Mohamed Hajib et Ali Lmrabet faussent un jugement allemand «non définitif» pour tromper l'opinion publique    Le soutien du Royaume-Uni à la souveraineté du Maroc sur le Sahara, « un impératif stratégique »    Addis-Abeba: Latifa Jbabdi élue vice-présidente de la plateforme des femmes africaines pour la justice transitionnelle    L'inexorable rejet international de l'inexistante «RASD»    Rabat. Un policier suspendu pour abus présumé d'autorité    Scientists announce the extinction of a bird last seen in Morocco in 1995    Météo Maroc : Temps chaud et vents violents avec chasse-poussières    Riaya 2024-2025 : Mobilisation de moyens dans la région Fès – Meknès    Echange commercial Maroc-Royaume-Uni : Rabat affiche un excédent commercial de 1 milliard de livres sterling au deuxième trimestre-2024    Alfa Romeo Junior : ce que vous devez savoir sur ce SUV urbain    Journée mondiale des transports durables : l'ONCF lance une promotion spéciale    Le Trésor place 3,5 MMDH d'excédents de trésorerie    Al Barid Bank et Guichet.com s'allient en faveur des jeunes Marocains    Arrestation de Boualem Sansal : l'hallucinante rhétorique antisémite du régime algérien contre Emmanuel Macron et la France qui appuie sa folle dérive autoritaire    Victoire de Trump et échec des démocrates : quels enseignements pour les partis politiques au Maroc ? [Par Amine Karkach]    L'Uruguay retient son souffle avant le deuxième tour des présidentielles    LDC (F) Maroc 24: L'AS FAR très proche de sa 2e étoile !    Botola D1 J11. Acte II : IRT-MAT et RSB-HUSA au programme d'aujourd'hui    Monopole des courtiers sur les rendez-vous de visa : Nasser Bourita tape du poing sur la table    Les dimensions de la visite du président chinois au Maroc : des transformations stratégiques    Le Maroc lancera les premières adjudications relatives au gazoduc Afrique atlantique en 2025    Grèves des médecins du secteur public : Aux origines d'un malentendu onéreux [INTEGRAL]    Mpox: l'OMS maintient son plus haut niveau d'alerte    Bensaid : Le théâtre, vecteur de la culture marocaine à l'international    Cinéma : Avec plus de 10 semaines en salles, Triple A" brille au BO    Speed-meetings : le sésame des artistes à Visa For Music    Mohamed Khouyi remporte le prix du meilleur acteur au CIFF    Les températures attendues ce samedi 23 novembre 2024    Le temps qu'il fera ce samedi 23 novembre 2024    Un souffle éthique au cœur de l'Istiqlal    Le Maroc, un modèle en matière d'égalité et de parité dans le monde arabe    Patrice Motsepe : la CAN féminine Maroc 2024 sera la "meilleure" et la "plus réussie"    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    UNAF U17/ Cet après-midi, un intense Maroc-Algérie : Horaire? Chaînes ?    L'Algérie libère deux groupes de 43 Marocains emprisonnés depuis des années    CAN Féminine Maroc 2024 : Le Maroc dans le groupe A avec la RDC, la Zambie et le Sénégal    Botola : Le Raja et le Wydad se neutralisent dans le derby de Casablanca    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    Le MSPS lance "Riaya 2024/25" au profit des zones touchées par le froid    Sophie De Lannoy : "Chaque personnage est inspiré d'une personne réelle"    Ce que l'on sait d'Orechnik, le missile balistique russe qui a semé la panique [Vidéo]    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée à "Daech" dans le cadre des opérations sécuritaires conjointes entre le Maroc et l'Espagne (BCIJ)    Première édition de Darb Race, le 8 décembre prochain à Dar Bouazza    Des partis marocains appellent à l'application de la décision de la CPI contre Netanyahu et Gallant    Protection du patrimoine marocain : Mehdi Bensaïd affûte ses armes    Cinéma : "Gladiator II", le retour réussi de Ridley Scott    Visa For Music : À l'ExpoStand, les musiques du monde se rencontrent!    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée au groupe Etat islamique lors d'une opération hispano-marocaine    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



[Entretien] Abdelaziz Aït Ali : l'élargissement de la bande de fluctuation a épargné un puisement dans les réserves de changes de BAM
Publié dans EcoActu le 18 - 05 - 2020

L'épidémie du Covid-19 a mis les Banques centrales sous pression pour prendre des mesures d'urgence de stabilité qu'elles sont prêtes à laisser de côté leur orthodoxie pour s'investir dans des mesures non conventionnelles ultra-expansionnistes. Quid de Bank Al-Maghrib ? Les réserves de changes s'avèrent être une véritable contrainte pour BAM dans la gestion macroéconomique. L'analyse d'Abdelaziz Aït Ali, Senior Economist au Policy Center for the New South.
