5 Ecrit par Lamiae Boumahrou | Après plusieurs années de blocage, la révision de la tarification nationale de référence (TNR) et l'adoption de la nouvelle nomenclature des actes professionnels trouvent-elles enfin une issue ? Le ministère de la Santé et de la Protection sociale nous dévoile les dessous du blocage et les prochaines étapes du process. Nous apprenons de source sûre que l'ANAM va démarrer les négociations entre les différentes parties le mois prochain. Le Maroc s'est lancé dans un chantier titanesque celui de la généralisation de la couverture sociale. Certes le pari de la première phase du chantier, à savoir la généralisation de la couverture sanitaire, a été achevée dans les délais soit fin 2022 avec l'intégration des Travailleurs non-salariés (TNS) ainsi que les ramedistes dans l'AMO. Mais il y a encore du chemin à faire pour réussir ce chantier et mettre en place un système de santé performant et efficient. Il faut surtout revoir le cadre régissant ce secteur vital et garantir au citoyen un accès aux soins de qualité sans le ruiner. Car bien qu'avec l'AMO, les Marocains continuent de payer cher leur prise en charge en assumant une grande partie des frais médicaux. D'où l'impératif d'accélérer la révision de la tarification nationale de référence (TNR) ainsi que celle de la nouvelle nomenclature des actes professionnels. Ladite nomenclature porte le nombre des actes de 3.700 à 7.000 actes. Où en est l'arrêté Ministériel fixant le cadre conventionnel type? L'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM), conformément à la réglementation à savoir l'article 20 de la loi 65-00 portant code de la couverture médicale de base, a élaboré un projet de cadre conventionnel type et l'a soumis au ministère de la Santé. Rappelons que ce cadre conventionnel type pour chaque convention nationale est établi par voie réglementaire sur proposition de l'ANAM, après consultation des représentants des organisations professionnelles prestataires de services médicaux (sans les organismes gestionnaires) avant de les soumettre à l'approbation de l'administration. Nous apprenons du ministère de la Santé que le projet final de l'arrêté Ministériel fixant le cadre conventionnel type est en phase de finalisation. La Tutelle est également en phase d'étudier en interne l'habillage juridique et le contenu technique du projet final de l'arrêté Ministériel fixant le cadre conventionnel type. Ledit projet sera soumis par la suite au Secrétariat général du gouvernement (SGG). Encore faut-il que l'arrêté ne soit pas bloqué au niveau du SGG comme l'est depuis un moment la nomenclature des actes professionnels à savoir l'arrêté Ministériel 21-866 soumis par le Ministère de tutelle auprès du SGG. Une réforme qui suscite de la résistance En effet, dans le cadre de l'assurance maladie obligatoire la TNR a été éditée en 2006 avec l'entrée en vigueur de l'AMO. Depuis c'est le statuquo alors que la règlementation impose une révision tous les 3 ans jusqu'en 2020 lorsque le ministre de la Santé, Ait Taleb Khalid, est parvenu avec l'ANAM à débloquer ce dossier en réussissant à faire signer des conventions collectives tarifaires avec les différentes parties prenantes hormis la CNOPS. Mais pour chaque pas en avant, ce dossier fait deux en arrière. 2022, l'obstination de la CNOPS a encore une fois empêché le processus d'avancer. Ce n'est qu'en 2022, plus précisément le 17 mars, que le projet de cadre conventionnel type définissant les rapports entre les prestataires de soins et les organismes de gestion dans le cadre de l'AMO a été entamé par l'ANAM sur orientation du Ministre de la Santé et de la Protection Sociale, en concertation avec l'ensemble des intervenants (instances ordinales nationales, représentations syndicales...). Un projet initial de l'arrêté Ministériel fixant le cadre conventionnel type a été soumis par l'ANAM au ministre de tutelle le 18 octobre 2022 (lettre n°15004/A). Pour faire bouger les choses, une réunion s'est tenue le 6 janvier 2023 entre les parties à savoir la tutelle, l'ANAM ainsi que les syndicats de la santé les plus représentatifs