Les prévisions de la LF 2013 sont difficilement réalisables, vu les contextes national et international. Là où le projet fait les plus grands efforts, pour assurer la cohésion sociale, est la création de plusieurs fonds : Cohésion sociale, Solidarité habitat, Spécial routier. La non proposition de l'impôt sur les grandes fortunes peut s'expliquer par le manque de courage de ce projet qui n'ose pas non plus s'attaquer à certains secteurs exonérés. Aucun effort n'a été fait pour réduire les charges de l'Etat qui vont progresser de 2,7% en 2012. L'imposition sur les hauts salaires ne gênerait pas si tous les Marocains devaient participer à l'impôt proportionnellement à leur revenu réel, mais dans la situation actuelle de la fiscalité au Maroc, c'est une décision injuste, estime Jawad Kerdoudi, le président de l'Institut Marocain des Relations Internationales. - Finances News Hebdo : Quelle lecture faites-vous du projet de la LF 2013 ? Les prévisions de ce projet vous semblent-elles réalistes ? - Jawad Kerdoudi : Les prévisions de ce projet de Loi de Finances pour 2013 me semblent très optimistes. Il sera très difficile de réaliser un taux de croissance de 4,5% sans une très bonne campagne agricole. En effet, les secteurs secondaire et tertiaire dépendent, pour une bonne part, de la conjoncture internationale, et particulièrement de l'Europe. Cette dernière, qui connaît un marasme persistant, constitue les 2/3 de nos exportations, des IDE, des transferts RME et du tourisme. De même qu'il me semble très difficile de réduire le déficit public à 4,8% du PIB, car les dépenses du Budget général vont augmenter de 2,7%, et la progression des recettes ordinaires est surestimée à 10,9%. - F. N. H. : Ce projet porte-t-il en lui les prémices d'une réelle vision politique de ce gouvernement ? - J. K. : Ce projet de budget ne constitue malheureusement pas une rupture par rapport aux budgets précédents. Il se caractérise par la continuité avec beaucoup de prorogations des mesures précédentes, et de nouvelles taxes qui ont uniquement pour but d'augmenter les recettes de l'Etat, sans aucune considération de développement économique. - F. N. H. : Quelles sont les mesures qui, selon vous, participeraient à un meilleur développement économique et à la cohésion sociale ? - J. K. : Il y a quelques mesures qui participent au développement économique. On peut citer l'IS ramené à 10% pour les PME réalisant un bénéfice inférieur à 200.000 DH, la baisse de la TVA sur l'alimentation du bétail, les exonérations fiscales concernant l'implantation des sociétés dans Casablanca Finances City, la prorogation des avantages accordés aux sociétés qui s'introduisent en Bourse ou qui opèrent des fusions ou des augmentations de capital. Sur le plan social, on peut noter l'exonération de l'indemnité de stage et de l'épargne salariale dans le cadre du plan d'épargne entreprise. Mais là où le projet fait les plus grands efforts pour assurer la cohésion sociale c'est la création de plusieurs fonds : Cohésion sociale, Solidarité habitat, Spécial routier. - F. N. H. : Aucune proposition d'imposition des grandes fortunes n'est contenue dans le projet. Comment analyser cet état de fait ? - J. K. : Justement, les Fonds de cohésion sociale, au lieu d'être alimentés par un impôt sur la fortune et sur les secteurs exonérés et informels, frappent les salariés et les entreprises transparentes. On peut expliquer ce fait par la facilité, car ces deux derniers contributeurs (les salariés et les entreprises transparentes) n'ont aucun moyen d'échapper à l'impôt. On peut également l'expliquer par le manque de courage de ce projet qui n'ose pas s'attaquer à certains secteurs exonérés et aux grandes fortunes du pays. On peut regretter enfin que le gouvernement n'ait fait aucun effort pour réduire les charges de l'Etat qui vont progresser de 2,7% en 2012, notamment la Caisse de Compensation dont le déficit va atteindre 50 milliards de dirhams. - F. N. H. : Quelle est votre appréciation de la nouvelle imposition des hauts salaires ? - J. K. : L'imposition des hauts salaires ne me générait pas si tous les Marocains participaient à l'impôt proportionnellement à leur revenu réel. En effet, on pourrait considérer que cette imposition des hauts salaires est une contrepartie des avantages qu'ils reçoivent indirectement de la Caisse de Compensation. Cependant, dans la situation actuelle de la fiscalité au Maroc, c'est une décision injuste. Propos recueillis par S. Es-Siari