* Le Conseil de la concurrence na pas passé au crible les contrats de franchise en circulation afin de jouer le rôle de régulateur qui lui est assigné dans ce cadre. * En labsence de législation spécifique, les acteurs de la franchise évoluent dans un environnement fiscal incertain. Finances News Hebo : Quelle est votre appréciation sur le développement de la franchise au Maroc ? Hussaine Houssifi : Il faut reconnaître que la franchise se développe au Maroc de façon exponentielle. En effet, le nombre croissant de réseaux, de franchiseurs marocains et de franchisés en est la preuve. Seulement, il faut noter que le contrat de franchise se démarque essentiellement par lexistence dun savoir-faire, traduction du terme américain «Know-How », qui est décrit comme un ensemble de connaissances empiriques qui ne peuvent être présentées avec précision de façon isolée, mais qui, lorsquelles sont mises en uvre dune façon déterminée par lexpérience, procurent à celui qui les maîtrise laptitude à obtenir un résultat qui, sans ces connaissances, naurait pas pu être atteint avec lexactitude nécessaire à lefficacité commerciale. Lorsquon étudie les structures existantes au Maroc, la présence de ce savoir-faire pratique, transmissible, non immédiatement accessible au public et non brevetable, nest pas fréquente. On ne doit pas confondre la franchise avec dautres formes de partenariat. F. N. H. : Est-ce que vous pensez que la liberté contractuelle doit continuer à régner lors de la conclusion du contrat de franchise ? H. H. : Le contrat de franchise ne fait pas lobjet dune réglementation particulière. Il sagit dun contrat innommé. Cette forme de partenariat obéit au droit commercial, au droit des marques, au droit de la concurrence, au droit social et au droit civil. A défaut de législation spécifique, la protection offerte au franchisé est réduite. Le contrat est régi par le principe de lautonomie, de la volonté et de la liberté contractuelle. Dans ce cadre, le franchiseur impose souvent des obligations strictes et lourdes au franchisé. La signature du contrat de franchise et son exécution sont entourées de multiples risques. Certains sexposent aux risques du couple franchiseur-franchisé, dautres sont encourus exclusivement par le franchisé. Le franchiseur, proposant un système réussi, peut imposer des clauses draconiennes au franchisé qui adhère au réseau démuni de toute capacité de négociation. Ces clauses peuvent être très préjudiciables au franchisé. On se trouve donc devant un contrat dadhésion où le franchisé ne participe pas à la détermination des clauses du contrat. Lintervention du législateur est primordiale dans la mesure où elle permettra de venir au secours de la partie la plus faible du contrat, à savoir le franchisé. F. N. H. : Pensez-vous que larsenal juridique marocain présente une sécurité suffisante pour le franchisé ? H. H. : Il faut reconnaître que le Maroc a procédé à la refonte de son arsenal juridique avec lobjectif de saligner sur les standards internationaux en la matière et neutraliser la variable juridique dans la localisation des investissements. Dans ce cadre, nous citons, à titre indicatif : la loi sur la liberté des prix et la concurrence, ainsi que la loi relative à la protection de la propriété industrielle. Force est de constater que depuis sa nomination, le Conseil de la concurrence na pas passé au crible les contrats de franchise en circulation afin dy identifier les clauses contraires à lesprit de la liberté des prix et de la concurrence et de jouer le rôle de régulateur qui lui est assigné dans ce cadre. Quant à la loi sur la propriété industrielle, nous notons le retard pris pour la publication des décrets dapplication et linsuffisance des moyens mis à la disposition du gendarme de la propriété industrielle pour contrecarrer la contrefaçon. Cependant, le contrat de franchise présente des aspects juridiques auxquels ces textes napportent pas de réponse. En effet, labsence dun texte spécifique renforce le déséquilibre dans la phase pré-contractuelle. En outre, la propriété commerciale nest pas clairement tranchée. A qui, en effet, appartient la clientèle dans le cadre dun contrat de franchise, au franchiseur ou au franchisé ? Le défaut de réglementation juridique est également responsable de la confusion du contrat de franchise avec dautres types de contrats. Il sagit notamment du contrat de société et du contrat de travail. Lintervention du législateur est capitale dans la mesure où elle permettra de réguler et dapporter une réponse claire aux difficultés posées par le contrat de franchise et déviter la multiplication des interprétations juridiques. F. N. H. : Labsence de cadre fiscal naffecterait-elle pas le régime fiscal du contrat de franchise ? H. H. : Nul ne peut ignorer que la définition juridique influence le traitement fiscal. En labsence de législation spécifique, les acteurs de la franchise évoluent dans un environnement fiscal incertain. A titre indicatif, en labsence de texte traitant de la propriété commerciale, quel serait le traitement fiscal du droit dentrée acquitté par le franchisé au moment de la conclusion du contrat ? Pendant lexécution du contrat, le monde de la franchise est sous le coup de larticle 35 de la loi 24-86 relative à limpôt sur les sociétés traitant du transfert indirect de bénéfices à l'étranger entre entreprises dépendantes. En fin de contrat, avec la résiliation du contrat de franchise, le franchisé tenu par une clause de non concurrence, voire de non-rétablissement, perd les deux catégories de clientèle dont il disposait. Suite à cette résiliation, le franchisé ne perçoit aucune indemnité compensatrice de la part du franchiseur. Aux yeux de lAdministration fiscale, le transfert de clientèle a été opéré à titre gratuit et donc assimilé à une libéralité. Dans ce cadre, ladite Administration fiscale est en mesure dévaluer le résultat sur ce transfert selon la procédure de rectification prévue à cet effet. Au vu de ce qui précède, le secteur est en mesure dexiger une charte fiscale propre à même dapporter des réponses fiscales claires afin de lever les confusions. Seulement, lavènement de cette charte reste tributaire de la promulgation dune réglementation spécifique au contrat de franchise. F. N. H. : En labsence de cette réglementation spécifique, quels types de risques court le franchisé marocain ? H. H. : La franchise consiste, en principe, à réitérer une réussite. Cependant, pour en profiter et adhérer au réseau, le franchisé est entouré de maints risques. On peut citer le risque dévasion du savoir-faire, le risque de confusion de contrat avec dautres types de contrats, le risque de non-conformité avec la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, les risque dinexistence ou la faiblesse du concept, les risques dinsuffisance des études de marché effectuées par le franchiseur, les risques liés à la propriété commerciale et au droit au bail. Dans certains cas, le franchisé pourra être victime dactes dolosifs lamenant à contracter sur la base de fausses déclarations du franchiseur. Dans lesprit de «prévenir vaut mieux que guérir», le franchisé est appelé à sentourer de toutes les sécurités à même de le protéger contre toute manuvre mettant en péril son investissement. F. N. H. : Votre message ? H. H. : La franchise savère un secteur économique porteur pour le Maroc et pourra jouer le rôle de locomotive en matière de croissance économique à linstar dautres pays. Il est légitime de doter la franchise de tous les outils à même dassurer son développement dans un cadre transparent et durable. Il est également temps de donner un coup de fouet aux institutions existantes pour quelles puissent jouer le rôle qui est le leur en la matière.