EcoActu.ma : Pour commencer, quelle appréciation faites-vous de la batterie de mesures aussi bien monétaires que prudentielles mises en place par la Banque centrale pour faire face aux effets de la pandémie du Coronavirus ? Et quel est l'objectif escompté derrière l'activation de ces mesures ?
Abdelaziz Aït Ali : Tout d'abord, il convient de souligner l'ampleur du choc économique qu'a infligé le Covid-19 à notre appareil productif pour bien cerner les contours de la politique monétaire et financière mise en œuvre par les autorités concernées. Il s'agit, en fait, d'un double choc de demande et d'offre, amplifiés par une crise de confiance, qui produisent en fin de compte une marée très haute capable de tout emporter sur son chemin. Le bilan à mi-chemin de cette crise est alarmant, mais en grande partie prévisible. Les indicateurs disponibles à l'heure actuelle font part d'arrêt, ou une mise en veille- espérons-le- d'une grande partie des entreprises domestiques dans une variété de secteurs.
Le Haut-commissariat au Plan (HCP) a dévoilé que 54% des entreprises marocaines sont en arrêt temporaire tandis que 2,5% ont dû « déposer leur bilan ».
Les déstructurations d'entreprises devraient croitre crescendo sur les prochaines semaines, à moins que les mesures entreprises par le gouvernement et les autorités financières ne portent leurs fruits et estompent cette tendance.
Pour revenir à votre question, l'institut d'émission a déployé toutes les mesures à sa disposition pour renflouer de la liquidité dans le système et protéger, dans la mesure du possible, l'économie marocaine de la violence du choc de manière réfléchie, proportionnelle et en toute indépendance.
Ainsi, Bank Al Maghrib trace les contours de son intervention en toute indépendance et apporte son soutien financier et économique dans le cadre de ses attributions et ses prérogatives fixées par ses statuts.
La première mesure précoce décrétée par la Banque centrale renvoie à l'élargissement des bandes de fluctuations du dirham à 10% au lieu de 5%, à la veille de la prise de conscience effective de l'ampleur du défi. Cette décision a été relatée amplement par les médias, mais sans que les analystes fassent le lien avec le contexte de crise qui nous guette.
Nous l'avons remarqué, le dirham sur une période quasiment d'un mois s'est déprécié de plus de 5% en moyenne face à son panier d'ancrage avant de récupérer partiellement ses pertes.
Il est fort probable que la décision d'élargissement ait épargné un puisement dans les réserves de changes de la Banque centrale, très critique dans ce contexte d'incertitude.
Peut-être il est temps aussi d'accélérer cette réforme du régime de change, en franchissant un nouveau pas vers cette flexibilisation. Aujourd'hui, les tensions sur le marché de change sont relativement contenues et le « prix d'équilibre » est resté à l'intérieur des bandes de fluctuations sans que la Banque centrale n'intervienne, mais demain rien ne garantit que les déséquilibres externes seraient limites au point que le cours du dirham continue à évoluer à l'intérieur de l'intervalle des +/-5%.
S'en est suivi le rabaissement du taux directeur de 25 points de base dont l'objectif in fine est de redynamiser la demande agrégée, par l'amélioration de l'accessibilité des agents économiques au crédit bancaire.
Il a fallu attendre moins de deux semaines avant que la Banque centrale se prononce à nouveau sur une batterie de manœuvres monétaires et financières qui visent, d'une part, à injecter massivement de la liquidité sur le marché pour éviter des tensions éventuelles sur les taux débiteurs et promouvoir l'octroi des crédits, et, d'autre part, à assouplir les exigences prudentielles du secteur bancaire.
La première classe de mesures fait partie des instruments classiques déployés ici et ailleurs et que la Banque centrale sait très bien piloter.