du secteur libéral notamment l'Association nationale des cliniques privées (ANCP), l'Ordre des médecins et du Conseil nationale de l'Ordre des médecins dentistes, le Collège syndical national des médecins spécialistes privés, la Fédération nationale des syndicats des médecins dentistes du secteur libéral, ainsi que le Syndicat national de médecine générale. Une réunion de restitution des travaux qui s'est soldée par la validation du cadre conventionnel et la fixation d'un délai de deux à trois semaines pour préparer la version finale de l'arrêté Ministériel fixant le cadre conventionnel type, en prenant en compte les différentes remarques formulées par les parties prenantes lors de la réunion de restitution. Les raisons du blocage de la nouvelle nomenclature Nous avons contacté à plusieurs reprises le SGG pour savoir les raisons du blocage de la nouvelle nomenclature, mais en vain. Le ministère de la Santé nous a apporté des clarifications affirmant que le SGG a organisé une réunion de présentation dudit arrêté le 06 juillet 2021 en présence de représentants du MSPS, de la CNSS et de la CNOPS. « La CNSS et la CNOPS ont émis des réserves et des remarques à l'adresse du MSPS, principalement concernant la question de l'impact des mesures envisagées sur l'équilibre financier des caisses, d'une part, et sur le système informatique de gestion des dossiers des assurés, d'autre part », nous précise la tutelle. Une 2ème réunion a été organisée par le SGG a organisé le 07 avril 2022 pour débloquer la situation mais sans issue puisque la CNOPS et la CNSS ont campé sur leurs positions. Malheureusement, la révision de la TNR est conditionnée par la nouvelle nomenclature car elle constitue la base des négociations. Comment sortir de cette impasse ? Le département de Khalid Ait Taleb nous a affirmé qu'il faudra décider s'il est pertinent de donner suite aux remarques de la CNSS et de la CNOPS, ou s'il ne serait pas mieux d'intervenir politiquement pour débloquer la situation, la question de la nomenclature étant en lien étroit avec la réforme Royale du système national de protection sociale. Il serait envisageable d'envoyer, le cas échéant, les réponses du MSPS au SGG ou, à défaut, faire en sorte que le projet d'arrêté soit publié nonobstant les remarques de la CNOPS et CNSS. A noter au passage que la CNOPS a, depuis le début, été réticente au changement. D'ailleurs elle était la seule à ne pas signer les conventions collectives tarifaires en 2020. Cela risque-t-il de retarder l'aboutissement de cette réforme ? Pas si sûr. Et pour cause, la gestion de l'assurance des salariés du secteur public devra incessamment basculer vers la CNSS étant donné que le projet de la réforme de l'assurance maladie ne prévoit qu'un seul organisme gestionnaire. Un projet de loi relatif à la disparition de la CNOPS serait en gestation. Faut-il rappeler aussi que la CNSS est aujourd'hui l'organisme gestionnaire le plus important du système de santé avec environ 90% de la population assurée. L'étape tant attendue Une fois ce blocage dépassé avec la publication de la Nouvelle Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) ainsi que l'arrêté du cadre conventionnel type (en cour de finalisation par la tutelle) au bulletin officiel, l'ANAM enclenchera le processus des négociations avec les différentes parties. L'ANAM sera en charge de piloter les négociations entre les prestataires de soins représentés par les établissements de soins publics, les cliniques privées, les médecins, les dentistes, les biologistes, les pharmaciens… et les organismes gestionnaires afin de mettre en place la nouvelle convention nationale. A noter que la tarification des actes obéit à des normes et se fait à la lumière des études de calcule de coût réalisées par l'ANAM . Nous apprenons de source sûre que lesdites négociations vont démarrer à partir du mois prochain. Cela dit, la réussite de ce chantier royal dépend considérablement de la détermination de tous les acteurs à jouer le rôle qui leur incombe et faire passer les intérêts des Marocains avant toute autre chose. A bon entendeur !