Pour la deuxième année consécutive, la Caisse marocaine des retraites organise la seconde édition de ses rencontres scientifiques. Un rendez-vous que la CMR compte inscrire dans la durée pour un échange fructueux entre les mondes professionnel et académique sur des thématiques liées à la protection sociale. Etaient présents à cette rencontre, tenue le 18 décembre, d'éminents responsables des sphères publique, privée et du monde académique, avides de débattre de l'apport de la recherche scientifique en matière de protection sociale. La thématique choisie pour cette présente édition est : « Investissements institutionnels : opportunités et contraintes ». Comme l'a si bien expliqué Lotfi Boujendar, Directeur Général de la CMR : « Les problématiques qui peuvent être abordées dans ce domaine demeurent assez vastes et variées. Il y a la composante juridique à travers laquelle pourraient être traités les sujets liés à la couverture sociale et à la gouvernance des institutions de la sécurité sociale ». Et il enchaîne par le volet financier qui couvre, entre autres, les aspects liés à la pérennité des régimes, le financement des prestations, et l'investissement des fonds de la sécurité sociale. L'enjeu crucial est d'aboutir à l'optimisation des processus qui renvoie à la problématique d'allocation stratégique. A ce titre, il est utile de rappeler qu'en sus de leur mission en matière de protection sociale, les Caisses de retraite jouent un rôle important en tant qu'investisseurs institutionnels en matière de financement de l'économie. A un moment où le Maroc entame un grand virage avec son nouveau modèle de développement où l'inclusion sociale figure parmi les objectifs phares, les caisses de retraites sont appelées plus que jamais à l'accompagner en mobilisant à bon escient l'épargne collectée. « Avec plus de 500 Milliards DH de réserves et provisions constituées, ces opérateurs ont un devoir, en tant qu'investisseurs institutionnels, de rentabiliser cette épargne collectée tout en veillant au respect des contraintes de sécurité et des différentes règles prudentielles instaurées par les régulateurs », rappelle à juste titre Lotfi Boujendar. Encore du chemin à parcourir Aujourd'hui, dans un contexte de taux bas même sur le plan international et avec la prolifération de mécanismes de financement innovants (titrisation, PPP, Private Equity, OPCC, OPCI...), les pouvoirs publics sont acculés à revoir la réglementation en vue de plus de souplesse et d'ouverture sur ces nouvelles possibilités de financement qu'offre le marché financier. De son côté, Jaï Hokimi, président de Atlamed, Corporate Investment dresse le panorama du marché des capitaux : « Il y a des évolutions très rapides, une mobilité parfois brutale des capitaux, parfois même de ressources humaines... ce qui nécessite une meilleure agilité. Or, malheureusement au Maroc, on n'a pas toujours eu cette agilité espérée. Certes nous avons eu de très bonnes idées, mais le temps de les mettre en œuvre est parfois lent ». Hokimi regrette le fait qu'au fil des ans, le marché obligataire privé au Maroc ne s'est pas assez développé, qu'il a pris du retard au moment où dans d'autres pays, on commence à investir dans des cryptoactifs. Le cap a été mis obstinément sur le développement de la bourse de façon plus rapide sans passer par un marché obligataire privé profond. Résultat des courses : bien qu'elle soit honorable en terme de taille, la place demeure illiquide, étroite et fortement concentrée sur quelques valeurs. Ajoutons à cette mollesse boursière, la courbe des taux qui connaît une baisse, à l'instar des marchés les plus évolués, allant jusqu'à l'aplatissement. Ce qui rend compliqué le travail de trading ou d'arbitrage. En parlant de taux ou de politique monétaire, Jaï Hokimi rappelle qu'elle reflète la croissance économique. Autrement dit, il ne faut pas s'attendre à une dynamique du marché des capitaux avec une croissance économique moyenne de 3,5%. Sans vouloir assombrir le tableau, le président de Atlamed estime que le Maroc jouit aussi d'atouts pour ne citer que son système de protection sociale ou l'expérience réglementaire riche qui peut-être n'évolue pas au rythme imposé à l'heure actuelle sous le joug de la mondialisation. Le Maroc a à son actif, un capital humain averti, très au fait de toutes ces technologies, un système bancaire de qualité, une infrastructure intéressante... autant d'ingrédients qui nous permettent d'aller vers un stade plus avancé que de celui d'aujourd'hui. Une chose est cependant claire : il est nécessaire d'avoir un cadre juridique approprié en faveur des instruments sophistiqués. Faute de quoi, les institutionnels auraient les mains liées pour effectuer des placements plus rentables et mieux sécurisés afin de jouer leur rôle en matière d'irrigation de l'économie. Et pour joindre l'utile à l'agréable, cette rencontre était également une occasion pour remettre les prix d'excellence aux meilleurs travaux de recherche dans le domaine de sécurité sociale au titre de l'année 2019.
Lire également : PLACEMENTS DES CAISSES DE RETRAITE : DES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES REVOLUTIONNAIRES EN VUE