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Entretien avec Houssaine Houssifi, expert-comptable dple, conseiller en contrat de franchise : Le franchisé est faiblement protégé
Publié dans Finances news le 22 - 06 - 2006

* Le Conseil de la concurrence n’a pas passé au crible les contrats de franchise en circulation afin de jouer le rôle de régulateur qui lui est assigné dans ce cadre.
* En l’absence de législation spécifique, les acteurs de la franchise évoluent dans un environnement fiscal incertain.
Finances News Hebo : Quelle est votre appréciation sur le développement de la franchise au Maroc ?
Hussaine Houssifi : Il faut reconnaître que la franchise se développe au Maroc de façon exponentielle. En effet, le nombre croissant de réseaux, de franchiseurs marocains et de franchisés en est la preuve. Seulement, il faut noter que le contrat de franchise se démarque essentiellement par l’existence d’un savoir-faire, traduction du terme américain «Know-How », qui est décrit comme un ensemble de connaissances empiriques qui ne peuvent être présentées avec précision de façon isolée, mais qui, lorsqu’elles sont mises en œuvre d’une façon déterminée par l’expérience, procurent à celui qui les maîtrise l’aptitude à obtenir un résultat qui, sans ces connaissances, n’aurait pas pu être atteint avec l’exactitude nécessaire à l’efficacité commerciale. Lorsqu’on étudie les structures existantes au Maroc, la présence de ce savoir-faire pratique, transmissible, non immédiatement accessible au public et non brevetable, n’est pas fréquente. On ne doit pas confondre la franchise avec d’autres formes de partenariat.
F. N. H. : Est-ce que vous pensez que la liberté contractuelle doit continuer à régner lors de la conclusion du contrat de franchise ?
H. H. : Le contrat de franchise ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière. Il s’agit d’un contrat innommé. Cette forme de partenariat obéit au droit commercial, au droit des marques, au droit de la concurrence, au droit social et au droit civil. A défaut de législation spécifique, la protection offerte au franchisé est réduite. Le contrat est régi par le principe de l’autonomie, de la volonté et de la liberté contractuelle. Dans ce cadre, le franchiseur impose souvent des obligations strictes et lourdes au franchisé. La signature du contrat de franchise et son exécution sont entourées de multiples risques. Certains s’exposent aux risques du couple franchiseur-franchisé, d’autres sont encourus exclusivement par le franchisé. Le franchiseur, proposant un système réussi, peut imposer des clauses draconiennes au franchisé qui adhère au réseau démuni de toute capacité de négociation. Ces clauses peuvent être très préjudiciables au franchisé. On se trouve donc devant un contrat d’adhésion où le franchisé ne participe pas à la détermination des clauses du contrat. L’intervention du législateur est primordiale dans la mesure où elle permettra de venir au secours de la partie la plus faible du contrat, à savoir le franchisé.
F. N. H. : Pensez-vous que l’arsenal juridique marocain présente une sécurité suffisante pour le franchisé ?
H. H. : Il faut reconnaître que le Maroc a procédé à la refonte de son arsenal juridique avec l’objectif de s’aligner sur les standards internationaux en la matière et neutraliser la variable juridique dans la localisation des investissements. Dans ce cadre, nous citons, à titre indicatif : la loi sur la liberté des prix et la concurrence, ainsi que la loi relative à la protection de la propriété industrielle.
Force est de constater que depuis sa nomination, le Conseil de la concurrence n’a pas passé au crible les contrats de franchise en circulation afin d’y identifier les clauses contraires à l’esprit de la liberté des prix et de la concurrence et de jouer le rôle de régulateur qui lui est assigné dans ce cadre. Quant à la loi sur la propriété industrielle, nous notons le retard pris pour la publication des décrets d’application et l’insuffisance des moyens mis à la disposition du gendarme de la propriété industrielle pour contrecarrer la contrefaçon.
Cependant, le contrat de franchise présente des aspects juridiques auxquels ces textes n’apportent pas de réponse. En effet, l’absence d’un texte spécifique renforce le déséquilibre dans la phase pré-contractuelle. En outre, la propriété commerciale n’est pas clairement tranchée. A qui, en effet, appartient la clientèle dans le cadre d’un contrat de franchise, au franchiseur ou au franchisé ? Le défaut de réglementation juridique est également responsable de la confusion du contrat de franchise avec d’autres types de contrats. Il s’agit notamment du contrat de société et du contrat de travail.
L’intervention du législateur est capitale dans la mesure où elle permettra de réguler et d’apporter une réponse claire aux difficultés posées par le contrat de franchise et d’éviter la multiplication des interprétations juridiques.
F. N. H. : L’absence de cadre fiscal n’affecterait-elle pas le régime fiscal du contrat de
franchise ?
H. H. : Nul ne peut ignorer que la définition juridique influence le traitement fiscal. En l’absence de législation spécifique, les acteurs de la franchise évoluent dans un environnement fiscal incertain.
A titre indicatif, en l’absence de texte traitant de la propriété commerciale, quel serait le traitement fiscal du droit d’entrée acquitté par le franchisé au moment de la conclusion du contrat ? Pendant l’exécution du contrat, le monde de la franchise est sous le coup de l’article 35 de la loi 24-86 relative à l’impôt sur les sociétés traitant du transfert indirect de bénéfices à l'étranger entre entreprises dépendantes. En fin de contrat, avec la résiliation du contrat de franchise, le franchisé tenu par une clause de non concurrence, voire de non-rétablissement, perd les deux catégories de clientèle dont il disposait. Suite à cette résiliation, le franchisé ne perçoit aucune indemnité compensatrice de la part du franchiseur. Aux yeux de l’Administration fiscale, le transfert de clientèle a été opéré à titre gratuit et donc assimilé à une libéralité. Dans ce cadre, ladite Administration fiscale est en mesure d’évaluer le résultat sur ce transfert selon la procédure de rectification prévue à cet effet.
Au vu de ce qui précède, le secteur est en mesure d’exiger une charte fiscale propre à même d’apporter des réponses fiscales claires afin de lever les confusions. Seulement, l’avènement de cette charte reste tributaire de la promulgation d’une réglementation spécifique au contrat de franchise.
F. N. H. : En l’absence de cette réglementation spécifique, quels types de risques court le franchisé marocain ?
H. H. : La franchise consiste, en principe, à réitérer une réussite. Cependant, pour en profiter et adhérer au réseau, le franchisé est entouré de maints risques. On peut citer le risque d’évasion du savoir-faire, le risque de confusion de contrat avec d’autres types de contrats, le risque de non-conformité avec la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, les risque d’inexistence ou la faiblesse du concept, les risques d’insuffisance des études de marché effectuées par le franchiseur, les risques liés à la propriété commerciale et au droit au bail.
Dans certains cas, le franchisé pourra être victime d’actes dolosifs l’amenant à contracter sur la base de fausses déclarations du franchiseur. Dans l’esprit de «prévenir vaut mieux que guérir», le franchisé est appelé à s’entourer de toutes les sécurités à même de le protéger contre toute manœuvre mettant en péril son investissement.
F. N. H. : Votre message ?
H. H. : La franchise s’avère un secteur économique porteur pour le Maroc et pourra jouer le rôle de locomotive en matière de croissance économique à l’instar d’autres pays. Il est légitime de doter la franchise de tous les outils à même d’assurer son développement dans un cadre transparent et durable.
Il est également temps de donner un coup de fouet aux institutions existantes pour qu’elles puissent jouer le rôle qui est le leur en la matière.


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