Le Haut commissariat au plan (HCP) a réalisé une étude sur la soutenabilité du système de retraite au Maroc. Détails des principales conclusions. Si rien ne change, la dépense totale des retraites devrait représenter 10 % du PIB à l'horizon 2050. La nécessité de réviser et de réformer les régimes de retraites n'est plus à prouver. Le Haut commissariat au plan (HCP) de par sa posture de machine de production statistique a élaboré, en collaboration avec le CEPII en France, un modèle d'équilibre général à générations dans le but d'évaluer l'impact du choc démographique sur la viabilité financière du système de retraite, sur l'épargne, sur l'investissement et partant sur la croissance économique. Les économistes du HCP ont utilisé le modèle pour projeter la situation actuelle et simuler des scénarios alternatifs sur la base d'un ensemble d'hypothèses concernant le système de retraite au Maroc. Si rien ne change D'après le premier scénario qui prend l'hypothèse qu'aucun changement de législation n'est effectué, mesurant le seul impact de l'évolution démographique sur la situation financière du système de retraite marocain et sur la situation macroéconomique, « la transition démographique se traduirait, par une détérioration de la situation financière des régimes de retraite », précise l'économiste du HCP. Sous l'hypothèse que les régimes de retraite continueraient à couvrir près de 30 % seulement des actifs occupés, le ratio entre le nombre total de retraités et travailleurs (y compris ceux non couverts) augmenterait de 7 % en 2010 à près de 22,1 % en 2050. En se limitant aux travailleurs couverts, ce ratio passerait de 24,1 % à 74 % respectivement. La dégradation des rapports de dépendance serait plus accentuée pour la CNSS. Ainsi, si le nombre des actifs affiliés à la CNSS devrait augmenter de 50 % d'ici 2050, celui des retraités serait multiplié par 6,6 fois à cet horizon, et ces indicateurs seraient respectivement de 7 % et 2,6 fois pour la CMR et de 15,6 % et 3,2 fois pour le RCAR. Dans ce contexte, la dépense totale des retraites devrait représenter 10 % du PIB à l'horizon 2050, alors qu'elle ne représente que 3 % du PIB en 2010. Impacts variés selon les caisses En revanche, les recettes seraient en baisse, passant respectivement de 3,2 % du PIB à 2,6 %. Cet écart, croissant au court du temps, va générer des déficits considérables, de l'ordre de 7,4 % du PIB en 2050 au lieu d'un léger excédent de 0,23 % du PIB en 2009. Par caisse, le déficit devrait atteindre 4,5 % du PIB en 2050 pour la CNSS, alors que pour la CMR et la CIMR, il se situerait entre 1,5 et 2 % du PIB. Ces déficits pourraient être comblés par les réserves importantes accumulées par les caisses de retraites. Toutefois, cette situation entraînerait progressivement un épuisement des réserves qui deviendraient négatives en 2026 pour l'ensemble des caisses. Par régime, les réserves deviennent négatives en 2023 pour la CNSS, en 2022 pour la CIMR et en 2025 pour la CMR. Pour la RCAR, par contre, les réserves deviennent négatives seulement à partir de 2052. Les scénarii alternatifs Comme alternatif à cette situation, le HCP a réalisé des simulations selon deux scénarii visant l'équilibre des régimes. Le premier scénario propose l'augmentation du taux de cotisation tandis que le second scénario envisagé par cette étude porte sur la réduction de la générosité de chaque régime de retraite. Dans la première configuration, il faudrait faire passer les taux de cotisation de 11,89 % à 65 % entre 2010 et 2050 pour la CNSS, de 20 % à 50,5 % pour la CMR, de 18 % à 72,7 % pour le RCAR et de 12,84 % à 63,7 % pour la CIMR. Augmenter l'âge de retraite est inefficace Pour le deuxième cas de figure, les efforts demandés aux retraités seraient excessivement importants. La réduction de la valeur des retraites devraient représenter en 2015 près de 23 % pour la CMR, 20 % pour la CNSS, 49,4 % pour la CIMR et près de 60 % pour la RCAR, et les réductions seraient encore importantes d'ici 2050. Ces deux scénarii bien qu'ils permettrent de rétablir les équilibres financiers des différentes caisses, demeurent toutefois intenables pour les retraités qui verront dans les deux cas de figure leur niveau de vie se dégrader de manière considérable, une valeur, qui n'a pas été prise, par ailleurs, en considération lors de l'élaboration du modèle. Autre scénario étudié par les économistes du HCP est celui de l'augmentation de l'âge légal de départ à la retraite. Dans ce scénario, il est supposé que l'âge légal est augmenté à 62 ans à partir de 2015 ans au lieu de 60 ans actuellement. L'effet macroéconomique de cette réforme est très modeste. Le déficit agrégé du système de retraite représenterait, en 2050, 7 % du PIB au lieu de 7,4 % du scénario de base et les effets sur l'investissement et la croissance économique sont aussi insignifiants. « La raison de l'inefficacité d'une réforme visant à augmenter l'âge légal de départ à la retraite est liée au fait que, parmi les individus âgés entre 60 et 62 ans, une fraction importante est inactive ou bien n'est pas couverte », explique-t-on au HCP. Trois autres scénarii ont été également étudiés il s'agit notamment de rendre la couverture obligatoire pour les nouveaux travailleurs, d'augmenter les taux d'activité, et enfin de réorganiser le système de retraites soit en fusionnant deux régimes à la foi ou l'ensemble des régimes. « Les conclusions de l'ensemble de ces scénarii ne sont présentées qu'à titre indicatif » a tenu à préciser Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan, tout au long de la présentation de l'étude. Ajoutant que le rôle du HCP n'est pas de dicter ce qu'il faut faire mais seulement d'éclairer sur les tendances futures dans un secteur ou domaine donné. * Tweet * *