En dépit des incitations fiscales, les produits d'épargne longue n'ont pas suscité d'intérêt. A l'évidence, ils ont besoin d'être remodelés afin de répondre aux attentes des investisseurs. Annoncé au début de la décennie 2000 pour encourager l'actionnariat populaire en faisant bénéficier les épargnants des avantages fiscaux des détenteurs d'actions sur le moyen et le long terme, le PEA a vu finalement le jour en 2011. Dans la Loi de Finances 2011, le législateur a concrétisé sa promesse tant attendue en élargissant le champ des produits de placement. Tout en tirant une leçon de l'échec de l'initiative de lancer le PEA en 2002 en raison d'un contexte défavorable du marché financier. Il a mis cette fois-ci de son côté tous les ingrédients fiscaux pour séduire les acteurs financiers et les épargnants. La Loi de Finances 2011 a ainsi introduit des mesures fiscales spécifiques pour encourager l'épargne. Ces mesures concernent l'exonération de revenus et profits réalisés au titre de l'épargne en actions, l'épargne logement et éducation. Le but étant de mettre en place des véhicules d'épargne longue à même de la drainer vers l'investissement productif à un moment où l'Etat et les privés locaux sont engagés dans des investissements lourds (autoroutes, ports, complexes éducatifs…), dont les financements nécessitent l'existence de ressources longues. Un an après… Aujourd'hui, on se rend compte que les produits d'épargne en question n'ont pas obtenu tout l'intérêt mérité. Un an après, les produits d'épargne longue (PEL, PEE, PEA) ont du mal à décoller, et ce malgré les avantages fiscaux. Les problèmes de liquidité bancaire qui persistent et le volume des crédits distribués mettent en exergue la timidité du recours à ce type de produits. Est-ce que cette situation n'est pas due au contexte qui, faut-il l'avouer, n'était pas propice et marqué par un marasme financier ? Ou est-ce que c'est dû aux plafonds d'exonération qui sont élevés ? Quel type de mesures faut-il prévoir ou les mécanismes à mettre en place pour permettre à ces produits d'épargne longue de jouer leur rôle en matière de mobilisation de l'épargne ? Laïdi El Wardi, Directeur en charge de la banque de détail et des Marocains du monde à la BCP, a annoncé à l'occasion de la publication des résultats affichés par le groupe au terme du premier semestre 2011 que «les plans d'épargne instaurés par différentes banques et sociétés de Bourse de la place ne connaissent pas un engouement de la part des investisseurs. Le groupe BCP ne fait pas exception». Concernant le PEL, Laïdi El Wardi l'explique par le fait que «le PEL ne correspond pas aux besoins du marché, le crédit logement étant financé à 100% par les banques». L. El Wardi assure dans ce cadre que «2012 connaîtra la mise en place de mécanismes pour aménager quelques paramètres et le rendre plus attractif»?(voir?www.finance-press.ma). Même son de cloche chez un Directeur d'une agence de la BMCE qui souhaite garder l'anonymat : «Effectivement, les produits d'épargne longue n'ont pas suscité un grand intérêt, hormis une dizaine de personnes qui ont souscrit à ces produits au niveau de notre agence. Si on prend le cas des PEA, on peut dire que le contexte boursier n'est pas propice. Au niveau de notre agence, je peux dire que notre clientèle est saturée dans la mesure où elle dispose d'autres produits d'épargne. Elle ne ressent pas le besoin de souscrire un autre produit d'éducation dans la mesure où elle dispose déjà d'un autre similaire. En ce qui concerne le produit d'épargne logement, il est destiné à une catégorie dont le pouvoir d'achat est limité et qui ne semble pas être prête pour le moment à acquérir un bien immeuble». Les nouveaux produits sont-ils plus compétitifs ? Le Directeur de l'agence opte plus pour une complémentarité entre les produits. De son côté, la Société Générale confirme l'idée selon laquelle les produits n'ont pas suscité l'intérêt des épargnants. «Ces plans d'épargne baptisés Tawfir Dirassa, Tawfir Bayti et Tawfir al Boursa à la Société Générale, permettent la constitution progressive d'une épargne longue dans le but de préparer un projet ou de profiter des opportunités du marché financier, et ce dans un cadre fiscal attractif. Mais il est vrai qu'aujourd'hui la commercialisation de ces produits est encore timide». Selon notre source plusieurs facteurs pourraient être attribués à cela : la commercialisation effective n'a pu démarrer qu'après promulgation des textes d'application de la loi; de nombreux clients avaient déjà souscrit à un produit d'épargne progressive, notamment dans le cadre du régime fiscal de l'assurance Vie et ont, bien sûr, préféré continuer à bénéficier de l'antériorité de leur contrat; le montant des versements minimum annuels a pu constituer un frein pour les petits épargants (notammement le Plan Epargne Actions). Mais cela n'empêche pas notre responsable de prédire que c'est sur le long terme qu'il faut apprécier la compatibilité entre une offre et la demande et qu'il lui paraît prématuré de tirer des conclusions hâtives sur le sujet. «Il y a lieu de poursuivre l'incitation à l'épargne progressive qui répond à de vrais besoins dans un cadre fiscal avantageux». conclut-il. Mais jusqu'à quel point l'Etat pourrait-il procéder à des abattements fiscaux ? Certains observateurs du milieu financier avancent que s'il n'y avait pas un manque de visibilité, les épargnants seraient plus incités à s'engager dans ces véhicules de placement. D'autres avancent que le faible niveau d'éducation financière de la population constitue le principal obstacle au développement de ces produits d'épargne longue. C'est dire que les banques doivent accorder un intérêt particulier à la vulgarisation de ces nouveaux produits auprès de leur clientèle, particulièrement celle de la classe moyenne, principale cible de ces nouveaux produits. Ce qui laisse penser que la fiscalité à elle seule n'est pas souvent la solution idoine.