Il se trouve que la Banque centrale a déjà assez de recul et d'expérience pour manœuvrer au mieux cet arsenal, surtout qu'un bon nombre de ces instruments est déjà à l'œuvre depuis un moment et la Banque centrale a décidé d'étendre le champ de couverture et sa portée.
Je fais allusion ici au programme de renforcement d'accès des TPME au financement bancaire introduit en 2012et qui est monté en gamme au fil des années.
L'élargissement du collatéral accepté par La Banque centrale au titre de ses opérations de refinancement du secteur bancaire a démarré également depuis bien longtemps, mais a été consolidé, peaufiné et redimensionné au diapason de l'ampleur du défi. Nous sommes ainsi devant de nouvelles-anciennes mesures bien appropriées par l'institut d'émission, ce qui est de bon augure pour leur succès.
La deuxième classe de mesures est plutôt nouvelle et technique dans sa conception. D'habitude, l'institut d'émission impose au secteur bancaire un respect strict des ratios bâlois destinés à protéger le secteur bancaire contre toute prise de risque excessive et constituer par la même occasion des matelas de sécurité, au cas où un risque financier se matérialise. Comme vous le savez, c'est la Banque des Règlements Internationaux qui définit ces ratios et leurs seuils, et procède à leur révision à chaque fois que le contexte financier international l'impose.
Ainsi, Bank Al-Maghrib s'est activée à mettre en œuvre la dernière génération des ratios réglementaires pour une mise à niveau de son secteur bancaire et le maintien de sa stabilité financière.
Avec la décision d'assouplissement, Bank Al Maghrib entend conférer une marge de manœuvre au secteur bancaire pour une relative prise de risque additionnel, à travers la libération de ressources financières à réallouer aux acteurs économiques. A ce stade, je trouve que les mesures prises jusqu'à présent sont au niveau du défi économique. Reste à voir si effectivement ils vont finir par soulager la pression sur l'entreprise et le citoyen.
Le Maroc a une politique monétaire rigoriste très attachée aux équilibres macroéconomiques et le Wali de BAM a toujours refusé d'opter pour la facilité en faisant jouer l'instrument monétaire, contrairement à d'autres banques centrales (pour éviter des effets pervers notamment ceux des taux négatifs). Cette prudence peut-elle prévaloir en période de crise où des pans d'activités se retrouvent devant une crise économique sans précédent ?
Rappelons que la Banque centrale s'attache à faire de la stabilité des prix un objectif primordial de sa politique monétaire qui garde toujours dans sa ligne de mire les tensions inflationnistes.
Ceci dit, l'institution d'émission se permet d'accompagner les objectifs économiques et financiers du gouvernement en toute indépendance et sans transgression à ses objectifs prioritaires. Nous sommes depuis un moment dans une phase où l'inflation ne pose pas de problèmes pour l'économie marocaine.
Nous avons clôturé l'année 2019 avec un taux d'inflation des plus faibles de l'ordre de 0,2%. Pour retrouver des niveaux de cet ordre, il faut remonter à la fin des années 60. A première vue, nous pourrons conclure que la Banque centrale dispose d'une marge de manœuvre pour assouplir au maximum sa politique monétaire.
Toutefois, une contrainte s'impose de manière indirecte dans l'équation de gestion macroéconomique que sont les réserves de change. La Banque centrale garde toujours un œil sur les niveaux de réserves de change et ses décisions sont extrêmement sensibles à l'évolution de ces dernières, car toute réduction du taux directeur devrait booster la demande agrégée dont une grande partie peut être destinée à des produits étrangers.
Vous le savez, nous importons au Maroc l'équivalent de 50% de notre Produit Intérieur Brut et cette demande amoindrit automatiquement nos réserves de change et, par ricochet, met en péril la viabilité de notre régime de change.
Seul un régime de flottement pourrait conférer une plus grande marge de manœuvre pour les autorités monétaires dans la conception de la politique monétaire. C'est pour dire en fait que la prudence des autorités monétaires est bien fondée tout au long de cette période d'avant Covid-19.
Maintenant, avec cette crise économique, la Banque centrale est bien consciente de l'enjeu économique et de l'ampleur des attentes derrière. La crise a significativement chamboulé les dogmes économiques et les Banques centrales d'ailleurs sont prêtes à laisser de côté leur orthodoxie pour s'investir dans des mesures non conventionnelles ultra-expansionnistes.
