■ Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche pour assurer la paix sociale dans le pays. ■ L'UMT va signer en partenariat avec la CGEM, un document sur les mécanismes de prévention des conflits collectifs et le mode de leur résolution par l'intermédiaire de la médiation. ■ Selon Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'Union Marocaine du Travail (UMT), les investissements étrangers sont les bienvenus, mais pas au détriment des droits des employés. ✔ Finances News Hebdo : Le Maroc a vécu en 2011 des mouvements sociaux qui ont touché le secteur privé. Des grèves qui ont parfois paralysé l'activité de l'entreprise comme c'est le cas du port de Tanger Med. Tout d'abord, quelle analyse en faites-vous ? ✔ Miloudi Moukharik : Ce qui importe réellement, ce ne sont pas les mouvements de grève, mais les causes qui les ont provoqués, les analyser et trouver des solutions pour y remédier. D'après le ministre du Travail et les services concernés, 63% des mouvements de grèves du dernier semestre de l'année 2011 avaient pour cause l'inapplication des lois sociales, du code du travail ainsi que le non-respect des conventions et protocoles conclus. Voilà la réalité crue qui a provoqué les différents mouvements. Dans le cas de la grève au sein de Tanger Med qui a duré un mois et quelque, les travailleurs n'en ont été ni la cause ni les instigateurs. Au contraire, ils ont été les victimes de ce mouvement. Il s'agit dans ce cas d'une multinationale qui est censée respecter les lois sociales, sachant qu'elle est astreinte aux principes directeurs de l'OCDE, parmi lesquels le respect du droit de l'association, qui est le respect des salariés à s'organiser collectivement en syndicat, et l'obligation de négocier avec les partenaires sociaux. Toutefois, dès la constitution d'un bureau syndical UMT, nos délégués ont été purement et simplement licenciés pour avoir exercé un droit constitutionnel qui est le droit syndical. Par la suite, les travailleurs ont procédé à des doléances pacifiques auprès de la Direction pour demander la réinsertion de leurs camarades licenciés ; toutefois, la direction a répondu par la fermeture et la délocalisation vers les ports de Tanger. On a trop défiguré cette action de Tanger qui a été mal médiatisée. En tous les cas, l'UMT, par la voix de son secrétaire général, a fait appel à toutes les bonnes volontés, y compris les autorités portuaires et locales ainsi qu'à une délégation de haut niveau de Casablanca de la centrale de l'UMT, pour se réunir autour d'une table de négociation, ce qui a permis d'établir un protocole d'accord. ✔ F. N. H. : Ne croyez-vous pas que les mouvements sociaux qu'a connus le Maroc pourraient décourager les investisseurs étrangers à venir s'installer et par conséquent mettre en péril sa compétitivité ? ✔ M. M. : S'il y a un partenaire au Maroc qui cherche à drainer et à attirer les investisseurs au Maroc, c'est bien l'UMT; ceci à travers nos réseaux de relations internationales et nos contacts avec les syndicats au niveau national et international. Pour preuve, une délégation de haut niveau présidée par moi-même a effectué une tournée à Bruxelles, au Parlement européen et à la Commission européenne ainsi qu'à Berlin auprès des investisseurs allemands. Donc, nous défendons notre économie ainsi que les investissements, mais la question est de quel investissement s'agit-il ? Il ne s'agit pas de livrer les travailleurs et les salariés pieds et poings liés à l'exploitation. C'est le cas de plusieurs entreprises qui n'assurent même pas à l'employé le minimum, à savoir le droit à l'immatriculation à la CNSS. Les chiffres parlent d'eux mêmes vu qu'il y a à peine 2 millions de salariés déclarés à la CNSS sur 5 millions. C'est ce qu'on appelle la contrebande sociale. Autre irrégularité : utiliser des salariés dans un travail précaire, à savoir rester temporaire indéfiniment ou rester intérimaire d'une façon illimitée. Dans ce pays, il y a des lois sociales et un code du travail qu'il faut respecter. ✔ F. N. H. : Comment contribuez-vous à assurer la paix sociale au sein des entreprises ? ✔ M. M. : L'UMT va signer le 24 février, en partenariat avec la CGEM, un document d'une extrême importance sur lequel nous avons travaillé et concernant les mécanismes de prévention des conflits collectifs et le mode de leurs résolutions par l'intermédiaire de la médiation. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il ne faut pas craindre les conflits sociaux qui sont des événements sociaux tout à fait normaux dans la vie d'une entreprise, mais plutôt chercher à les résoudre et les empêcher de récidiver. À cet effet, ce document permettra aux partenaires sociaux de prévoir des conflits collectifs et d'assurer la stabilité et la paix sociale dans notre pays. ✔ F. N. H. : Quelles sont les attentes de l'UMT du nouveau gouvernement et quels sont les dossiers les plus urgents auxquels ce nouveau gouvernement devra s'attaquer en premier pour garantir une paix sociale? ✔ M. M. : L'UMT a pour tradition de ne pas juger le programme ni les personnes, mais plutôt les actions qui seront entreprises en faveur du monde du travail et en faveur du salarié ainsi que des entrepreneurs. Ce que nous demandons aujourd'hui au nouveau gouvernement, c'est d'abord de faire respecter les lois sociales dans notre pays. Quant aux dossiers qui urgent, ce sont évidemment l'augmentation des salaires aussi bien dans le public, le semi-public que le privé. La revalorisation du SMIG; à cet effet nous ne sommes pas d'accord pour que cette revalorisation soit opérée en 2016, c'est inacceptable. Nous attendons également une revalorisation des pensions de retraite qui sont dérisoires, ainsi que des négociations sectorielles pour des conventions collectives sectorielles. ■ Propos recueillis par L.Boumahrou