2 Ecrit par Imane Bouhrara | Le Conseil de Bank Al-Maghrib attendu fin mars va-t-il opter pour la troisième hausse du taux directeur depuis septembre dernier ou le maintenir inchangé histoire de bien attendre de voir si les deux dernières augmentations (un point au total) ont eu un impact sur l'inflation ? Nous avons posé la question à l'économiste, El Mehdi Fakir. Et c'est parti pour les pronostics pour ce premier conseil de Bank Al-Maghrib pour 2023 attendu fin mars, pour anticiper la réaction de la Banque centrale face à l'impératif de brider une inflation galopante et contribuer à une stabilité des prix mais dans une conjoncture économique qui a besoin de relais de relance, de croissance et de création d'emplois au Maroc. Malgré deux hausse successives du Taux directeur d'un demi-point chacune (septembre et décembre), en janvier 2023, l'inflation frôlait les 9% au Maroc, ce qui sans nul doute pèsera pour beaucoup dans la décision à venir du Conseil de Bank Al Maghrib. Ce que confirme l'économiste El Mehdi Fakir : « Au regard des agrégats monétaires, l'orthodoxie de la politique monétaire exigerait une révision à la hausse du taux directeur par le prochain Conseil de Bank Al-Maghrib. Une fois que la Banque centrale a enclenché depuis septembre dernier une hausse des taux, elle ne va pas s'arrêter en raison d'éléments raisonnables notamment une inflation qui frôle les 9% ». Il souligne par ailleurs, que « La Banque centrale est résiliente et sage en même temps. Elle a donné le temps nécessaire d'un reversement de la tendance haussière de l'inflation avant de décider en septembre dernier d'opérer une augmentation du taux, la première depuis des années, pour essayer de résorber une partie de cette inflation. Et face à une inflation très élevée, Bank Al-Maghrib ne va pas déroger à la règle observée par d'autres banques centrales à travers le monde, à l'exception de la banque centrale turque. D'autant qu'avec un taux directeur de 2,5%, elle a encore une grande marge de manœuvre comparativement à d'autres banques centrales ». Pour autant, ce conseil intervient dans un contexte économique marocain en quête de pistes de croissance, de renforcement de l'investissement notamment privé et de création d'emplois, avec des mesures prises au niveau de l'exécutif, qu'il serait tentant de se demander si la banque centrale pencherait pour un maintien du taux directeur inchangé. D'autant qu'une rencontre s'est tenue en février entre le gouverneur de la banque centrale et le chef du gouvernement pour faire le point sur la relance de l'économie nationale, le maintien des équilibres macroéconomiques, ainsi que la stabilité et la fluidité des transactions sur le marché national. Bien évidemment, il serait pure spéculation d'avancer ce qui a pu être dit entre les hommes, réunis en tête-à-tête à huis clos pendant une heure et demi, mais l'instrument monétaire qui était au chevet de l'économie, pourrait-il être encore une fois sollicité ? Notamment un maintien du taux directeur inchangé pour ne pas renforcer un durcissement des conditions de financement. En effet, un élément raisonnable à cette posture est celui d'attendre pour voir si les deux dernières augmentations (un point au total) ont eu un impact sur l'inflation ? La banque centrale dispose-t-elle pour autant de temps ? « C'est un scénario très optimiste que de maintenir le taux inchangé, d'autant qu'il n'existe pas d'éléments plaidant en faveur d'une telle option. Il ne faut pas oublier, même avec un recul de distribution des crédits, l'inflation ne baisse pas mais s'ancre. Donc je crois qu'on s'achemine sagement vers une 3e augmentation du taux directeur », insiste El Mehdi Fakir. Il rappelle d'ailleurs la sagesse de la banque centrale face à la crise ukrainienne, puisqu'entre mars et juin 2022, elle n'a pas cédé à la panique laissant le taux inchangé. Elle n'a décidé qu'augmenter le directeur qu'en septembre après qu'il a été bien évidemment que l'inflation ne se résorbait pas. Il ne faut pas croire que les décisions de BAM soient déconnectées de la réalité économique. En témoigne donc la dernière réunion entre le gouverneur de BAM et le chef du gouvernement sur la conjoncture internationale et de la reprise de l'économie marocaine et qui va dans le sens de la concertation et avoir tous les éléments pour une prise de décision, pour qu'à l'issue du conseil, la banque centrale ne soit pas pointée du doigt comme allant à l'encontre de la politique économique du pays. Après BAM est indépendante dans sa décision. « C'est une démarche très louable de la part du gouverneur de la banque centrale », insiste l'économiste qui avance le cas tunisien où la banque centrale a pris une décision sans concerter avec le gouvernement tunisien. « Après, la banque centrale est dans rôle et n'hésiterait pas à actionner l'instrument monétaire pour un meilleur contrôle de l'inflation. Ça sera une décision concertée et réfléchie », conclut l'économiste. La poursuite de la hausse du taux directeur est également la tendance à l'international En Europe, la BCE devra statuer sur la question le 16 mars. Le 8 février 2023, les taux directeurs de la zone euro ont été une nouvelle fois relevés par la Banque centrale européenne (BCE) pour atteindre 3 % et l'institution devrait poursuivre sur la voie dans laquelle elle s'est engagée au cours de l'année 2022, celle du resserrement monétaire pour contrer l' inflation et lutter contre le danger d'une spirale des prix-salaires, la hausse des premiers nourrissant celle des secondes et réciproquement. On prévoit d'ailleurs un taux terminal de 4% pour la BCE en 2023. Pour la FED, dont les taux se situent entre 4,5 et 4,75%, la décision sera prise entre le 21 et 22 mars, avec une projection de poursuite de la hausse jusqu'au taux terminal de 5,4% en 2023.