L'information selon laquelle la DGI exercerait une certaine pression sur les écoles privées qui les empêche d'appliquer des réductions sur les frais de scolarité du 3ème trimestre 2020 est infondée. Le Code général des impôts est clair et ne peut être interprété autrement. Décryptage. Et ça continue de plus belle. Toujours pas d'accord en vue sur le front opposant les parents d'élèves aux écoles privées au sujet des frais de scolarité du 3ème trimestre 2020. Si certaines écoles ont retrouvé la raison en appliquant des réductions de 50% voire même une exonération pour les parents ayant perdu tout revenu; d'autres, en revanche, campent sur leur position. Interpellé sur la question lors de la réunion de la Commission de l'éducation, la culture et la communication, le ministre Saaïd Amzazi s'est prononcé sur un sujet qui accapare l'opinion publique, la scène médiatique ainsi que politique. Il a rappelé, une fois de plus, que le ministère de l'Education n'a aucun pouvoir législatif pour trancher sur ce conflit. Il a toutefois avoué que le cadre réglementaire (loi 06-00) qui régit l'enseignement privé, datant de plus de 20 ans, est obsolète. Les limites dudit cadre sont d'ailleurs la principale cause du bras de fer qui oppose les deux parties. « La loi 06-00 nous ne permet pas d'avoir une position tranchée pour chacune des parties. La seule chose que nous pouvions faire, et que nous avons fait, c'est de jouer le rôle de médiation pour préserver la relation qui lie les familles et les écoles privées », a précisé le ministre. Concrètement 14 réunions de médiation ont été tenues entre les différentes parties grâce à l'intervention des Académies régionales afin de trouver un terrain d'entente. Mais face à l'entêtement de bon nombre de propriétaires d'écoles privées, ces tentatives de médiation n'ont malheureusement pas abouti. Quant au contrat de droit commun qui lie les deux parties, il est régi par le Dahir formant Code des obligations et contrats et du coup ni le ministère l'Education ni celui de l'Emploi ne peuvent intervenir. Jusqu'au là tout est clair. Sauf que le ministre dans son intervention a déclaré que les fonctionnaires dont les salaires n'ont pas été impactés doivent s'acquitter des frais de scolarité. Certes il n'a pas précisé ce qu'ils doivent payer (totalité ou une partie) mais sa déclaration a suscité l'indignation de certains disputés, présents à la commission, mais aussi de bon nombre de fonctionnaires. Rappelons que ces derniers ont non seulement participé à l'élan national de solidarité en contribuant au Fonds de lutte contre la pandémie, mais ont également investi dans l'acquisition du matériel informatique (PC, tablettes, portable et imprimantes), connexion internet..., afin d'assurer l'enseignement à distance à leurs enfants. Un investissement que tout le monde omet de prendre en compte. Le ministre se contredit-il dans la mesure où s'il n'est pas habilité, de par la loi, à imposer aux écoles d'appliquer des réductions, il ne l'est pas non plus pour obliger les parents, fonctionnaires ou pas, à régler une prestation qui n'a pas été totalement fournie ? Contacté par nos soins, le ministre nous a affirmé que ses propos ne doivent pas être interprétés comme une décision à l'encontre des fonctionnaires. « Mais dans un élan de solidarité et vue que les salaires des fonctionnaires n'ont pas été touchés, nous les appelons à contribuer en payant les frais du 3ème trimestre afin de permettre aux écoles de payer les profs qui ont fourni un effort considérable pour assurer l'enseignement à distance », nous a-t-il expliqué. Sauf que, au risque de contredire les propos du ministre, la survie des écoles n'est pas réellement engagée comme le prétend la grande majorité d'entre elles. Et pour cause, les pertes que les écoles privées risqueraient en appliquant une réduction de 50% sur les 3 mois (revendication de la grande majorité des parents) ne représentent que 15% du montant annuel des frais de scolarité voire moins si l'on prend en compte les frais d'inscription et d'assurance que les parents payent au début de chaque année sans trop savoir à quoi correspondent-ils vraiment. Aussi et comme nous l'avions annoncé en exclusivité, bien que les écoles n'aient pas bénéficié du Fonds Covid, le gouvernement a décidé que certains employés des écoles privées notamment les chauffeurs, les assistantes maternelles, les femmes de ménages et les cuisiniers seront indemnisés par ledit Fonds. Ce qui permettra de réduire une partie de la masse salariale. Ce qui veut dire que le manque à gagner pour les écoles sera bien inférieur à 10%. Question anodine : est-ce trop demandé comme participation à l'effort national dans un contexte où l'Etat a sacrifié son économie, où les personnes ont perdu leur emploi, où des entreprises ont été obligées de fermer…? Quel rôle du fisc dans ce blocage ? Pour défendre et justifier leur position, les écoles privées affirment qu'elles ont des obligations vis-à-vis du fisc ce qui les empêchent d'appliquer des réductions ou d'exonérer les parents ayants perdus leurs emplois. Une information que le ministre a soulevé devant la commission. Saaïd Amzazi a souligné que l'application des 50% pour tous les élèves du privé n'est pas possible dans la mesure où l'Etat doit recouvrir les impôts. D'autant plus, a-t-il a rajouté que « les écoles privées doivent impérativement justifier la réduction ou l'exonération des frais de scolarité au fisc et justifier la situation des familles concernées par cette baisse », a affirmé le ministre devant les parlementaires. Ce qui n'est pas vrai. Le Code général des impôts, précisément l'article 8 relatif au résultat fiscal, est clair sur ce point. Il stipule que « le résultat fiscal de chaque exercice comptable est déterminé d'après l'excédent des produits sur les charges de l'exercice, engagées ou supportées pour les besoins de l'activité imposable...». En d'autres termes, la Direction générale des impôts n'a pas à exiger des écoles privées une autorisation pour la réduction de leur chiffre d'affaires. Aussi, le dépôt des bilans de l'exercice en cours ne se fera-t-il qu'en mars 2021. Et combien même contrôle il y a, l'administration fiscale vérifie les dispositions de l'article 8 sur la base de la déclaration fiscale spontanée de chaque établissement. Nous avons également consulté l'avis du fiscaliste Rachid Lazrak qui nous a confirmé que l'entreprise n'est imposée que sur le produit qu'elle a perchée. « Si arrangement il y a entre les parents et les écoles privées, il ne peut, en aucun cas, être exclu ou contester par le fisc du moment que la déclaration est réelle. Donc si un chiffre d'affaires d'une entreprise en l'occurrence les écoles privées baisse, l'administration fiscale n'impose que sur le chiffre réalisé », a-t-il précisé. Et d'ajouter « il ne s'agit nullement d'une créance à récupérer ni d'une libéralité où l'Etat pourrait reprocher d'avoir transigé ». En cas de contrôle, l'Ecole ne doit fournir que les quittances de paiement pour justifier son bilan. En conclusion, ce qui est sûr c'est que le fisc ne devrait même pas être mêlé à cette histoire à moins que l'Etat veillerait à préserver ses recettes fiscales dans ce contexte de crise, au détriment des citoyens. A bon entendeur !