Le scénario établi par le HCP montre l'inefficacité d'agir séparément sur les taux de cotisation et de remplacement. L'effet même du report de l'âge de retraite serait à terme nul. Une réforme du système de retraite devrait être exhaustive, dotée d'une vision globale et accompagnée par «la mise en place d'autres mécanismes de solidarité alternatifs». Une équation assez complexe que celle de la réforme du système de retraite en place. L'urgence d'une réforme s'impose inéluctablement comme l'a recommandé le FMI dernièrement, d'autant plus que le compte à rebours à déjà commencé étant donné les déficits techniques des trois caisses (CNSS, RCAR, CMR) qui piquent déjà du nez. Le gouvernement Benkirane semble ainsi être dans une situation peu enviable du moment que les marges de manœuvre sont très restreintes au même titre que les pistes de réforme. Le Haut commissariat au plan (HCP) vient en fait de publier les résultats d'une étude intitulée « Vieillissement de la population marocaine : Effets sur la situation financière du système de retraite et sur l'évolution macroéconomique ». Le difficile équilibre Il en ressort que les réformes paramétriques envisagées comme le font croire les différentes réunions de la commission technique créée à ce titre susciteront certainement de vives réactions. Le scénario visant à augmenter les cotisations ou réduire « la générosité du système de retraite », c'est à dire revoir à la baisse le montant de la première pension perçue s'avère d'un coup fatal, politiquement et économiquement s'entend. «Les ajustements nécessaires pour garantir l'équilibre de chaque caisse (CNSS, RCAR, CMR) seraient colossaux et, par conséquent, politiquement et économiquement impossibles à mettre en place », note le HCP. Sachant que le rapport démographique est en perpétuelle dégradation tombant ainsi de 15 actifs en moyenne pour un seul retraité en 1980 à 3,9 actifs en 2009, sachant également l'effondrement continu des cotisations des différentes caisses pour se situer à 3,2 % du PIB en 2009 contre une évolution notable de leurs dépenses situées à 2,9 % du PIB en 2009, il paraît ainsi que toute réforme du système de retraite devrait être envisagée dans un cadre englobant plus de paramètres que ceux cités plus haut. Le jeu de scénario établi par le HCP ne laisse aucun doute sur l'inéluctable dégradation des équilibres financiers des caisses de retraite (CNSS, RCAR, CMR, CIMR) dans le cas du maintien du système de fonctionnement actuel. Outre les déficits techniques, les craintes s'étendent cette fois pour toucher le niveau des réserves totales qui deviendraient négatives à partir de l'année 2032. Une situation qui ne manquerait pas d'exercer des pressions baissières sur le niveau de l'épargne publique déjà jugé faible (28 % du PIB) et partant, sur le volume des investissements globaux comme l'expliquent les économistes par le jeu des effets d'entraînements. «Le résultat de notre scénario de base montre que les réserves deviendraient négatives en 2023 pour la CNSS, en 2029 pour la CMR et en 2050 pour le RCAR. Pour la CIMR, par contre, les réserves resteraient positives pour toute la période prise en considération», peut-on lire. Cette tendance trouve son fondement économétrique dans le total des dépenses de retraites qui représenterait 7,7 % du PIB à l'horizon 2050 contre seulement 3 % du PIB en 2010, au moment où les recettes glisserait de 3,2 % du PIB à 2,6 % sur la même période de référence. Le danger d'un aménagement des taux Prenant en considération tous ces éléments, il s'avère que le «choc démographique»accentué tantôt par les capacités limitées de l'économie nationale à générer plus de ressources et donc de valeur ajoutée tantôt par la transition politique en cours, laissent entrevoir de mauvaises perspectives. De là, activer le bouton d'une intervention sur le taux de cotisation ou de celui de remplacement (rapport entre la première pension et le dernier salaire) risque de produire l'effet inverse. « Toute réforme sous forme d'aménagement des taux de cotisation ou de remplacement risque d'accentuer les inégalités sociales et inter-générationnelles et de générer plus de pauvreté», est-il souligné. D'autres scénarios sont également indiqués mesurant l'effet d'un report de l'âge de départ à retraite (de 60 à 62 ans). Les initiateurs de l'étude sont catégoriques là aussi, mettant en garde contre un tel dispositif de réforme. L'effet attendu serait perceptible au niveau du taux de l'emploi qui augmenterait de 0,4 à 0,6 