Ecrit par L. Boumahrou | Le surendettement est un fléau qui prend de plus en plus de l'ampleur et qui s'est accentué avec la crise sanitaire. Et pourtant, il y a une absence de données relatives au profil des surendettés ou encore les vrais raisons. Pour mettre la lumière sur ce fléau qui représente un risque grave aussi bien pour les emprunteurs que l'industrie de la micro-finance, la Fédération Nationale des Associations de Consommateurs au Maroc a réalisé une enquête. En voici les résultats. Beaucoup de Marocains se retrouvent dans le tourbillon des crédits. Des offres de plus en plus alléchantes, un besoin de consommation de plus en plus impulsif et un recours aux crédits de plus en plus accessibles, telles sont les principales causes de ce fléau qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Plusieurs alertes ont sauté pour avertir sur les conséquences de cette hémorragie du surendettement des Marocains. Dans ses enquêtes annuelles sur l'endettement des ménages, BAM met en garde le système bancaire de la dette des ménages qui affiche un rythme crescendo. La dernière enquête avait révélé, rappelons-le, que l'encours de la dette bancaire des ménages, à fin décembre 2019, a culminé à 359 Mds de DH, dont 132 Mds de DH de crédits à la consommation. Rapporté au PIB, le ratio de l'endettement des ménages a atteint 31% soit un niveau très élevé en comparaison avec la moyenne de 20% observée dans les pays émergents. Conscient de la gravité de cette situation, la Fédération Nationale des Associations de Consommateurs au Maroc (FNAC-Maroc) a mené la première enquête nationale réalisée par le mouvement consumériste. Les résultats de ladite étude ont été dévoilés ce 28 mai lors d'une conférence de presse. Financée par le ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Economie Verte et Numérique, cette enquête a permis d'évaluer les perspectives du consommateur par rapport à l'endettement mais aussi d'identifier les personnes surendettées ainsi que les raisons de l'aggravation du fléau. La FNAC déplore d'ailleurs l'absence de données ou de statistiques régulières sur le profil des surendettés ou encore des causes. Le risque de surendettement plane Il ressort de l'enquête réalisée auprès de 2.082 personnes dont 250 ont refusé de répondre au questionnaire, que les hommes contractent plus de crédits que les femmes avec respectivement 63,8% et 36.1%. La répartition des ménages selon le montant de leur endettement et la catégorie sociale de la personne de référence fait ressortir que les personnes ayant un crédit inférieur à 30.000 DH sont les retraités. Une part du secteur privé, voire la majorité, ont un crédit de plus de 40.000 DH. Tandis que la catégorie du secteur public, elle recourt aux crédits entre 10.000 et plus de 70.000.DH. L'enquête révèle aussi que 51,9% des interrogés sont titulaires de plus de 2 crédits à la consommation et 49,1% à un seul crédit à la consommation. « Plus le nombre de crédits souscrits par personne est important, plus il a tendance à souscrire de nouveaux crédits », lit-on dans l'enquête. Pour les raisons qui poussent les Marocains à recourir aux crédits, il ressort que la contraction d'un crédit pour le remboursement d'un autre crédit arrive en tête avec 31%, suivi de l'achat d'une voiture avec 25%, de l'équipement domestique (19%), des frais des études des enfants (17%) et dernier lieu les fêtes et les soins médicaux (7%). Le nombre de crédits par ménage a permis de classer les endettés par 4 catégories : 25,4% ont un seul crédit ; 36,3% ont 2 crédits ; 21,1% ont 3 crédits et 17,2% ont 4 crédits. Le surendettement est d'ailleurs la principale cause de l'incapacité des personnes à rembourser leur crédit à la consommation soit 59% en raison du montant de l'échéance élevé à cause du cumul de plus de 2 crédit ; 27% de la cherté de la vie et 14% de l'apparition de dépenses supplémentaires. L'enquête révèle une composante très grave que seulement 12,2% ont déclaré disposer après remboursement des crédits de plus de 40% du salaire. 29,3% des interrogés leur restent moins de 25% du salaire, 40,5% entre 26% et 33% du salaire et 18% entre 34% et 40% du salaire. Soit plus de 69% ont des crédits qui dépassent leur capacité de rembourser et sont hors la loi. Comment expliquer ce constat alors quel la loi est claire, le taux d'endettement ne doit pas dépasser 40% du salaire ? Rappelons que légalement, une personne surendettée est quelqu'un à qui il ne reste, après le paiement de ses échéances, que 35% de son revenu mensuel net. Pr. Mohammed Benkaddour, ancien président de la FNAC, attribue ce constat à certains établissements de crédit qui tentent de détourner la loi en incitant davantage, et par des moyens non légaux, les consommateurs à contracter plus de crédits. Ils sont donc responsables de la prolifération de ce phénomène. Ainsi il ressort qu'un ménage sur trois (33%) se trouve obligé de s'endetter ou de puiser dans son épargne pour boucler ses fins de mois. L'endettement financier moyen par ménage est de l'ordre 35.000 DH. La grande part des crédits à la consommation est affectée à l'acquisition de voitures avec une part de 57% suivie du financement des projets personnels avec une portion de 43%. La FNAC précise que ces crédits observent un allongement de leur durée de remboursement. La majorité des prêts à la consommation ont une durée initiale supérieure à 3 ans avec une part de 68%. La proportion des prêts d'une durée comprise entre 2 ans et 5 ans est de 43%, alors que celle dont la durée est inférieure à 2 ans est limitée à 9%. La FNAC rappelle que le surendettement est un risque grave pour l'industrie de la micro finance qui contredit totalement la mission sociale du secteur. « Le surendettement menace de nuire à la réputation de l'industrie de la micro finance et cela peut créer des effets sur les institutions de crédit et sur les clients. La micro finance devrait réduire la vulnérabilité de ménages pauvres, mais le surendettement est une preuve de l'augmentation de la vulnérabilité de ménages en raison de microcrédit », précise le rapport.