La Réserve fédérale des Etats-Unis (FED), à titre d'exemple, a décidé d'intervenir autant que possible sur le marché par, entre autres, l'acquisition de titres publics et hypothécaires, sans nécessairement fixer un plafond.
Aussi, la FED a-t-elle procédé, pour la première fois, à l'acquisition de la dette privée directement sur le marché secondaire. Elle a fait valoir sa qualité de prêteur de dernier ressort pour non seulement le secteur bancaire mais pour toute l'économie réelle et de manière directe.
Dans ce contexte de crise, aucune option n'est à écarter et les autorités sont prêtes à tout miser pour mettre sur pied l'économie réelle et éviter un effondrement irréversible du tissu productif.
Au Maroc, si les tensions persistent au bout d'une période, on pourrait se trouver dans une situation où la Banque centrale déploie des mesures ad-hoc pour renflouer de la liquidité dans les caisses de l'Etat de manière réfléchie et surtout ponctuelle.
Dans le contexte normal, le Trésor peut demander un financement de la part de la Banque centrale à hauteur de 5% des recettes fiscales de l'année écoulée adossé au taux d'intérêt du marché.
A vrai dire, si les signes d'une dissipation des effets de la crise émergent sur le prochain trimestre, je ne pense pas que la Banque centrale puisse aller si loin, mais au regard de l'incertitude prévalant, il faut s'attendre au pire et prévoir un« worst case scenario plan ».
Le secteur financier ne peut-il pas être mis à mal entre les règles prudentielles et la pression qu'il subit aussi bien de la conjoncture difficile que sous le coup des sollicitations du Comité de veille économique (report de crédit, souplesse d'octroi de financement...) ?
Effectivement, vous avez bien fait de soulever cette question, car on attend beaucoup du système financier dans ce contexte de crise, sans vraiment prêter grande attention à sa viabilité.
Mais de manière générale, je pense que le secteur bancaire resterait à l'abri et sortirait globalement indemne de cette crise. Premièrement, la crise actuelle ne revêt pas, du moins jusqu'à présent, une dimension financière et même si un jour elle se métamorphose l'échelle internationale, il est peu probable que notre système financier soit exposé ou sérieusement compromis.
La dernière crise financière de 2008 a confirmé à quel point notre système est résilient et bien capitalisé pour tenir le coup.
Les vulnérabilités qui peuvent nous provenir des expositions accrues du secteur bancaire au financement externe ne sont pas concrets, puisque ce dernier ne constitue pas un relais de financement de premier ordre pour le secteur bancaire.
Deuxièmement, la Banque centrale, organe de supervision du secteur bancaire, ne laisserait pas le secteur bancaire succomber au choc économique. Elle est bien lotie pour venir à bout de chaque crise financière capable de compromettre la viabilité financière du système.
La particularité des Banques centrales c'est leur capacité à accroitre la taille « autant qu'il le faut » pour injecter de la liquidité mais également pour soutenir le secteur bancaire, si jamais une banque éprouve des difficultés financières à honorer ses engagements.
La Banque centrale devrait se déployer tous azimuts pour épargner au secteur bancaire toute crise systémique dans sa dimension macro-financière. Pas plus que le 11 mai dernier, Bank Al-Maghrib a imposé au secteur bancaire une suspension de la distribution des dividendes au titre de l'exercice 2019.
Cette décision permettrait de renforcer les capitaux propres du secteur bancaire de près de 10%, si on se fie au résultat du secteur bancaire réalisé en 2018 et rendu public par Bank AL-Maghrib.
Le troisième argument, à mon avis, est lié à la violence du choc économique et ses répercussions systémiques. Cette année devrait se solder par une contraction de la production, d'après les institutions internationales, de près de 3%, si ce n'est plus.
Cette première récession depuis près de 25 ans, ne manquerait pas de retentir sur la viabilité financière des entreprises marocaines, dont une partie sera amenée à cesser définitivement son activité au terme de cet exercice.
Dans ce scénario, tout le monde serait perdant, y compris, bien évidemment, le secteur bancaire. Un secteur bancaire fort et résilient ne passerait que par un tissu économique lucratif et rentable et les concessions que le secteur bancaire devrait consentir, ne peuvent que le servir en fin de compte en pérennisant le tissu économique auquel il est greffé. Sinon, le choc est tellement violent qu'il risque d'emporter avec lui une grande partie de notre appareil productif.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.