- Le risque de guerre commerciale a gâché la fin de semaine - Les premiers pas publics de Powell accueillis sans panique - Livre beige et réunion de la BCE au menu des prochains jours - Les incertitudes politiques compliquent la tâche de Draghi
Par Marc Angrand
PARIS, 2 mars (Reuters) - Annoncée comme délicate pour des marchés devenus hypersensibles à toute surprise concernant l'inflation et les taux d'intérêt, la semaine semblait encore jeudi devoir s'achever sans incident majeur. C'était compter sans Donald Trump, qui a choisi de réveiller le spectre de la guerre commerciale en annonçant vouloir taxer les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis.
Sans même attendre la réplique des partenaires asiatiques et européens de Washington, les investisseurs ont tiré la sonnette d'alarme : Wall Street a fini la séance en baisse de plus de 1% et se dirigeait vers un bilan hebdomadaire négatif après deux semaines de rebond.
Même bilan à Tokyo, qui perd 3,25% sur la semaine, et en Europe, où le Stoxx 600 s'achemine vers un recul de plus de 3% sur la semaine.
Même s'il est encore trop tôt pour affirmer que la guerre commerciale aura lieu, la menace est tangible. Avec plusieurs conséquences possibles, explique Oxford Economics : certains pays, comme la Chine, pourraient opter pour des mesures de rétorsion ciblées mais au-delà, «d'autres économies, craignant un afflux d'importations d'acier et d'aluminium sur leur marché pourraient aussi décider de dresser des barrières commerciales, alimentant une montée globale du protectionnisme».
Et cette escalade pourrait coûter cher à la croissance mondiale : selon Oxford Economics, dans un scénario conjuguant une sortie des Etats-Unis de l'Alena avec des droits de 25% sur les importations chinoises et de 10% sur celles venant de Corée du Sud et de Taiwan, la croissance mondiale serait ramenée de 3,2% cette année à 2,5% l'an prochain, un ralentissement qui frapperait en premier lieu les Etats-Unis.
Pas de changement en vue pour la BCE dans l'immédiat
Le risque commercial pourrait donc bien venir compliquer un peu plus l'équation déjà délicate des politiques monétaires aux Etats-Unis et dans la zone euro.
Jerome Powell ne s'y attendait sans doute pas mardi et jeudi lors de ses auditions au Congrès, lorsqu'il a mis en avant le dynamisme de l'économie américaine, un discours qui a relancé les spéculations sur la probabilité de quatre hausses de taux cette année, contre trois attendues jusqu'alors.
Le «livre beige» que la Fed publiera mercredi devrait confirmer le diagnostic du nouveau président de l'institution, deux jours avant le rapport mensuel sur l'emploi. Mais la réunion du Federal Open Market Committee (FOMC), les 20 et 21 mars, pourra difficilement s'abstenir de prendre en compte les tensions commerciales et leurs implications économiques si elles se confirment d'ici là.
Le constat est le même pour la Banque centrale européenne (BCE) mais à plus brève échéance puisque le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) se réunit dès jeudi prochain.
Il est peu probable qu'il décide dès maintenant d'un changement d'orientation de la politique monétaire mais les discussions devraient porter sur la modification de la communication de la BCE, prélude à la normalisation, ont expliqué plusieurs sources à Reuters.
Mario Draghi et ses collègues pourraient choisir d'attendre d'y voir plus clair sur les deux grands dossiers chauds du front politique européen: la mise en oeuvre de l'accord de gouvernement en Allemagne, soumise au verdict des adhérents du Parti social-démocrate (SPD) et l'issue des législatives italiennes de dimanche, avec la possible arrivée au pouvoir d'une coalition inédite rassemblant droite classique et droite populiste.
Le dollar est la volatilité à la hausse
«Une majorité gouvernementale en Italie pourrait venir valider notre optimisme vis-à-vis des actifs risqués de la région (et italiens en particulier)», explique Lyxor Cross Asset Research. «A l'inverse, un rejet inattendu de la coalition en Allemagne pourrait raviver les craintes de l'extrême droite, susciter une résurgence de l'aversion au risque dans la zone, faire souffrir l'euro et bénéficier aux obligations souveraines les plus sûres».
Au vu des derniers indicateurs, la BCE n'a de toute façon pas de raison évidente de presser le pas vers le resserrement de sa politique: l'inflation dans la zone euro a légèrement ralenti en février selon la première estimation d'Eurostat, à 1,2% en rythme annuel et si les indices PMI manufacturier ont un peu reculé, la dynamique de croissance reste intacte.
Aux Etats-Unis, au contraire, l'indice des prix "core PCE", le baromètre de l'inflation le plus surveillé par la Fed, a augmenté de 0,3% en janvier, sa plus forte hausse depuis un an.
Un nouvel élément soulignant la divergence croissante entre les trajectoires monétaires aux Etats-Unis et dans la zone euro, avec un impact fort pour les marchés: l'écart de rendement à deux ans entre les Treasuries et le Bund allemand dépasse désormais 280 points de base, son plus haut niveau depuis plus de 20 ans, alors qu'il était inférieur à 200 points il y a à peine plus de six mois.
Cette évolution a profité au dollar, qui affiche sur la semaine une progression de 0,1% face à un panier de devises de référence, amplifiant le rebond entamé la semaine précédente en dépit des craintes générées par le projet de Donald Trump sur l'acier. Mais la remontée la plus marquante des derniers jours est celle la volatilité, trop vite oubliée après la correction du début février: l'indice Vix est remonté en trois jours de moins de 16 à plus de 25, retrouvant son niveau de la mi-février.
«A court comme à moyen terme, il serait bon pour les investisseurs que cette mesure de la volatilité s'installe dans une fourchette un peu inférieure au niveau actuel mais supérieur à celui qui a prévalu en 2017; 15 à 20, par exemple», estimait jeudi Mohamed El Erian, le conseiller économique en chef d'Allianz.
Un vœu exprimé quelques heures avant que Donald Trump ne dégaine l'arme des droits de douane. Pas sûr qu'il soit exaucé de sitôt.