Les entreprises pourront-elles désormais sabriter derrière le coût élevé de largent pour légitimer leur fébrilité dans lacte dinvestir ? Difficile de répondre par laffirmative. Lannonce (une fois nest pas coutume !) par la Banque Populaire dun taux dintérêt de 5,50% balaie en effet, dun revers cette argutie. Cette initiative, loin dêtre simplement un «effet dannonce», sinscrit dans le droit-fil de la stratégie initiée par la première institution bancaire du Royaume baptisée Business Project. Il sagit simplement daccompagner et de soutenir davantage, dans une démarche purement citoyenne, la relance actuelle de léconomie nationale. Cest dire que Business Project nest pas un concept vide de sens, mais une réalité, et surtout une promesse tenue que traduit amplement la signature de la banque «Entreprendre pour le bien commun». Dans cet entretien, Hassan El Basri, Directeur général adjoint chargé du pôle Développement, et Laïdi El Wardi, chef de la division Marketing et Animation commerciale de la Banque Centrale Populaire, explicitent le sens de cette initiative novatrice, de même quils reviennent sur le lancement récent du fonds dinvestissement destiné au secteur touristique. Finances News Hebdo : La Banque Populaire vient dannoncer un taux exceptionnel de 5,50% en vue de relancer les investissements. Quel en est exactement le principe et quest-ce qui sous-tend cette mesure ? Hassan El Basri : Comme vous le savez, ce nest pas la première fois que la Banque Populaire annonce une baisse des taux dintérêt. La dernière initiative en la matière a dailleurs été prise lannée passée, avec notamment lannonce dun taux de 6,95%. Donc, ce taux de 5,50% nest pas une démarche isolée, mais sinscrit plutôt dans la continuité de nos actions précédentes. Par contre, ce qui est nouveau dans cette annonce est sa portée, et surtout le contexte particulier dans lequel elle a été faite. Il y a, à ce titre, quatre éléments déterminants qui ont sous-tendu notre démarche. Dabord, à travers les indicateurs macroéconomiques dont nous disposons, nous avons le sentiment que la croissance au Maroc est relancée. Ainsi, il est attendu une croissance du PIB de lordre de 7% ou plus, laquelle devrait tirer pratiquement lensemble des secteurs de léconomie vers le haut. Et ce qui est important dans cette croissance du PIB, cest quelle ne provient pas uniquement du secteur primaire (lagriculture), mais elle est également la résultante du bon comportement des autres secteurs, notamment le secondaire (industries) et le tertiaire. Lautre point important concerne lensemble des chantiers structurants qui ont été lancés par lEtat (infrastructures, grands projets ). Nous croyons quils commencent à porter leurs fruits. Le troisième élément a trait notamment à la meilleure visibilité quont désormais les entreprises par rapport à lévolution de la conjoncture économique nationale et internationale, et surtout par rapport aux appréhensions relatives à louverture de léconomie marocaine exprimées par les opérateurs économiques. Aujourdhui, dans le cadre des conclusions du Plan Emergence, les entrepreneurs marocains ont bien pu distinguer les niches où ils ont les avantages compétitifs nécessaires afin de pouvoir affronter la concurrence. Le quatrième élément, non moins important, concerne linitiative lancée par le gouvernement et relative à la création de la jeune entreprise. Cest une bonne approche, bien étudiée, et assez différente des produits jeunes promoteurs que les gens assimilent souvent à un échec, quand bien même on y a enregistré quelques success stories. Ainsi, compte tenu de tous les éléments précités, nous avons estimé, à la Banque Populaire, quil y a lieu de participer à améliorer davantage le climat des affaires et cette visibilité qui sinstaure en donnant un véritable coup de pouce à linvestissement. Et cest partant du postulat que la croissance ne peut provenir que de linvestissement que nous avons annoncé ce taux de 5,50% pour justement booster linvestissement et tirer profit de cette visibilité que nous avons aujourdhui sur léconomie marocaine. F. N. H : Justement, sous quel angle doit-on apprécier cette baisse des taux, en regard notamment de votre stratégie baptisée Business Project ? H. E. B. : Cest une continuité du Business Project. Comme vous le savez, nous avions sorti, dans ce cadre, il y a de cela un mois et demi, une annonce titrée «La chute des taux pour lascension de votre entreprise». Aujourdhui, nous ne faisons que respecter notre promesse en nous conformant à cette annonce. Il faut surtout savoir que lapproche Business Project nest pas seulement un concept, un taux dintérêt, et des produits que nous mettons à la disposition des entreprises. Cest surtout une nouvelle approche de la relation avec lentreprise que nous essayons de mettre en uvre. F. N. H : Il existe quand même certaines contraintes auxquelles vous devez faire face, notamment en ce qui concerne les risques. Comment arrivez-vous justement à concilier cette stratégie que vous déclinez aux exigences de Bâle II ? H. E. B. : Vous avez raison dévoquer ces contraintes. Mais lannonce que nous faisons nimpacte en rien la démarche détude du dossier. Nous nallons pas financer nimporte quel projet. Nous sommes une institution bancaire et létude dun dossier doit obéir aux mêmes règles dappréciation du risque. F. N. H : Donc, concrètement il ny a pas davantage de flexibilité par rapport à ce que vous faisiez auparavant H. E. B. : La flexibilité ne sinterprète pas par rapport aux règles dappréciation du risque. Nous sommes un intermédiaire financier qui doit assurer un bon placement aux dépôts des épargnants. Par contre, il y a une souplesse au niveau de la démarche, plus précisément au niveau de laccès au crédit. Si on prend par exemple la création dentreprise, rares