Abbas El Fassi et son équipe… soufflent. Le gouvernement a «réussi» à apaiser les tensions sociales au bout d'un effort financier soutenu (voir pages 8/10/11). Promotions exceptionnelles, hausse des salaires des fonctionnaires, maintien des prix à la pompe dans un contexte où les tensions sur le cours du baril de pétrole sont extrêmes…; bref, tous les ingrédients pour gagner une certaine paix sociale en ménageant les esprits rebelles. Des ingrédients qui, néanmoins, s'inscrivent en totale contradiction avec l'esprit de la dernière circulaire de la Primature appelant à une rationalisation des dépenses de fonctionnement dans les établissements publics. Simplement parce que le déficit budgétaire se creuse. Et assez rapidement. A fin février dernier, il s'affichait à 13,9 Mds de DH contre 4,9 milliards un an auparavant et 3,4 milliards en janvier 2011. En seulement 1 mois, le déficit budgétaire s'est donc aggravé de 10,5 Mds de DH en raison de la hausse importante des dépenses globales (+33,7% à 41,7 Mds de DH) par rapport à la croissance des recettes ordinaires (+5,6% à 27,6 Mds de DH). Ainsi, les charges de compensation ont plus que doublé, passant de 3 à 7 Mds de DH, tandis que les dépenses de fonctionnement ont progressé de 12,6% à 23,2 Mds de DH. Cela n'a pas pour autant empêché le gouvernement de racler les fonds de tiroir, contraint qu'il a été de lâcher du lest pour calmer les ardeurs et la convoitise des uns et des autres. La pression des centrales syndicales et de la rue ont finalement eu raison des remparts et arguties économiques jusque-là brandis pour s'opposer à toute dépense pouvant conduire à un déséquilibre budgétaire. Voilà donc une grosse victoire de l'arithmétique politicienne sur l'orthodoxie financière. Mais c'est cher payé. Et la démarche est largement décriée. Puisque, avec tous ces surcoûts budgétaires, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer le fait que le gouvernement n'ait pas recouru à une Loi de Finances rectificative. D'ailleurs, au lendemain de la parution de la fameuse circulaire de la Primature, l'économiste Najib Akesbi ne disait pas autre chose (www.financenews.press.ma), fustigeant d'emblée «le mépris qu'on a des règles les plus élémentaires de la pratique budgétaire». Selon lui, «normalement, c'est une Loi de Finances rectificative qui s'impose et non pas une circulaire. En effet, on ne peut pas faire voter des parlementaires sur une Loi de Finances pour changer plus tard certaines données sans revenir à ces députés». En tout cas, dans son élan de générosité, le gouvernement n'a pas voulu être le seul à casser sa tirelire. Le patronat, lui aussi, passera à la caisse, la mine bien boudeuse et l'argument de la baisse de la compétitivité des entreprises marocaines en bandoulière. L'augmentation du Smig (pratiquement 2.000 DH actuellement), à laquelle il a souscrit du bout des lèvres, reste encore une pilule difficile à avaler : 10% en juillet 2011 et 5% de plus un an plus tard. Une hausse globale de 15% qui tend à fragiliser la position du patron des patrons, Horani, au sein de la Confédération où les critiques par rapport à la gestion de ce dossier fusent de partout. Horani pouvait-il faire autrement que ne pas faire valider la décision du gouvernement, lequel devait, à tout prix, apaiser les tensions sociales ? Les patrons peuvent néanmoins, si cela peut les consoler (sic), se satisfaire d'une chose : l'addition aurait pu être plus salée. Car les différentes centrales syndicales ont eu, en définitive, des positions moins tranchées, quand on sait notamment que la FDT revendiquait à l'origine un SMIG à 3.000 DH, au moment où l'UMT et la CDT exigeaient respectivement 3.500 et 4.000 DH. C'est dire que les patrons ont préféré le jus de chaussette à la boule puante.