Les risques émergents au cœur des débats de la sixième édition du Rendez-vous de Casablanca de l'assurance. Les compagnies d'assurances doivent faire preuve d'agilité et d'anticipation pour maîtriser et modéliser convenablement ces risques.
Par A.E
Décidément, le métier d'assurance devient de plus en plus complexe et les défis s'accumulent pour la profession, l'obligeant à sortir de sa zone de confort et à se réinventer. Le principal défi aujourd'hui pour le secteur réside dans la montée en puissance des risques émergents qui challengent les assureurs sur la manière de les modéliser, les maîtriser et les pricer convenablement. C'est précisément cette problématique qui est au cœur des débats de la sixième édition du désormais incontournable RDV de Casablanca de l'assurance qui, cette année encore, a réuni le gotha des assureurs venus des quatre coins du monde (plus de 1.000 participants et 40 conférenciers prestigieux), pour échanger et débattre des «Nouvelles frontières de l'assurance». Risques pandémiques, climatiques, technologiques, économiques, géopolitiques, démographiques, cyber risques, etc. sont autant de risques émergents qui interpellent assureurs et régulateurs. «Soyons réalistes et pragmatiques», souligne d'emblée Mohamed Hassan Bensalah, président de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR), dans son discours d'ouverture. «Ces risques, ajoute-t-il, nous mettent dans une posture aussi délicate que stratégique». Les assureurs sont donc appelés à se dépasser et faire preuve d'anticipation pour offrir des solutions de couverture «sans pour autant mettre en péril leur solvabilité», préconise Bensalah. La question qui se pose dès lors est comment construire des modèles pour ces risques en l'absence de données historiques ? «Repousser les limites de l'assurance ? Oui, mais à quel prix, pour que cela reste accessible au consommateur ?», s'interroge le président de la FMSAR. Au même titre que les professionnels de l'assurance, les régulateurs sont aussi en première ligne face à ces risques émergents. Hassan Boubrik, président de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), prend l'exemple des risques technologiques et de disruption pour exposer le problème. «Sans évoquer le scénario où les géants du Net se mettraient à faire de l'assurance, le développement de plateformes ou d'acteurs digitaux de bout en bout est déjà une réalité. Comment réguler l'accès de ces plateformes aux marchés locaux ? Comment assurer un cadre prudentiel et de supervision de marché garantissant une protection adéquate des assurés ?», s'interroge le régulateur marocain. «Ce sont des questions auxquelles nous nous devons tous d'apporter des réponses», souligne Boubrik. Et d'ajouter que les Etats ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des compagnies pour permettre des transferts adéquats des risques ainsi qu'une bonne couverture des populations et des opérateurs économiques. Toujours est-il que les assureurs, qui en ont vu d'autres, restent globalement confiants quant à leur capacité à repousser les limites de l'assurable. Jusque-là, l'industrie mondiale a réussi à faire preuve d'anticipation et de résilience face à ces nouveaux défis. Et cela fait plus de 400 ans que cela dure. «Tous les risques que nous assurons aujourd'hui étaient nouveaux à un moment donné», indique à ce propos Pilar Gonzalez de Fruto, présidente de l'Union espagnole des sociétés d'assurances et de réassurance. Ces défis sont aussi des opportunités, ne manque pas de rappeler Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances, dans son allocution. «Loin de constituer des obstacles, ces défis doivent être appréhendés en tant que force d'impulsion pour le secteur», souligne le ministre.
Les populations vulnérables, l'autre «frontière» Au-delà des risques émergents, il y a une autre frontière que les compagnies d'assurances se doivent d'élargir : il s'agit d'apporter une couverture adéquate à tout un pan de populations non couvertes. «Près de 40% de la population mondiale n'ont pas accès à des produits d'assurance», affirme James Kent, PDG de Willis Re. «Les compagnies d'assurances doivent abolir la frontière des populations non couvertes», indique pour sa part le président de l'ACAPS, soulignant que des pays émergents et en développement l'on fait, à l'image de l'Inde ou encore du Kenya, en s'appuyant sur la technologie. Au Maroc, les autorités viennent de se doter d'une stratégie nationale d'inclusion financière où le secteur des assurances tient une place importante. «L'accessibilité des populations vulnérables, principalement les femmes, les jeunes, les ruraux, les très petites entreprises, aux produits d'assurance et de micro-assurance est au centre des préoccupations de la stratégie nationale d'inclusion financière», a déclaré Mohamed Benchaâboun. Dans ce sens, Mohamed Hassan Bensalah a annoncé le lancement d'une étude pour cerner les besoins en assurance des couches défavorisées, afin de mettre en place des produits d'assurances appropriés pour cette frange de la population. ◆