La publication des statistiques de crédit à la consommation par l'Association professionnelle des sociétés de financement (APSF) démontre que le crédit à la consommation a connu une hausse au terme du premier semestre 2009. Cette performance correspond à une hausse de 22% de l'encours des financements automobiles et une bonification de 15,6% de l'encours des prêts non affectés. Il est clair que les crédits à la consommation, en dépit de certaines anticipations de tassements en début d'année, demeurent bien orientés. Il reste à savoir si un tel constat témoigne de la bonne tenue de la consommation interne. Le Marocain s'endette de plus en plus Selon l'APSF, le nombre de dossiers financés en 2008 a augmenté de 451.959 demandes contre 413.589 une année auparavant, soit un montant global de crédits à la consommation frôlant les 36,1 milliards de DH et équivalant à un accroissement de 17,7%. La Direction des études et des prévisions financières (DEPF) a, quant à elle, estimé que la masse réelle du crédit à la consommation distribué en 2008 dépassait de loin les 5 milliards de DH. Ce montant additionnel fait grimper le chiffre global à près de 41 milliards de DH. Ce montant représente plus de 33% du total des crédits à l'économie. Si certains expliquent cette tendance haussière par une frénésie d'achat et de consommation, une autre lecture de ces chiffres dévoile une réalité sociale désolante. La face cachée Les crédits non affectés représentent 65% des crédits à la consommation et consistent à accorder une somme au client sans que ce dernier n'ait à en justifier l'utilisation. En tête du palmarès de ces crédits les plus convoités par les salariés du secteur public, figure le prêt personnel. Ce dernier bénéficie d'une bonification de 15,6%, soit 21,9 milliards de DH de l'encours crédits non affectés et ce, au détriment du financement des équipements domestiques accusant, eux, une baisse de 20,3%, soit 845 millions de DH. Comment s'explique cette percée des crédits non affectés ? La hausse des crédits non affectés est-elle un signal positif ? Suite à une analyse de la structure des crédits à la consommation, il ressort que le Marocain sollicite ces derniers pour couvrir des dépenses occasionnées par certains évènements familiaux et autres fêtes religieuses. Pire, les prêts personnels sont affectés à des dépenses quotidiennes, à l'achat de biens de luxe ou encore au remboursement d'un crédit déjà contracté. Quels sont les facteurs intervenant dans ces changements de comportements ? Georges Gloukoviezoff, doctorant en économie à l'université de Lyon, estime à ce propos que le développement de l'endettement est lié à celui de la précarité professionnelle et familiale. Quant à Jamil Mellakhi, économiste, il explique que «le coût de la vie a beaucoup augmenté au cours des dix dernières années. Auparavant, un salarié qui touchait 3 000 DH pouvait faire vivre sa famille décemment. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Incapables de boucler leurs fins de mois, bon nombre de Marocains n'ont d'autre choix que celui de s'endetter». De tels propos peuvent être corroborés, chiffres à l'appui. Selon une enquête réalisée par l'APSF, ceux qui gagnent en dessous de 4.000 DH concentrent à eux seuls 48% du montant global des crédits distribués. Pour les ménages qui gagnent moins de 3.000 DH par mois, le taux d'endettement s'est établi à 45%, contre 12% pour les débiteurs touchant plus de 20.000 DH. Les salariés du secteur privé et les fonctionnaires, qualifiés de ménages à « revenu limité », représentent 87% des bénéficiaires. Moins le revenu est suffisant, plus on a tendance à s'endetter. Le crédit est conçu par ces ménages comme une seconde source de revenu et non comme un financement. Les perspectives ne sont guère prometteuses pour ces foyers, dans la mesure où le coût de la vie va en grandissant pour des salaires presque toujours au même niveau. Si le crédit permet de booster l'économie sur le court terme, il freine la consommation des ménages à long terme. Un cercle vicieux Réalité désolante Les situations de surendettement sont souvent dramatiques pour ceux qui les subissent. Si quatre personnes sur cinq disent ne pas avoir eu de mal à rembourser leur premier crédit, deux personnes sur trois ayant contracté un quatrième crédit disent avoir du mal à le rembourser. La raison principale invoquée à ces difficultés est le surendettement, comme le souligne l'APSF. Trois Marocains sur quatre sont titulaires de 1 ou 2 crédits à la consommation. Et 41% d'entre eux recourent à un troisième ou à un quatrième crédit pour le remboursement de l'un d'eux. Le taux de créances en souffrance est ainsi de 15% pour la tranche de revenus inférieurs à 3.000 DH et de 12% pour les personnes dont le revenu est supérieur à 20.000 DH. Les craintes sont réelles devant le risque de voir le surendettement détruire la vie de bien des ménages. D'un crédit à un autre, les Marocains croulent sous le poids de plus en plus lourd de leurs traites et arrivent à peine à joindre les deux bouts. Depuis quelques années, la procédure de recouvrement auprès de particuliers s'est accélérée et les sociétés de crédit peuvent aujourd'hui avoir recours à la justice pour récupérer leurs dus, et ce quels que soient les imprévus invoqués par leurs clients. Certains établissements tentent de remédier à cela en incluant dans le contrat de crédit une clause stipulant la suspension du remboursement à la demande du client. Mais, généralement, cette suspension ne dépasse pas les 6 mois et s'accompagne d'une majoration du taux d'intérêt et donc du montant de l'échéance à la reprise des prélèvements.