En matière de recours aux modes de résolution des conflits, le Royaume n'est pas si mal loti que ça. Hassan Alami, Docteur en droit, expert comptable et ancien vice-président de la CGEM, s'en livre dans cet entretien. Challenge Hebdo : où en est le Maroc en matière de recours aux modes alternatifs de résolution des conflits et des litiges entre les sociétés et les entreprises ? Hassan Alami : même si nous sommes quelque peu en deçà du niveau atteint par des pays comme l'Egypte ou la Turquie, il faut souligner que le Maroc se situe dans une bonne moyenne au registre des pays émergents. Naturellement, il fut une époque où ces modes alternatifs de résolution des conflits et de litiges commerciaux comme l'arbitrage et la médiation étaient mal vus par une justice publique jalouse de ses prérogatives. Car, comme vous devez le savoir, l'arbitrage est synonyme, aujourd'hui, de justice privée et indépendante dont les avantages procurent un gain de temps, de faibles coûts, la discrétion et une certaine expertise. Ce sont les parties qui choisissent leurs arbitres. A notre époque, ces modes sont mieux accueillis aussi bien dans notre pays qu'ailleurs, car ils concourent à désengorger les tribunaux de la masse des affaires qui s'y entassent en attente de jugement. En effet, depuis une décennie, la tendance s'est inversée avec la complexité des affaires, la multiplication des matières des lois et des règlements et la prolifération des spécialités dans les domaines du droit. Si bien que le recours à l'arbitrage s'est imposé en faisant disparaître les anciennes réticences. Aujourd'hui, les systèmes judiciaires classiques y voient une bouffée d'oxygène pour alléger les charges croissantes des juridictions. Le Royaume encourage sans réserve l'émergence d'une justice privée fondée sur les principes du débat contradictoire, de la transparence et du respect des procédures. C. H. : la sentence d'arbitrage a-t-elle la même force de loi que le verdict judiciaire et bénéficie-t-elle de la même autorité au moment de l'exécution ? H. A. : vous savez, il y a près d'une année, le Maroc a promulgué une loi sur l'Arbitrage remplaçant les articles du code de procédure civile traitant de cette matière. C'est une loi moderne qui apporte des réponses précises à l'essentiel des questions, principalement sur l'arbitrage et un peu moins sur la médiation. Notre pays a fait le choix des Etats avancés de donner une nouvelle impulsion à ces modes dans le règlement des litiges économiques et commerciaux. Les spécialistes de la question adressent, cependant, un reproche de fond au texte législatif en vigueur, c'est le risque de «judiciarisation» des modes alternatifs. Judiciarisation qu'il faut, toutefois, relativiser, car la loi, qui énonce expressément l'obligation faite aux arbitres exerçant habituellement l'arbitrage, d'être inscrits sur une liste tenue par le procureur général, ne ferme pas la porte. A contrario, la loi permettrait aux arbitres n'exerçant pas habituellement d'opérer des arbitrages, même s'ils ne sont pas membres des listes tenues par le parquet. Cela dit, la sentence arbitrale a la même force qu'un jugement, avec une grande réserve, car son exécution doit passer par un juge public qui s'en voit confier l'exequatur. Le magistrat garde, aussi, un droit de regard sur la validité juridique de la sentence arbitrale, en vérifiant si les règles de procédure ont été respectées, si l'objet n'est pas contraire à l'ordre public par exemple. C. H. : pensez-vous faire appel aux entreprises marocaines pour adhérer à cette nouvelle culture d'arbitrage et les inciter à recourir aux modes alternatifs de résolution des litiges ? H. A. : l'une des conditions essentielles de la création du CEMA réside dans sa présence au sein de la CGEM. Il faut avouer que celle-ci, à travers son président Moulay Hafid Elalamy, a apporté depuis le départ un soutien sans faille à cette initiative pour faire de la ville de Casablanca la nouvelle plaque tournante de l'arbitrage et de la médiation dans les relations économiques entre opérateurs européens, du Moyen-Orient et africains. Cette ambition est une tradition dans l'histoire du Royaume du Maroc. Le Conseil d'arbitrage a élu domicile au siège social de la CGEM. Ce qui facilitera la sensibilisation des opérateurs économiques, tous secteurs et fédérations sectorielles confondus, au recours à ce mode de règlement des conflits. ◆