La première journée d'information organisée par l'Occupational Health Association Casablanca-Settat (OHACS) le samedi 6 juillet est l'occasion de mettre la lumière sur une profession qui fait face à d'importants défis au Maroc. Et l'un des premiers obstacles qui bloque cette discipline ô combien importante pour améliorer les conditions de vie au travail et protéger les droits des travailleurs en cas de maladie professionnelle est bien le cadre réglementaire. En effet, bien qu'une actualisation du tableau des maladies professionnelles en 2015 porte le nombre de pathologies liées au travail à 117, la réglementation du travail qui oblige un employeur à souscrire à une assurance Accidents de travail, ne l'oblige pas à souscrire à une assurance maladies professionnelles. Par conséquence, en cas de survenance d'une maladie professionnelle, l'employé est obligé pour faire valoir ses droits de recourir à la justice au risque de se faire licencier. Sachant le parcours du combattant qui l'attend dans les couloirs des tribunaux pour recouvrer ses droits. En effet, la médecine du travail est un sujet qui n'est pas maitrisé par le système judiciaire : Juges, avocats, experts... Un tribunal avait jugé une indemnité de 800.000 DH pour une surdité professionnelle. Mais ce n'est rien pour le salarié qui a perdu un sens, son travail sans pouvoir en trouver un autre, sans oublier les frais pour les soins et l'appareillage et une tierce personne pour l'assister D'ailleurs l'une des recommandations émanant de cette première journée de l'OHACS est la formation des experts en matière de réparation des lésions professionnelles et la création de commission de réparation des maladies professionnelles pour expertiser les dossiers. Ce qui arrive souvent c'est que l'employeur va négocier avec son employé une indemnité dérisoire, que ce dernier accepte pour pouvoir garder son travail au risque de voir sa maladie aggravée. Il faut reconnaître que cette situation est encouragée par un Code du travail laxiste ! En effet, le Code du travail prévoit dans l'article 304, qu'un service médical du travail indépendant doit être créé auprès : 1 – des entreprises industrielles, commerciales et d'artisanat ainsi que des exploitations agricoles et forestières et leurs dépendances lorsqu'elles occupent cinquante salariés au moins ; 2 – des entreprises industrielles, commerciales et d'artisanat ainsi que des exploitations agricoles et forestières et leurs dépendances et employeurs effectuant des travaux exposant les salariés au risque de maladies professionnelles, telles que définies par la législation relative à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ». Dans ces structures, le médecin doit être présent durant toutes les heures du travail. Les entreprises en deçà de 50 salariés sont également tenues de constituer soit des services médicaux du travail indépendants ou communs dans les conditions fixées par l'autorité gouvernementale chargée du travail. Malheureusement, l'article 335 dudit code fixe l'amende pour violation de ces dispositions, ainsi que la non création d'un comité d'hygiène de 2.000 à 5.000 DH... si et seulement si ces entreprises sont épinglées par une inspection du travail qui viendrait constater qu'elles sont « hors la loi » ! Ce qui met en amont le rôle prédominant de l'inspection de travail qui doit veiller au respect de la loi. Mais également du ministère de tutelle pour revoir la législation en faveur d'une amélioration de l'hygiène et de la sécurité des travailleurs. Un texte plus dissuasif militerait en faveur de l'amélioration de la santé au travail. « Il existe un nombre de lois importants au Maroc relatives à la médecine du travail, mais malheureusement, leurs portées sont limitées dans la pratique », déplore Réda Benslim, médecin du travail. L'autre facteur de blocage et non des moindres est le nombre de praticiens. Le Maroc compte uniquement une vingtaine de médecins inspecteurs du travail, dont 5 à 6 seulement pour le grand Casablanca et deux uniquement à Rabat (Le troisième est parti en retraite). Un problème qui risque de s'accentuer avec le temps, la formation à cette discipline étant en voie d'extinction. En effet, pour tout le Royaume, ils sont trois professeurs qui forment les médecins spécialistes à cette discipline dispensée à la faculté de médecine de Casablanca ! En chiffres, ils sont 196 médecins « légal et de travail » référencés sur le site de l'ANAM, dont 69 à Casablanca, ville qui est le poumon économique et industriel du royaume (21 à Rabat et 18 à Tanger). C'est dire que l'avenir de cette discipline est compromis si rien n'est fait pour inverser la vapeur ! Pas seulement, cela met en péril tout un chantier futur que constitue le Plan national santé et sécurité au Maroc ! Il faut également associer les médecins de travail à toute stratégie dans ce sens. Pour conclure, l'OMS définit un bon état de santé : C'est un état de santé physique, mentale et sociale. Autant dire que le Maroc est loin du compte comparativement à nos voisins algériens et tunisiens avec des législations plus rigoureuses. À l'état actuel des choses, il n'y a pas mieux que la prévention qui peut éviter aux employés des maladies et aux employeurs de payer de lourdes indemnités, et qui permet au Maroc de se targuer du respect de la santé et de la sécurité au travail. Et ce n'est pas gagné ! LIRE EGALEMENT : PLAN NATIONAL SANTE ET SECURITE AU TRAVAIL : BIENTÔT UNE PREMIÈRE AU MAROC