■ L'implantation des entreprises marocaines sur les marchés africains obéit logiquement à la loi du pays d'accueil. ■ Certains risques sont dus à une méconnaissance de l'environnement juridique pour certains pays africains dont la législation est d'inspiration anglo-saxonne. ■ Youssef Lahlou, avocat stagiaire au cabinet d'avocats Lahlou Law Firm, nous apporte des éclairages sur le côté législatif des implantations en Afrique. ✔ Finances News Hebdo : Quelle est la loi qui régit les implantations des entreprises marocaines dans le marché africain ? En quoi consiste-t-elle ? ✔ Youssef Lahlou : L'implantation des entreprises marocaines dans les marchés africains, et en général dans les marchés étrangers, obéit logiquement à la loi du pays d'accueil dans lequel ladite entreprise installe sa filiale, sa succursale ou simplement son bureau de représentation, et ce en vertu du principe universellement admis de la loi du siège social (lex societatis) à travers laquelle les règles relatives à l'établissement de l'entreprise en question seront définies par le droit du pays d'accueil. La structure juridique dédiée à l'activité de l'entreprise marocaine dans un pays étranger épousera obligatoirement sa nationalité. La conséquence en sera de toute évidence l'applicabilité de l'ensemble du corpus juridique de nature impérative dudit pays, il en est ainsi par exemple du droit des sociétés, de la législation sociale, du régime fiscal et de la réglementation des changes. ✔ F. N. H. : Sur quel texte de loi faut-il se baser en cas de litige survenant au niveau d'une société marocaine ayant une filiale en Afrique ? ✔ Y. L. : Partant du principe que lorsqu'une entreprise d'origine marocaine est immatriculée dans un pays africain, les litiges auxquels elle est partie seront en principe tranchés selon la loi de ce pays. Par exemple, toute action de nature sociale intentée par un salarié de cette entreprise sera nécessairement traitée conformément au droit du travail du pays d'accueil. Néanmoins, l'entreprise pourra imposer une clause compromissoire à ses partenaires commerciaux à travers laquelle tout litige survenu à l'occasion de leur partenariat sera traité selon la procédure d'arbitrage, qu'il soit institutionnel ou ad hoc , en donnant compétence à une loi étrangère, à une convention internationale ou aux règles et usances uniformes élaborées par une chambre de commerce telle que la Chambre de Commerce Internationale. Les limites de cette dernière perspective sont relatives au fait que chaque pays reste souverain pour délimiter, au niveau de son code de procédure civile, les matières non susceptibles de faire l'objet d'un arbitrage privé, ainsi qu'au fait que l'exécution des sentences arbitrales dépend de la procédure dite d'exequatur, qui est suivi devant le juge local et conformément au droit local. ✔ F. N. H. : Comment se déclinent les étapes du processus d'implantation, juridiquement parlant ? ✔ Y. L. : Etant donné que la filiale marocaine épousera la nationalité du pays d'accueil, celle-ci devra suivre en principe les mêmes étapes du processus juridique d'implantation. Généralement, l'origine marocaine des associés ou actionnaires de ladite filiale (qu'ils soient des personnes physiques ou morales) et, le cas échéant, de ses dirigeants (gérants, administrateurs et directeurs) imposera la fourniture, au niveau du dossier d'immatriculation déposé auprès des autorités locales, de certains documents complémentaires tels que le certificat d'immatriculation de l'investisseur lorsque celui-ci est une personne morale ou les pièces d'identité des investisseurs personnes physiques ou des dirigeants. ✔ F. N. H. : De quelle manière sont imposées les filiales africaines des entreprises marocaines ? Est-ce que ces dernières tirent un avantage quelconque de l'imposition de ces pays ? ✔ Y. L. : Conformément au principe universellement admis de la territorialité de l'impôt, les filiales marocaines installées dans un pays africain seront imposés dans ce pays. A ce titre, il convient de signaler que le Maroc a signé des conventions de non-double imposition avec certains pays africains comme le Sénégal, l'Egypte, le Gabon, la Libye et les pays de l'UMA. L'avantage que pourra tirer une filiale africaine d'une entreprise marocaine n'existe que lorsque le pays d'accueil prévoit un taux d'imposition avantageux par rapport au taux applicable au Maroc, ou lorsque des abattements ou des exonérations sont prévus pour des activités données exercées dans le pays d'accueil. ✔ F. N. H. : Dans l'exercice de son activité dans un pays africain, une société marocaine peut être confrontée à un certain nombre de risques spécifiques à son activité dans le pays d'accueil, d'une part et à d'autres relatifs aux particularités juridiques, économiques et commerciales du pays d'autre part. Comment se matérialise l'ensemble de ces risques? ✔ Y. L. : Outre certains risques qui peuvent caractériser l'installation d'une entreprise dans un pays africain tels que l'instabilité politique (l'exemple récent de la Côte d'Ivoire est particulièrement édifiant), la lenteur des procédures et l'imprévisibilité des tribunaux, certains facteurs de risque sont dus à une méconnaissance de l'environnement juridique, en particulier pour certains pays africains dont la législation est d'inspiration anglo-saxonne et non pas latine comme c'est le cas du Maroc et plus généralement des anciennes colonies françaises. C'est justement pour remédier à ce type de risques qu'un important effort a été entamé par l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) créée par le Traité relatif à l'harmonisation du Droit des Affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis et révisé à Québec au Canada, le 17 octobre 2008. A ce jour, seize Etats sont membres de l'OHADA : le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la Côte d'Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée-Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Cette organisation a le mérite d'avoir élaboré des règles communes aux Etats membres à travers des «Actes Uniformes» qui touchent la plupart des matières juridiques intéressant les investisseurs étrangers. Il existe ainsi un Acte Uniforme relatif au droit commercial général, un Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d'intérêt économique, d'autres organisant le droit des sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, les procédures collectives, l'arbitrage et la comptabilité des entreprises. ■ Dossier réalisé par W. M. & I. Ben