Les Crédits bancaires font de l'ombre aux autres moyens de financement. Le développement de la compétitivité passe aussi par le développement du marché financier. Le marché marocain a atteint un stade de développement qui le fait entrer dans un deuxième club, comme cela a été évoqué par Anass Alami, Directeur général de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), et Saïd Ibrahimi, Directeur général de Morocco Financial Board (MFB), dans leur présentation lors des «Intégrales de la finance». A ce stade, la compétitivité et l'efficience sont les facteurs clés de la sophistication du marché financier et, par la suite, pour agrandir sa taille. C'est dire que c'est le moment opportun pour bâtir en toute sagesse une intermédiation réussie. «Après la crise, on commence à avoir un rejet parfois de tout ce qui est dérivés, titrisation et notation», déplore Hamid Tawfiki, Directeur général de CDG Capital. Ce qui serait intéressant, c'est de prendre un peu de temps pour réfléchir à la façon d'utiliser d'une manière assez sécurisée certains produits très importants pour le développement du marché financier. «Ce développement représente un élément très important dans la compétitivité de notre marché financier, mais cela commence par l'institutionnalisation d'un développement durable», affirme Hamid Tawfiki. Le marché marocain, comme tout marché financier, a suivi une trajectoire classique de développement qui est en phase avec la croissance de l'économie. En fait, la première étape commence par la construction des fondations essentielles pour réaliser la collecte de l'épargne et octroyer des crédits aux acteurs économiques ; c'est ce qu'on appelle le marché de banques. L'innovation à ce niveau est presque inexistante. Plus l'économie d'un pays se développe, plus ses besoins en financement augmentent; les investissements publics dans ce cas-là sont les garants de la croissance. Par la suite, le financement de l'économie par l'Etat s'estompe et la capacité de financement des banques est saturée. Ainsi, pour régler ce problème, d'autres alternatives de financements apparaissent, notamment la Bourse, la dette privée et la titrisation. Dans cette phase, les institutionnels, via l'émission de produits d'investissement, collectent l'épargne pour l'investir en Bourse, le marché financier devenant ainsi un marché de titres. Dans cette phase, l'innovation est souvent importée, parfois imposée. Le Maroc est aujourd'hui en plein dans cette phase. La troisième phase est celle des marchés matures où les échanges et la circulation des titres et la liquidité des marchés nécessitent indéniablement la maîtrise de la gestion des risques. Le marché financier devient un centre de diffusion et de transmission des risques et pas seulement d'échange de titres. Ici, l'innovation émane des besoins réels des intervenants. Cette étape est souvent caractérisée par l'apparition d'une re-réglementation qui oriente les acteurs plutôt que le marché lui-même : les risques sont ainsi au cœur du cadre réglementaire. Les innovations réglementaires faciliteraient l'allocation des risques entre les agents économiques. Le partage des risques améliorerait le fonctionnement du système financier. Ainsi, cette gestion des risques permettrait le financement de projets à haut rendement, qui sont également des projets risqués, tout en permettant aux investisseurs de mieux gérer leur portefeuille d'actifs. Outre le partage des risques qui s'opère plus facilement, les innovations financières contribueraient, théoriquement, à l'efficience des marchés. Cela passe par une diminution des coûts de transaction, une meilleure liquidité des marchés, des incitations à la collecte et à la diffusion d'informations. Par conséquent, le Maroc est dans la phase qui nécessite une réflexion sur les compartiments et les actions à mettre en place pour développer le marché des capitaux. Pour ce faire, il faut voir comment se comporte le Maroc dans sa structure de financement, en comparaison avec les autres pays : 37% du financement proviennent des crédits bancaires, alors qu'aux Etats Unis seulement 10% de l'économie sont financés par les banques et pour l'Europe environ 28%. Par contre, la part des crédits titrisés est très importante aux Etats-Unis et un peu moins en Europe. Donc, cette diversification des outils de financement reflète le niveau de développement des marchés financiers. Au début, l'économie est financée par les crédits, mais très vite on atteint les limites et c'est là que l'innovation intervient à travers les autres instruments tels que le financement par la Bourse, les émissions obligataires, la titrisation et tous les autres véhicules dédiés au financement des structures en croissance ou les projets d'infrastructure. L'économie marocaine a connu un fort développement ces dernières années. Le développement du marché des capitaux, à travers une réflexion par compartiments et une série d'actions à entreprendre, tout en tirant des leçons de ce qui s'est passé dans les autres économies développées, devrait aider à asseoir cette dynamique.