Pour les férus de technologie, vous avez peut-être déjà entendu parler de M-Pesa. Lancée au Kenya par l'opérateur télécoms Safaricom, cette application qui permet le transfert d'argent entre particuliers via mobile. Utilisée par 70% de la population au Kenya, la plateforme avait la volonté de résoudre l'un des problèmes majeurs du pays et de l'Afrique plus largement : l'exclusion bancaire. Pourtant, le Kenya reste l'un des bons élèves à l'échelle continentale, avec un taux de bancarisation de 42%. Ce qui représenterait un obstacle de taille à l'essor économique du pays, limitant la mobilisation de l'épargne ainsi que le financement de l'activité économique. Après son lancement officiel en 2007, M-Pesa capta rapidement une part significative du marché des transferts d'argent au Kenya. Aujourd'hui, le service compte plus de 18 millions d'utilisateurs qui effectuent près de 8 millions de transactions par jour. Aujurd'hui, 40% du PIB kenyan passe par le mobile. C'est ce genre de success story que le Maroc tente de concrétiser. La Banque centrale a entrepris, il y a quelques années, en collaboration avec l'ANRT, les banques et les opérateurs de télécommunication, un chantier pour la mise en place à large échelle du paiement mobile. Selon les études de Bank Al-Maghrib, la solution du paiement mobile pourrait capter 400 MMDH (soit 60 MMDH sur 5 ans), ce qui permettra aux opérateurs qui offrent cette solution, un gain conséquent en matière de gestion du cash et en réduction des risques opérationnels. Le nouveau système, lorsqu'il montera en puissance, apportera plus de sécurité et fera baisser les coûts de la manipulation du cash, sans compter la rapidité. En effet, «le coût du cash au Maroc dépasse les 7 MMDH par an», souligne Mikael Naciri, directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI). Pour lui, comme pour le patron de CIH Bank, Ahmed Rahhou, «l'ennemi commun est le cash». Pourtant malgré un taux de bancarisation des plus élevés en Afrique (plus de 70%), le Marocain adore le cash. Rien qu'en 2016, le nombre annuel moyen de billets en circulation, pour sa part, s'est élevé à 1,4 milliard de coupures, en hausse de 5% par rapport à l'année d'avant. Ce qui prouve qu'il reste une importante marge à explorer, même si le paiement électronique connaît une nette progression. Avec, l'émergence du smartphone au Maroc (plus de 41 millions de Marocains en possèdent un), le paiement mobile pourrait connaître une réelle impulsion dès sa mise en place. «Nous travaillons également sur des solutions destinées aux mobiles. Les transactions via SMS pourraient bientôt voir le jour», souligne Rahhou. Contrairement à d'autres solutions lancées auparavant, dans d'autres pays à travers le monde, le système sera interopérable dès son lancement, ce qui devrait lui garantir une compatibilité accrue ainsi qu'une adoption rapide. En effet, pour réussir à adresser efficacement ces enjeux, les institutions concernées conçoivent les conditions et prérequis fonctionnels et réglementaires pour accélérer l'émergence et l'adoption de solutions de paiement via le téléphone mobile. Une plateforme nationale, interopérable est d'ailleurs toujours en cours de préparation. Le m-paiement est considéré comme une des innovations disruptives de cette dernière décennie qui a le potentiel de dépasser les freins que des modes de paiements plus classiques connaissent et surtout de les compléter sur certains types de transactions. Aujourd'hui, après le lancement de Bpay par la Banque centrale populaire, CIH Bank a tenu jeudi dernier une conférence pour parler du portefeuille électronique, via le lancement du WEPAY. Alors comment ça marche ? Concrètement, vous allez par exemple chez votre commerçant, si celui-ci fait partie de l'écosystème, vous pouvez effectuer votre paiement en entrant son numéro de téléphone et régler avec votre Wallet (portefeuille électronique). Le commerçant reçoit une notification du paiement et vous pouvez donc repartir avec vos achats. L'identifiant utilisateur retenu pour authentifier les transactions sur la plateforme est le numéro de téléphone car simple à retenir pour le consommateur. Si un utilisateur souhaite faire un virement, il n'aura qu'à utiliser un numéro de téléphone pour effectuer cette transaction. Autre fonctionnalité intéressante, en disposant d'un Wallet, l'utilisateur peut se rendre dans un commerce de proximité déjà inclus dans l'écosystème et retirer son argent quand il le souhaite. Le commerçant devient à son tour le banquier de son quartier. Pour Ahmed Rahhou, «cette nouvelle application sera une plateforme communautaire». Une communauté qui sera centrée autour des commerces de proximité pour effectuer des opérations quotidiennes du client. Ces commerçants, détenteurs d'une application WEPAY Pro, seront rémunérés par des commissions pour la prestation d'intermédiaire qu'ils exerceront. Au Maroc comme en Afrique, fini donc, les heures de voyage ou d'attente, et leur lot de mauvaises rencontres, pour retirer ou déposer des espèces au guichet : l'argent mobile a changé la vie de nombreux consommateurs. Le compte Wallet fonctionne comme des cartes bancaires virtuelles. C'est ce numéro de carte virtuelle qui permettra le routage des opérations, leur autorisation, leur compensation puis le versement et le règlement. Comme le chèque, la carte où le cash, le Wallet deviendra un moyen de paiement à part entière. Ce portefeuille électronique permettra une praticité pour la réalisation des opérations de transfert d'argent entre particuliers, paiements de factures (eau, électricité, téléphone...), recharges téléphoniques ou Jawaz et aussi des retraits d'argents via les GAB traditionnels. Aussi, les dates de valeur n'auraient plus d'existence. L'interopérabilité entre les différentes banques n'est pas encore disponible. «Les tests avec certaines banques ont déjà commencé. Elle pourrait être opérationnelle dès cet été», déclare Rahhou. Entretemps, les clients WEPAY devront se contenter de transférer l'argent entre eux. La solution pourrait être également utilisée à l'étranger -à partir du mois de septembre ou octobre-, où l'adhérent pourra gérer ses transactions à hauteur de la dotation prévue par la loi. Des versions en arabe et en berbère seront prochainement disponibles. Le réseau d'acceptation est très limité actuellement. Mais la priorité pour ces établissements bancaires est de l'agrandir en incluant les commerces de proximité ainsi que des prestataires tels que Casa Transport, l'ONCF, la Cnops, la CNSS...L'on parle aujourd'hui d'à peu près 40.000 commerçants disposant de TPE (dont 20.000 sont des terminaux sans contact. Ceux-ci se disent prêts à adopter ce mode de paiement au lancement. Ce chiffre pourrait doubler durant les 3 prochaines années, selon les estimations de Bank Al-Maghrib.