points de base, c'est à dire une progression positive du nombre des travailleurs. En revanche, le nombre de cotisants et c'est d'ailleurs la variable clé observerait un effet très limité. En raison de la proportion importante des individus inactifs ou sans couverture qu'englobe la tranche d'âge (60-62 ans). «L'effet macroéconomique de cette réforme est très modeste. Le déficit agrégé du système de retraite représenterait, en 2050, 5,3 % du PIB au lieu de 5,1 % dans le scénario de base et les effets sur l'investissement et la croissance économique sont aussi nuls », analyse-t-on. Cela étant, l'amélioration de l'assise financière des caisses de retraites et partant, leur capacités à procurer de l'épargne passe obligatoirement par une appréciation notable de la population active et de celle cotisante. Celle-ci est estimée à près de 2,7 millions de travailleurs, soit 27 % de la population active occupée en 2009. Le hic c'est que l'effectif des cotisants croit moins rapidement que celui des bénéficiaires du régime. Tout au long de la période 2000-2009, le premier a enregistré une croissance annuelle moyenne de 4,1 % contre 6,6 % pour le second. Les niveaux faibles aussi bien du taux d'activité ( taux d'emploi inférieur à 50 % et un taux de sous-emploi d'environ 11 %) que celui de couverture témoigne des faibles capacités entachées à la structure économique caractérisées par les « rigidités entravant le développement du tissu productif (coût de production élevé, faible progrès technologique, etc.)». La prédominance de l'emploi précaire et de l'emploi saisonnier (Agriculture, BTP…) pénalisent les capacités d'absorption de l'offre d'emploi par le marché. Toute question est là , remettant en cause à priori l'efficacité de la réforme en gestation. Le scénario d'une fusion entre les caisses Parmi la valse des scénarios proposés par le HCP figure également la réorganisation institutionnelle des caisses de retraites vers une fusion. Deux scénarios sont sur la table. «Le scénario S4 suppose qu'à partir de 2015 les caisses de retraite, à l'exception de la CIMR, fusionnent en constituant un seul régime. Dans le scénario S5, il est supposé qu'à partir de 2015 la CMR et le RCAR fusionnent en constituant un seul régime qui donc regrouperait tous les affiliés du secteur public ». Certes, les dépenses de l'Etat seraient allégées favorisant ainsi une stabilité du ratio des cotisations par rapport au PIB. Les déficits techniques seraient situés ainsi à 3,1 % du PIB pour le 1er scénario et à 3,8 % pour le second à l'horizon 2050. Toutefois, des risques pèsent tout de même sur le niveau de vie des ménages et donc l'épargne privée sachant que les niveaux des ressources, des engagements et des dettes implicites de chaque caisse sont différents. Sur le court terme, les chercheurs estiment qu' au vu des pertes attendues sur le plan social, la mise ne place d'un tel scénario ne serait pas sans difficultés, «étant donné ses implications sociales dont la prise en charge éventuelle des perdants de la réforme, ce qui entrainerait une augmentation soit de la fiscalité soit de l'emprunt, deux effets qui toucheraient les différents compartiments de l'économie ». Autre scénario de réforme, celui de la couverture obligatoire pour les nouveaux travailleurs. Dans ce scénario, les individus qui arrivent sur le marché du travail à partir de 2015 sont obligés de cotiser à la CNSS et à titre facultatif à la CIMR. Cette affiliation obligatoire permettrait d'augmenter progressivement le taux de couverture, lequel pourrait atteindre presque 86,8 % à l'horizon 2050 contre 31,5 % prévu dans le scénario de base. Les effets sur les dépenses devraient être perceptibles. Ainsi, « la masse des cotisations devrait représenter 5,1 % du PIB en 2050, contre 2,6 % prévu dans le scénario de base et le déficit agrégé du système de retraite serait plus réduit en 2050 (2,1 % du PIB au lieu de 5,1 % dans le scénario de base ). ». Les effets macroéconomiques positifs d'une telle option seraient d'un apport bénéfique pour le système avant 2035. Au-delà de cette date, l'épargne agrégée et, partant, l'investissement, se détérioreraient par rapport au scénario de base, prévoient les chercheurs. Pour conclure, une réforme du système de retraite devrait être exhaustive dotée d'une vision globale et accompagnée par «la mise en place d'autres mécanismes de solidarité alternatifs». * Tweet * * * VN:F [1.9.21_1169] please wait… Rating: 0.0/5 (0 votes cast) VN:F [1.9.21_1169] Rating: 0 (from 0 votes)