* Dans un contexte marqué par l'incertitude, l'objectif de créer 18.802 postes d'emplois semble irréalisable. * Le projet de Loi de Finances 2011 pourrait être considéré comme innovant dans la mesure où il a été préconisé de réduire les droits de douane au taux minimum de 2,5% pour les équipements et matériels importés par ce secteur. * Les mesures fiscales relatives à la lutte contre l'informel sont nécessaires, mais pas suffisantes. *J. Kerdoudi, président de l'Institut Marocain des Relations Internationales, livre son point de vue. - Finances News Hebdo : Dans un contexte marqué par l'incertitude et où la crise continue de planer sur notre partenaire, l'UE, les objectifs arrêtés dans le projet de la Loi de Finances 2011, à savoir la création de 18.802 postes d'emplois, un taux de croissance de 5%, un taux d'inflation de 2% et un budget de 3,5%, sont-ils réalisables ? - Jawad Kerdoudi : Je commencerai par le plus important : le taux de croissance. L'économie marocaine peut réaliser un taux de croissance de 5% (qui a déjà été réalisé en 2009), si la campagne agricole est bonne, si l'économie européenne se redresse, et si enfin le prix du pétrole n'excède pas le niveau de 75 $ la baril pris en compte par le projet de Loi de Finances. Quant au taux d'inflation, il sera entre 2% et 3%, car je ne prévois pas de tendances inflationnistes importantes. Pour ce qui est du déficit de 3,5%, (il a été de 4% en 2010), et il me semble difficile de le réduire d'un demi-point en 2011. Quant à la création de 18.802 postes d'emplois nouveaux, elle ne me paraît pas adéquate dans la conjoncture actuelle, marquée comme vous l'avez dit par l'incertitude et les effets de la crise qui ne sont pas encore résorbés. Sans être dans la situation du Royaume-Uni, je rappelle que le gouvernement britannique a prévu la suppression de 500.000 emplois dans la fonction publique d'ici quatre ans. - F.N.H. : Globalement, quelle appréciation faites-vous du projet de Loi de Finances 2011. Est-ce qu'il s'inscrit dans la même lignée que les précédentes Lois de Finances ? - J. K. : Il prolonge en effet les Lois de Finances précédentes en ce qui concerne le maintien des équilibres économiques, la consolidation des acquis et le renforcement du volet social. - F.N.H. : Ne pensez-vous pas que le projet de LF 2011 englobe toujours les mêmes mesures fiscales et manque de mesures innovantes à même d'accompagner les chantiers initiés par le Souverain, tels que le soutien de la famille, le développement des énergies renouvelables ? - J. K. : Il y a quand même de nombreuses innovations dans le projet de Loi de Finances 2011. Je citerai, entre autres, la baisse de l'IS de 30% à 15% pour les petites entreprises qui font un chiffre d'affaires de moins de 2 millions de dirhams. Les autres mesures nouvelles sont les plans d'épargne (actions, logement, éducation) qui vont stimuler l'épargne longue. Ainsi que la réduction de 30 à 15% des taux d'imposition pour les revenus des capitaux mobiliers de source étrangère, ceci afin d'encourager les investissements étrangers en portefeuille. Enfin, pour ce qui est des énergies renouvelables, il est prévu de réduire les droits de douane au taux minimum de 2,5% pour les équipements et matériels importés par ce secteur. - F.N.H. : En tant que président de l'Institut Marocain des Relations Internationales, que pensez de l'augmentation du fonds de 30 à 100 MDH pour propulser l'investissement dans le continent africain ? - J. K. : L'Afrique est déjà en 2010 un marché immense d'un milliard de consommateurs. Elle a connu cette dernière décennie des taux de croissance élevés, et sa démographie augmente de 2,3% par an. De plus, le Maroc a toujours maintenu des relations étroites avec ce continent pour des raisons à la fois historiques et géographiques. Aussi, on ne peut qu'accueillir avec satisfaction la mesure préconisée par le projet de Loi de Finances 2011 de porter à 100 millions de dirhams le plafond d'investissements opérés par une entreprise marocaine en Afrique, sans autorisation de l'Office des changes. J'aurais souhaité également un fonds de promotion des exportations vers l'Afrique, pour couvrir une partie des frais de prospection et de transport qui sont trop élevés pour les PME marocaines. - F.N.H. : Le projet de Loi de Finances 2011 prévoit des mesures fiscales relatives à l'élargissement de l'assiette fiscale en vue de contrecarrer le fléau de l'informel. Est-ce que, d'après-vous, ces mesures sont suffisantes pour lutter contre la fraude fiscale ? - J. K. : Le problème de l'informel dans notre pays est très lourd. Il n'y a pas de statistiques officielles, mais certaines études parlent de 30 à 40% du PIB national qui sont réalisés par le secteur informel. La mesure qui vise à porter à 15% au lieu de 30% l'IS pour les entreprises qui font un chiffre d'affaires de moins de 2 millions de DH est une première avancée, mais elle n'est pas suffisante. Je pense qu'en plus de la réduction de l'IS, il faut aussi réduire les prélèvements de la CNSS qui sont en moyenne de 27% sur les salaires, et qui sont trop élevés pour les PME. Une autre suggestion pour toucher le plus grand nombre de PME est d'établir un taux d'IS progressif (15, 20 et 25%) selon le chiffre d'affaires. Quant à l'assiette fiscale, outre l'informel, il faut intégrer dans le champ d'imposition des secteurs totalement exonérés, comme l'agriculture par exemple, et faire la chasse aux niches fiscales.