La Fédération Nationale des Associations de Consommateurs au Maroc (FNAC) a réalisé une enquête nationale sur la perception du consommateur marocain par rapport à l'endettement dans le domaine de la consommation. L'enquête, menée en partenariat avec le ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Economie Verte et Numérique, a eu pour objectif de combler « le manque d'éléments chiffrés et qualitatifs permettant d'évaluer ce phénomène », affirme Ouadie Madih, président de la FNAC, soulignant qu'il n'existe aucune publication régulière de statistiques sur le profil des surendettés ou encore sur les causes du surendettement. Ainsi, l'étude permettra « de comprendre le phénomène d'endettement au Maroc, de définir les populations les plus touchées par le surendettement et de proposer quelques recommandations pour que le consommateur soit averti, informé et protégé », explique Madih. Les résultats de cette enquête, la première de son genre à l échelle nationale, ont été présentés par Ouadie Madih et Mohammed Benkaddour, président-fondateur de l'instance en question, lors d'une conférence organisée vendredi 28 mai. Il en ressort 51,9% des personnes interrogées ont eu recours à 2 crédits à la consommation ou plus et 49,1% sont à un seul crédit. Dans le détail, 25,4% des ménages ont un seul crédit, alors que 36,3% en ont 2 crédits, 21,1% des ménages sont titulaires de 3 crédits et 17,2% de 4 crédits. Le danger de ces chiffres, a expliqué Benkaddour, « se traduit dans l'incapacité des ménages à rembourser leurs crédits ». « Ces derniers souscrivent donc à de nouveaux crédits pour payer les anciens », ajoute-t-il, « et se retrouvent donc dans une situation de surendettement ». D'ailleurs, le surendettement est la principale raison de l'incapacité des personnes à rembourser leur crédit à la consommation. 59% des personnes interrogées indiquent ne pas pouvoir effectuer le remboursement à cause du montant élevé de l'échéance, en raison du cumul de plus de 2 crédits. 27% trouvent raison dans le coût surélevé de la vie et 14% dans l'apparition imprévue de dépenses supplémentaires. Par ailleurs, plus de 62% des répondants payent des mensualités qui dépassent les 30% de leurs salaires afin de couvrir leurs crédits. En outre, seuls 12,2% ont déclaré qu'ils arrivent à garder plus de 40% de leur salaire, après le remboursement des crédits. 40,5% des interrogés gardent entre 26% et 33% du salaire, 18% entre 34% et 40% du salaire et pour 29,3% des interrogés, il leur reste moins de 25% du salaire. L'enquête révèle également que les hommes ont plus recours aux crédits que les femmes, avec des proportions respectives de 63,8% et 36.1%. Ces personnes contractent des crédits pour des raisons différentes que la FNAC a classées en catégories, à savoir en premier lieu le remboursement d'un autre crédit (31% des cas), l'achat d'une voiture (25%), l'achat d'équipement domestique (19%), les frais de scolarité des enfants (17%) et enfin les soins médicaux et les fêtes dans 7% des cas. Notons que 33% des ménages interrogés se sont retrouvés obligés de s'endetter ou de puiser dans leur épargne pour boucler leurs fins de mois, révèle l'enquête. Pour ce qui est de la répartition des ménages selon le montant de l'endettement et le secteur d'emploi, l'enquête précise que les personnes ayant un crédit inférieur à 30.000 DH sont majoritairement des retraités, en plus d'une part minoritaire des personnes exerçant dans le secteur privé. En revanche, la majorité des employés du secteur privé ont un crédit de plus de 40.000 DH. Les employés du secteur public, quant à eux, ont recours à divers crédits de 10.000 à plus de 70.000 DH, peut-on lire dans l'enquête, précisant que 65% parmi eux ont des crédits de plus de 30.000 DH. 3 questions à Mohammed Benkaddour « Le consommateur marocain est très mal informé » Mohammed Benkaddour, président-fondateur de la FNAC, expose les recommandations de la fédération à même de remédier au phénomène du surendettement. - Comment oeuvrez-vous pour protéger le consommateur du surendettement ? - A partir d'un Benchmark international que nous avons réalisé, nous avons proposé quelques solutions indispensables pour lutter contre le phénomène dangereux qu'est le surendettement. Notre mission est de veiller à ce que le consommateur soit averti et protégé. Le consommateur doit avoir un accès facile au droit et à la justice, qui est un droit économique et social fondamental. Il faut également qu'il soit représenté et surtout consulté lors de la prise de décisions le concernant. Il est important de noter que lorsque le consommateur demande un crédit auprès d'une institution, cette dernière est dans l'obligation de s'assurer que son client sera capable de le rembourser. Il existe aujourd'hui un grand manque d'informations chez le consommateur marocain. - Pouvez-vous nous donner plus de détails sur le volet de l'information ? - Le consommateur marocain est très mal informé. S'il se fie uniquement aux publicités, il risque de se retrouver dans l'ignorance. Lors de l'étude que nous avons menée, les endettés ont reconnu leur ignorance par rapport à plusieurs détails concernant leurs crédits. Notez qu'un emprunteur sur quatre ne connaît pas le montant de ses mensualités de remboursement, un sur trois ignore sa durée et plus de deux emprunteurs sur trois n'ont pas la moindre idée du taux d'intérêt de leur crédit. Encore plus dangeureux, quatre débiteurs sur cinq ne savent absolument rien du mode de calcul des intérêts. - Comment y remédier ? -L'un des droits fondamentaux est le droit à l'information, qui est, d'ailleurs, stipulé dans la loi 31.08, édictant les mesures de protection du consommateur au Maroc. Il faut bien informer ce dernier, notamment sur les clauses des contrats de crédits, les règles qui les régissent et l'étendue de sa dette, afin qu'il puisse effectuer un bon choix parmi les offres disponibles sur le marché. La transparence dans l'information est très importante afin d'éviter le surendettement. Il est aussi très important de revoir la réglementation des supports et des contenus de l'information qui circulent sur le marché, que ce soit au niveau de la publicité mensongère, l'affichage des prix et tarifs de remboursement ou au niveau des clauses des contrats de crédits. Recueillis par N. L.