sont les confrères qui se hasardent à financer ce type de projet. Or, la Banque Populaire est pionnière dans ce domaine. Evidemment, dans la création dentreprise, il existe toujours un risque. Cela nempêche que nous nous impliquons fortement dans ce créneau, car cest notre mission de favoriser la création des entreprises. F. N. H : Ce taux exceptionnel est applicable à tout nouvel investissement jusquau 30 juin 2007. Pourquoi lavoir limité dans le temps ? H. E. B. : Parce que cest une mesure exceptionnelle Par ailleurs, comme je lai signalé tout à lheure, nous avons ce sentiment que le Maroc offre actuellement davantage de visibilité aux investisseurs et est entré dans cette phase de croissance que nous attendons depuis longtemps. Donc, cette durée dun an na pas été choisie au hasard; elle est en adéquation avec la durée nécessaire à la prise de décision dinvestissement. F. N. H : Pensez-vous que les autres institutions bancaires vont pouvoir suivre cette baisse des taux dintérêt, sinon proposer mieux ? H. E. B. : Toute initiative des autres banques dans ce sens est la bienvenue. Il faut également savoir que cest un taux plancher, sauf pour les grandes entreprises ou les financements structurés. Et dans ces cas précis, on a plutôt recours à lingénierie financière. Il est aussi important de savoir que la Banque Populaire, au regard de sa vocation, de son historique et de son assise financière solide, peut initier ce genre de mesure. F. N. H : Y a-t-il des critères déligibilité définis ? H. E. B. : Le seul critère déligibilité concerne le risque. F. N. H : Vous avez opté pour un taux plancher. Quattendez-vous de votre initiative, hormis la notoriété quelle peut vous rapporter ? H. E. B. : Le gain nest pas uniquement mathématique. Il ny a pas que le volume dinvestissement, mais aussi tout ce qui sensuit, notamment les crédits de fonctionnement, les emplois créés Cest donc une dynamique dont il faut intégrer tous les paramètres dans lappréciation de la décision. Cette initiative a été, par conséquent, bien mûrie et très bien circonscrite. F. N. H : Avec un taux de 5,50%, vous balisez donc le chemin aux investisseurs H. E. B. : Effectivement, aujourdhui un opérateur ne peut plus évoquer le coût de largent comme obstacle à linvestissement. F. N. H : Mais il pourra toujours évoquer la problématique des garanties H. E. B. : Il faut savoir que dans létude dune demande de crédit, la dernière chose à laquelle nous pensons, cest la garantie. Par ailleurs, le phénomène de garantie est lié à la transparence qui doit exister entre lentreprise et la banque. A cet égard, les problèmes de gouvernance de la PME/PMI demeurent encore très importants, surtout quand on sait quactuellement il est de plus en plus difficile de dissocier les biens de lentreprise de ceux de lentrepreneur. Mais les choses vont évoluer, parce quavec lentrée en vigueur de Bâle II, nous devons radicalement changer nos relations. Et il faut surtout souligner que Bâle II est beaucoup plus contraignant pour lentreprise que pour la banque. Si lentreprise nest pas bien structurée et si elle présente des carences en termes de transparence et de gouvernance, elle sera immédiatement sanctionnée. F. N. H : Depuis la mise en place du Business Project, comment appréciez-vous vos relations avec les PME ? Laïdi El Wardi : Depuis son lancement, nous avons cherché à mettre en place les structures daccueil au niveau des agences et des succursales pour accueillir les entreprises. Il y a aujourdhui un certain nombre de chargés daffaires qui soccupent de la gestion de la relation avec lentreprise. Cest une relation que nous déclinons à la fois en terme de structure daccueil et en terme de nouvelle vision sur la prestation bancaire; laquelle ne signifie pas uniquement donner du crédit, mais également accompagner lentreprise sur tous les aspects. Cela peut concerner lexternalisation auprès des plates-formes techniques de la banque dun certain nombre de travaux rébarbatifs au sein de lentreprise, mais également lorientation de lentreprise vers de nouveaux types de financement. Cela dit, ce nest pas seulement un concept avec des structures daccueil, mais aussi un certain nombre de produits, dont notamment le taux de 5,50%. Une manière de dire que nous ne vendons pas seulement des concepts, mais que nous les concrétisons à la fois par une prise en charge personnalisée et des produits spécifiques dans le cadre du business project des entreprises. F. N. H : Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur le fonds dinvestissement touristique qui a été récemment mis en place ? H. E. B. : Nous lavons initié en partenariat avec des confrères. Cest un fonds qui avait déjà été annoncé par le ministère du Tourisme et celui des Finances et de la Privatisation. Et ce nest dailleurs pas le premier fonds que la Banque Populaire a mis en place. Nous avons également initié, avec dautres confrères, des fonds régionaux, notamment le fonds de lOriental et celui du Souss Massa Drâa. Cest dire que nous agissons tant au niveau national que régional. F. N. H : Pourquoi avoir opté pour un fonds dinvestissement et pourquoi maintenant ? L. E. W. : Les projets touristiques sont très capitalistiques. Sans ce type dinstrument, on ne pourrait pas réaliser lensemble des investissements qui sont prévus. Il fallait créer ce genre de structure car lentrepreneur privé marocain na pas cette capacité dinvestir dans des projets aussi lourds. Cela permet aussi dorienter lépargne vers ce type dinvestissement. Mais il faut dire que cela na été possible que parce quaujourdhui nous avons une très bonne visibilité sur le tourisme en général. Lévolution de ce secteur, ces dernières années, a fini par convaincre les gens que ce nest pas une tendance temporaire, mais quelle va sinscrire dans la durée.