrait représenter 7,7% du PIB à l'horizon 2050, alors qu'elle ne représente que 3% du PIB en 2010. En revanche, les recettes seraient en baisse, passant respectivement de 3,2% du PIB à 2,6%. Cet écart, croissant au court du temps, va générer des déficits considérables, de l'ordre de 5,1% du PIB en 2050 au lieu d'un léger excédent de 0,33% du PIB en 2009. Des réserves négatives en 2023 Par caisse, le déficit devrait atteindre 2,7% du PIB en 2050 pour la CNSS, alors que pour la CMR et la CIMR, il se situerait entre 1,8 et 0,2% du PIB. Ces déficits pourraient être comblés par les réserves importantes accumulées par les caisses de retraite. Toutefois, cette situation entrainerait progressivement un épuisement des réserves totales qui deviendraient négatives en 2032 pour les quatre caisses de retraite agrégées. Par régime, ces réserves deviendraient négatives en 2023 pour la CNSS, en 2029 pour la CMR et en 2050 pour le RCAR. Pour la CIMR, par contre, les réserves resteraient positives pour toute la période prise en considération. Ces déficits considérables sur le système de retraite impliqueraient une réduction de l'épargne publique et donc de l'épargne agrégée. L'effet du vieillissement sur l'épargne agrégée se reflète directement sur le taux d'investissement (le ratio entre l'investissement et le PIB) qui baisserait de 10 points à l'horizon 2050. L'analyse des implications macroéconomiques et financières des réformes paramétriques visant à éliminer les déficits du système de retraite, en augmentant les cotisations ou en réduisant la générosité du système de retraite, confirment la non-soutenabilité du système de retraite actuel. Les ajustements nécessaires pour garantir l'équilibre de chaque caisse (CNSS, RCAR, CMR) seraient colossaux et, par conséquent, politiquement et économiquement impossibles à mettre en place. L'analyse a montré aussi que les ajustements nécessaires pour équilibrer les caisses de retraite ne sont pas les mêmes selon le choix entre l'ajustement des taux de cotisations salariales et patronales, d'une part, ou le choix entre l'ajustement des taux de cotisation et des taux de remplacement, d'autre part. Ces ajustements renvoient plutôt à un arbitrage difficile entre la préservation du niveau de vie de la population et la recherche d'une amélioration de la compétitivité. Fusion des Caisses Dans le scénario 4, il est supposé qu'à partir de 2015 les caisses de retraite, à l'exception de la CIMR, fusionnent en constituant un seul régime. Dans le scénario 5, il est supposé qu'à partir de 2015 la CMR et le RCAR fusionnent en constituant un seul régime qui donc regrouperait tous les affiliés du secteur public. Dans les deux scénarios, tous les individus appartenant au nouveau régime fusionné sont soumis aux mêmes règles concernant les cotisations versées et les retraites perçues. En particulier, à partir de 2015, il est supposé que pour tous les travailleurs couverts, la cotisation patronale est de 15% et la cotisation salariale est de 10%. Alors que pour tous les retraités, la pension représente 60% du dernier salaire perçu au moment du départ à la retraite et après reste constante au cours du temps en termes réels. La situation financière du nouveau régime fusionnant la CNSS, la CMR et le RCAR est nettement améliorée par rapport à celle des trois caisses de retraites considérées séparément. En 2050, le déficit de ce nouveau régime représenterait 3,1% du PIB et, en ajoutant le déficit de la CIMR, le déficit global représenterait 3,3% du PIB contre 5,1% prévu dans le scénario de base. Le HCP indique par ailleurs que la fusion des caisses de retraite comporte une perte pour les retraités appartenant à des caisses qui garantissent un taux de remplacement supérieur à 60% (CMR et RCAR). Elle comporte également une perte de pouvoir d'achat pour les travailleurs cotisants au niveau de l'ensemble des caisses.