Après deux ans et demi d'activité, le CRI du Grand Casablanca a pu simplifier l'acte d'investir. Les efforts accomplis par cet établissement sont reconnus par des instances à l'échelle internationale. Mais, cela ne devra pas occulter le fait que l'acte d'investir demeure entravé par des problèmes liés au financement et à la disponibilité du foncier. Tour d'horizon avec Mouâad Jamaï, directeur du Centre Régional d'Investissement de Casablanca. Finances News Hebdo : Pendant longtemps, on a qualifié l'acte d'investir de parcours du combattant, que pouvez-vous nous dire aujourd'hui ? Mouâad Jamaï : C'est vrai qu'il y a plusieurs expressions qui collent à l'investissement, telles que parcours de combattant, titan, difficultés, entraves... Moi je dirai que s'il n'y avait pas ces quelques difficultés, tout le monde serait investisseur. Personnellement, je qualifie un investisseur comme quelqu'un qui a cette faculté de pouvoir décomposer le problème pour pouvoir le résoudre. Mais, il faut que ces difficultés soient relatives et il faut les comparer à celles liées à d'autres environnements afin qu'elles ne soient ni supérieures, ni spécifiques au Maroc par rapport à ce qu'on peut trouver dans les pays développés. Donc, à mon avis, ce sera toujours un parcours difficile, mais pas de combattant, et notre rôle est de pouvoir le simplifier, d'être à l'écoute de ce qui se passe de par le monde en vue d'être à la page. Mais encore faut-il reconnaître que les problèmes ne font que se déplacer. Nous avions un problème de simplification de créations d'entreprises, aujourd'hui cest celui de la mise à niveau. Donc, chaque fois, il y a de nouveaux problèmes qui surgissent et auxquels nous devrons faire face. Aujourd'hui, le marché est de plus en plus globalisé et nous sommes obligés d'offrir, en terme de prestations, ce qui est offert communément dans l'ensemble des pays qui nous ressemblent. F. N. H. : Quelles sont les difficultés auxquelles se heurte un CRI dans l'accomplissement de sa mission ? M. J. : Il est vrai que les CRI ont fait beaucoup de choses, mais je vous le rappelle, ce sont des organismes extrêmement jeunes et qui ont moins de trois ans. Mais, en trois ans, que de chemin parcouru ! Aujourd'hui, il est préférable de mettre le travail du CRI dans son contexte : c'est une aide régionale, mais c'est aussi une aide de tout ce qui est déconcentré, décentralisé. On ne peut pas parler du CRI tout seul sans évoquer la déconcentration et la décentralisation, lesquelles avaient commencé à un rythme assez rapide avant, malheureusement, de connaître un ralentissement, voire un retour en arrière. Donc, on ne peut pas prendre le CRI et le juger tout seul sans le mettre dans son contexte juridique et national. La création d'entreprises, qui était déjà décentralisée dans le passé, est aujourd'hui complètement banalisée. Il y a actuellement une reconnaissance mondiale du travail accompli par le CRI; sinon, pour le reste, notamment l'accompagnement de l'investisseur, c'est un peu plus lent parce que le rythme de déconcentration n'a pas été aussi rapide. F. N. H. : Est-ce que vous arrivez à coordonner avec les autres organismes s'occupant de l'investissement, notamment la Direction des Investissements Extérieurs ? M. J. : Bien sûr. Tout le monde en fait se pose la question quant à la multiplicité des intervenants. Sachez que la Direction des Investissements Extérieurs, qui a rendu de très grands services dans le passé, continue à le faire. Sauf que maintenant son action est d'ordre national. Il s'agit de projets dont le montant dépasse 200 MDH. Ce sont des projets extrêmement importants qui génèrent un chiffre d'affaires et des opportunités demploi énormes. Il s'agit aussi de projets horizontaux qui sont multi-régions.Cette direction s'occupe aussi de la promotion du Maroc à l'échelle internationale. Lorsqu'il s'agit d'une convention qui dépasse 200 MDH, le projet se fait en parfaite concertation avec le CRI concerné. Donc, je dirai qu'il y a une coordination très fine entre le CRI et la Direction des Investissements Extérieurs. F. N. H. : Certains franchisés se plaignent encore de la lourdeur administrative et estiment qu'il n'existe pas de démarches spécifiques à leur égard. Que pouvez-vous nous dire là-dessus? M. J. : Imaginez si à chaque frange du commerce nous avions à faire des produits spécifiques ! Cela serait impossible. C'est vrai que les franchiseurs ont des demandes spécifiques. Donc, il faut qu'il y ait un traitement particulier pour ces demandes. Ce que je peux dire, c'est qu'à notre niveau il ny a pas eu de difficultés auxquelles nous navons pu faire face. F. N. H. : Quelles sont, selon vous, les entraves auxquelles se heurte aujourd'hui l'investisseur? M. J. : D'une façon générale, je pense que l'accès au foncier dans certaines villes comme Casablanca est aujourd'hui un grand problème. Parce qu'il faut avouer que nous navons pas d'assiette foncière confortable qui puisse répondre à toutes les demandes. L'assiette foncière qui appartient à l'État est de plus en plus limitée. Le second problème est celui du financement : les banques regorgent d'argent, mais les projets bancables munis d'un business plan et de ratios ne donnent pas lieu souvent à des réussites. Donc, malgré cet argent qui dort dans les banques, on n'a pas suffisamment de projets qui arrivent à mobiliser cette manne. Comparées à d'autres pays, les aides de l'État ne sont pas suffisamment variées. La mise à niveau au Maroc connaît quelques difficultés; d'où la nécessité de simplifier les formules de mise à niveau et étudier quelles sont les meilleures sociétés et les meilleurs critères d'octroi de ces aides. Je pense qu'aujourd'hui au Maroc, il y a des domaines qui méritent une attention particulière. F. N. H. : Quelles sont les prévisions du CRI de Casablanca pour l'exercice 2005 ? M. J. : Nous sommes sur un rythme de croissance. Certains secteurs comme celui du textile méritent une attention particulière. Nous sommes en train de réfléchir à des domaines de substitution. Nous menons des études stratégiques sur la région pour choisir les secteurs qui vont employer le maximum de personnes (automobile, aéronautique, technologies de l'information, immobilier...). F. N. H. : En parlant d'immobilier, la profession se plaint de l'absence d'un schéma-directeur pour la ville de Casablanca. En quoi cette absence vous gêne au niveau du CRI ? M. J. : Vous dire non serait hypocrite. Il est certain que j'aurais aimé tirer profit des conditions d'un schéma-directeur. Aujourd'hui, l'Agence Urbaine de Casablanca est en train de mener sa réflexion. Les travaux sur un schéma-directeur ont commencé, malheureusement, ils vont durer un certain nombre de mois. En attendant, nous sommes amenés à nous réunir très souvent autour des commissions de dérogation en vue de répondre à certains projets par dérogation et ne pas bloquer la machine. L'absence, depuis deux ans, d'un schéma-directeur actualisé a pénalisé l'avancée de la ville de façon normale, et nous essayons, par le biais de ces artifices que nous venons de détailler, de ne pas trop pénaliser la place.