* Des groupes étrangers présents dans le tour de table de toutes les banques privées du Royaume, mais leur apport pour léconomie jugé modeste. * La configuration du système bancaire fortement influencée par des décisions politiques. * LEtat initie depuis 2 à 3 ans un protectionnisme déguisé. Le système bancaire marocain est-il aussi efficient pour susciter la convoitise des groupes étrangers ? En tout cas, même sil ne lest pas, il présente visiblement des signes de stabilité et de santé qui justifient certaines prises de participation dans des banques locales. La présence de capitaux étrangers dans les établissements bancaires nationaux est pour le moins historique et ne date certes pas daujourdhui. Néanmoins, ces dernières années cette tendance a connu une nette augmentation avec larrivée de nouveaux groupes dans le système bancaire. Jadis terrain où avaient pignon sur rue les Français, ce secteur cultive aujourdhui une certaine «diversité de nationalités», avec une présence de plus en plus significative des Espagnols, discrète des Italiens, peu significative des Suisses et des Américains. Néanmoins, la présence française dans les banques marocaines reste de loin la plus importante, et il faut peut-être lappréhender sous langle des relations séculaires qui unissent le Maroc et la France. Ainsi, trois filiales de grandes banques françaises opèrent sur le territoire national. Outre le Crédit du Maroc qui reste détenu à hauteur de 52,64% par le Crédit Agricole, il y a la BMCI dont BNP Paribas détient 65,03% du capital, ainsi que la SGMB qui opère depuis plus de 90 ans sur le territoire national et contrôlée à hauteur de 52% par la Société Générale (actionnariat au 30 juin 2006). A côté de ces filiales, dautres groupes étrangers se sont positionnés dans le tour de table des banques locales, avec des participations minoritaires mais significatives qui leur donnent, selon le cas, un droit de regard sur la gestion. On notera, dans ce sens, la modification récente de lactionnariat de BMCE Bank (au 19 avril 2007) avec lentrée dans le capital de Caja de Ahorras del Mediterraneo (CAM) à hauteur de 5%, lequel rejoint dans le tour de table dautres étrangers comme le Crédit Industriel et Commercial (10%), Banco Espirito Santo (2,77%), Morgan Stanley (1,07%) ou encore lUnion bancaire privée suisse (0,75%). De même, la géographie du capital dAttijariwafa bank fait apparaître, au 30 juin 2006, la présence de plusieurs groupes étrangers, dont notamment le Groupe Santander (14,7%), Corporaciòn Financiera Caja de Madrid (3,42%) ou encore Unicredito Italiano (2,06%). Lempreinte des groupes étrangers reste donc visible au sein de toutes les grandes banques privées du Royaume, mais également au niveau de certains établissements publics. Cest le cas notamment du Groupe Caisses dEpargne qui détient 35% du holding Massira Capital Management, lequel détient à son tour 70,74% du CIH (au 30 juin). Présence utile ? Au finish, cette présence significative des groupes étrangers dans le système bancaire national est-elle profitable à léconomie nationale ? «On peut lapprécier de deux manières», nous confie un observateur averti qui requiert lanonymat. «Dun côté, précise-t-il, cette présence témoigne de la crédibilité de notre système bancaire qui a procédé à une restructuration et à une mise à niveau profonde pour se mettre en phase avec les standards internationaux. Et le garant de cette crédibilité est bien évidemment Bank Al-Maghrib qui a imposé des règles du jeu claires qui ont donné confiance aux investisseurs étrangers». Néanmoins, ajoute notre source, «lapport des banques étrangères pour léconomie nationale reste quand même modeste compte tenu des positions stratégiques quelles occupent et leur présence relativement longue sur le territoire pour certaines». «Le Maroc est davantage considéré comme un centre de profit : cest comme si elles investissaient dans un portefeuille dactions pour réaliser uniquement des bénéfices; il ny a pas véritablement de transfert de savoir-faire. Leur présence est donc purement financière», conclut-il. Le propos peut sembler tranchant. Pourtant, la démarche des autorités semble sinscrire dans la même veine à une différence près : elles ne le disent pas, elles agissent, avec lobjectif dériger un système bancaire solide qui ne soit pas constitué de banques majoritairement détenues par des étrangers, mais plutôt de leaders nationaux capables de tenir la dragée haute aux institutions bancaires étrangères. Cest le sens quil faut donner à la naissance du Groupe Attijariwafa bank. Cest le sens quil faut également donner à la tentative ratée du Groupe Caisse dEpargne dentrer dans le tour de table de BMCE Bank. Non pas que la banque présidée par Othman Benjelloun ny souscrivait pas, mais cétaient plutôt les autorités qui avaient opposé leur veto. Argutie avancée par le Comité des Etablissements de Crédit pour justifier son refus : «le projet dalliance BMCE-Caisse dEpargne nest pas structurant pour léconomie nationale». «Faux prétexte», rétorque un banquier de la place. «Le projet industriel présenté par les deux parties était bien viable, mais cest surtout la tournure quallait prendre ce partenariat qui inquiétait les autorités. Car il me semble quil était prévu, outre les 20% quallait prendre la Caisse dEpargne, quelle porte plus tard sa participation à 33% pour atteindre la minorité de blocage et pouvoir intervenir dans la gestion de létablissement», souligne-t-il. Cest cette implication dans la gestion qui semblait être le point de discorde. Or, «il est impossible quun actionnaire détienne 20% dun établissement sans quil ait un droit de regard», nous confiera, à lépoque, un responsable de BMCE Bank. «Cétait une décision purement politique qui était surtout motivée par le fait que BMCE Bank était un peu au coude à coude avec la BCM de lépoque, laquelle cherchait désespérément des niches de croissance. Il fallait non seulement stopper les velléités de croissance du Groupe Benjelloun, mais également favoriser lémergence dune institution bancaire vraiment solide. Doù le rapprochement BCM-Wafabank qui a donné naissance à lensemble que lon connaît maintenant», conclut notre banquier. En vérité, tant les autorités que les observateurs souhaitaient davantage un rapprochement maroco-marocain, cest-à-dire une union BCM-BMCE Bank. Ce que le camp Benjelloun ne voulait pas entendre. «Notre groupe ( ) ne retiendra en termes dalliances et de partenariat que les candidats qui apportent une véritable valeur ajoutée, cohérente avec notre stratégie et ses fondements, et profitable à léconomie nationale qui a plus que jamais besoin dentreprises fortes, ouvertes sur linternational et partenaires de ceux qui dans le monde imposent leur savoir-faire, leur expertise et leur autorité», avait notamment précisé Othman Benjelloun. Et dans des propos à peine voilés, un membre de la Direction générale avait laissé entendre que «les deux entités (BCM et BMCE Bank) peuvent apporter davantage au système bancaire séparées que réunies». En tout cas, aujourdhui, lobjectif (non avoué) des pouvoirs publics est bien clair : protéger le secteur de la mainmise des banques étrangères, tout en mettant en place des établissements puissants qui font autorité sur le marché. Cela pour dire quon aime bien les étrangers, mais Une démarche que semble bien apprécier cet analyste de la place pour qui «même si lon se trouve dans un contexte de libéralisation, il est néanmoins tout à fait normal de protéger certains secteurs-clés de notre économie, notamment le secteur bancaire, de certaines convoitises. Depuis 3 ans maintenant, cest ce que sattèle à faire lEtat. Nous ne sommes pas les seuls dailleurs : certains pays comme les Etats-Unis font de même, notamment dans le secteur agricole». Certes, mais la question à se poser est de savoir si le protectionnisme déguisé de lEtat est en faveur dun seul établissement bancaire ou de tout le système bancaire