- Un Maroc sans cash ? Pas si vite... - Paiement sans contact, paiement mobile, etc. : les possibilités sont désormais infinies.
Au Maroc, l'industrie des paiements est arrivée à un point de basculement, passant du paiement en espèces à celui électronique et digital. Toutefois, du travail reste à faire pour modifier l'état d'esprit en faveur du cash, qui est encore largement dominant. Mais la volonté est bien présente, et l'on peut désormais parler d'un début de révolution. Pour Agni Mohanish, Directeur général Acceptance Mena-Visa International, qui modérait la 6e édition du Forum du paiement électronique en Afrique consacrée au Digital banking et à la Fintech, «l'objectif de l'ubérisation des services de paiement est de permettre au client de payer n'importe où et n'importe quand. Le but est d'arriver à terme à une économie “cashless”». Le mouvement vers une société sans cash est en marche. Ce n'est plus qu'une question de temps. La Suède, l'Inde ou encore la Chine sont les pays les plus avancés dans ce processus de suppression de l'utilisation de l'argent liquide. Là-bas, l'on ne peut même plus acheter un billet de train en espèces ! Les entreprises et les commerçants sont devenus plus nombreux à refuser les paiements en espèces. Dans certaines villes, les guichets des banques ont décidé, d'un commun accord, de ne plus distribuer de cash. «Pour certains pays, une société sans argent cash est un objectif politique. Le Danemark et la Suède ont autorisé les commerçants à ne plus accepter les pièces de monnaie et les billets. En Inde, le gouvernement a lancé un plan massif pour le paiement sans contact. Cette transformation annoncée du commerce est en route», explique Mickael Naciri, Directeur général du Centre monétique interbancaire. «Mais cette transition vers le digital ne peut se faire au Maroc sans la volonté du gouvernement, à travers notamment des formes d'incitations ou autres», fait-il remarquer.
“Cashless society”, oui ! Mais pourquoi ?
Pour des raisons de coût d'abord : entre l'impression des billets, l'alimentation, la sécurisation et l'entretien des distributeurs, la facture peut s'avérer lourde. «Aujourd'hui, le coût du cash, entre l'impression des billets et leur distribution, est estimé à 0,8% du PIB au Maroc. Au niveau mondial, ce chiffre est de 1,5%… C'est l'une des grandes préoccupations de presque tout le monde», soutient Faissal Khdiri, General manager M2M Group EMEA & administrateur NAPS Maroc. Et de poursuivre : «Le cash est le mauvais cholestérol d'une économie, puisqu'il constitue un canal potentiel de financement du terrorisme ou de fraude fiscale…».
Des niches à capter
L'autre enjeu du paiement digital est la captation par le système bancaire d'une plus grande partie de liquidités, puisque 72% des Marocains ne recourent pas au crédit bancaire. Comme l'a mentionné M'hamed El Moussaoui, membre du Directoire d'Al Barid Bank, «le modèle bancaire marocain actuel ne répond pas à la demande d'une partie de la population, qui a de l'argent et n'a nullement besoin de crédit. L'arrivée des établissements de paiement permettra le recrutement de cette niche, qui a besoin d'un compte de paiement fiable et fluide». D'un autre côté, les changements concernent également l'exploitation des «datas clients (datas analytics)», sur lesquels travaille le Centre monétique interbancaire. «Nous fournissons des données et une analyse sécurisée à nos clients, pour qu'ils puissent en extraire des connaissances à partir des transactions dans le but de mieux cibler leurs offres», indique Naciri. De même, le Centre monétique développe aussi le Cash back at Pos, le Top-up, la tokenization (processus par lequel on substitue des données bancaires –numéro de cartes, …- par des données jetables appelées «jeton») et d'autres services à valeur ajoutée pour améliorer l'expérience client. En définitive, même s'il est plus lent qu'ailleurs, le basculement vers ces nouveaux moyens de paiement entièrement numériques est inévitable. Le potentiel est important au Maroc, quand on voit que sur 1,8 million de commerces patentés au Maroc, seuls 48.000 acceptent le e-paiement. C'est dire que nous sommes encore très loin d'une société sans cash ! ■
Le Maroc, un marché restreint «Le Maroc est un petit pays par rapport à la Chine ou à l'Inde. On peut le situer à la dimension d'une ville en Inde. C'est un petit marché et je ne sais pas s'il y aura de la place pour tous les entrants. Mais c'est un gâteau qui grandit», note Naciri. Et d'ajouter que «le 25 décembre dernier (jour de Noêl : ndlr), la France a effectué 50 millions de transactions e-commerce en un jour. Ce chiffre, nous l'avons enregistré en une année». Et M'hamed El Moussaoui de répliquer : «Barid Bank ne souhaite pas partager le gâteau. Son ambition est d'être complémentaire à ce nouveau système en élargissant l'acceptation du paiement électronique au Maroc».
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