Dans l'agroalimentaire, le potentiel demeure largement sous-exploité par les industriels marocains qui gagneraient à avancer rapidement leurs pions sur l'échiquier africain post-Covid. La classe moyenne africaine, qui représente 42% de la population, est une cible prioritaire pour les exportations à forte valeur ajoutée en provenance de pays comme le Maroc. La part de l'Afrique dans les exportations marocaines est passée de 3,7% en 2000 à 7,7% en 2019. Une progression significative mais loin d'être satisfaisante comparée aux opportunités existantes. Dans un contexte de relance économique post-covid, l'export des produits marocains, et tout particulièrement les produits agro-alimentaires à forte valeur ajoutée peut être un levier économique important pour remédier au déséquilibre de la balance commerciale nationale qui souffre d'un déficit chronique. Pour transformer les opportunités en business, l'Association Marocaine des Exportateurs « ASMEX » et la Fenagri (Fédération Nationale de l'Agro-alimentaire), ont organisé mercredi 24 novembre à Casablanca, une conférence sous le thème «Exportations vers l'Afrique, les défis et opportunités du secteur agro-alimentaire ». L'occasion pour les intervenants de mettre en exergue les best-practices par des témoignages d'entreprises exportatrices, mais aussi d'évoquer les opportunités et les risques de l'export sud-sud. Plus d'une centaine entreprises ont assisté à cette rencontre qui a été présidée par Mohammed Fikrat, vice-président de l'ASMEX. « Aujourd'hui, la demande des consommateurs africains est en pleine expansion en raison de la taille du marché et sa classe moyenne qui représente 42% de la population. Il est donc impératif que l'offre suive cette demande exponentielle pour pallier le manque à gagner et trouver des schémas win-win. Nos échanges commerciaux se sont certes développés au cours des dernières années, mais ils ne sont toujours pas suffisants », a déclaré M. Fikrat en rappelant la recommandation de sa majesté le roi Mohammed VI « il faut que l'Afrique fasse confiance à l'Afrique ». En effet, comme l'a si bien souligné Eyad Sobh Mansour, président de la commission du commerce extérieur de la FENAGRI dans son allocution, « il n'y a aucune raison qui justifie le fait de trouver des produits agro-alimentaires importés sur le marché marocain et africain, alors qu'ils peuvent être fabriqués localement ». Les chiffres des échanges commerciaux entre le Maroc et l'Afrique sont en constante augmentation depuis l'année 2000. Aujourd'hui, les échanges du Maroc (import & export) avec les pays africains ont progressé de 9,5% en moyenne annuelle, pour s'établir à 39,5 milliards de dirhams en 2019, soit 6,9% du commerce extérieur marocain. Sur la même période, les exportations marocaines à destination du continent africain ont progressé de 11% en moyenne annuelle pour atteindre 21,6 milliards de dirhams en 2019, représentant 7,7% des exportations totales du Maroc contre 3,7% en 2000. Des chiffres encourageants, mais loin d'être suffisants selon Brahim Allali, expert spécialiste du commerce international qui a souligné, chiffres à l'appui, le potentiel inexploité du continent. En Afrique, ce secteur évalué, depuis 2013, à environ 313 milliards USD emploie 70% de la main d'œuvre. Des chiffres qui contrastent avec les besoins en alimentation du continent. 20% de ces besoins sont couverts par des importations, soit 40 à 50 milliards USD par an. Selon la banque mondiale, ces indicateurs poursuivront leur hausse. D'ici 2030, les importations alimentaires en Afrique passeront à 150 milliards de dollars par an, d'où l'urgence de mettre en place des schémas d'échanges commerciaux win-win avec le continent, dont le secteur agroalimentaire pourrait peser 1000 Mds USD la même année (2030). Des chiffres justifiés par l'augmentation du nombre de ménages de la classe moyenne, qui devrait selon la même source, passer à 1,1 milliard de personnes d'ici 2060. Pour pallier ce manque à gagner, M. Allali a mis en avant quelques recommandations qui devraient aider les exportateurs agro-alimentaires à surmonter les obstacles actuels liés notamment au transport des marchandises et à la logistique (Tarifs, Transit time et time-to-market, faiblesse des infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, délais de dédouanement...), ou encore les obstacles liés au paiement, à la sécurité et à la stabilité politique de certains pays : * Ne pas se limiter aux pays francophones d'Afrique, * Etudier l'opportunité de l'exportation collaborative : consortium d'exportation, comptoirs commerciaux, bureaux de représentation commerciale, etc..., * Considérer l'opportunité d'investir dans les pays africains pour valoriser et exporter les produits agricoles nationaux : arachide, mangue, ananas, etc. La BAD investit dans le développement de Zones spéciales de transformation des produits agroalimentaires (ZSTPA), * Insister sur l'importance de mettre en place des partenariats avant de se lancer dans de nouveaux projets en Afrique, * Adaptation de l'offre marocaine à la demande et aux spécificités des économies de l'Afrique à travers une véritable appropriation de la connaissance du marché continental par le secteur privé marocain, * Construction des écosystèmes complémentaires à l'industrie marocaine à travers notamment des JV et d'alliances d'entreprises. Outre le potentiel, les pistes de croissance et les best-practices, les participants ont pu découvrir les interventions des partenaires de l'événement tels que Lesieur et Cosumar qui ont exposé leurs retours sur expérience en Afrique et ont insisté sur le développement du capital humain, ou encore la Banque Centrale Populaire qui a exposé quelques solutions de financement et le groupe Timar qui a partagé différentes options en terme de transport et logistique.